«Vers 1999, le Maroc était confiant avec la mise en place de cette charte qui devait enclencher une réforme globale du système éducatif. Aujourd'hui, on se rend compte que nous n'avons pas atteint ces objectifs», a déclaré Omar Azziman, président du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS). Le conseil avait entrepris d'évaluer la mise en place de la charte nationale de l'éducation entre 2000 et 2013. Les conclusions de cette évaluation ont été présentées vendredi lors d'une conférence de presse à Rabat. Un budget monstre pour l'éducation Du côté des ressources financières, il faut dire que les recommandations de la charte ont été respectées. Le budget alloué par l'Etat à l'éducation a augmenté de plus de 22 milliards de dirhams entre 2001 et 2011, dépassant la hausse de 5% prévue par la charte. Au total, le secteur de l'éducation a annuellement englouti entre 26 et 37% du budget de l'Etat. Le rapport souligne que le déploiement de ces ressources n'a cependant pas réussi à rehausser la qualité de l'enseignement. Les changements successifs à la tête des différents départements chargés de l'éducation ont également été critiqués par le rapport du CSEFRS. «L'absence d'une vision et d'une ingénierie globale du système d'éducation (…) a limité sa cohérence», peut-on lire sur le rapport. Cette même observation avait été relevée lors du discours royal d'août 2012, sans empêcher un bon nombre de réaménagements gouvernementaux et ministériels durant ces trois dernières années. Des changements qui «perturbent des processus pédagogiques sans pour autant introduire des innovations positives», affirme le rapport. Des inégalités profondes et 5 millions d'abandons scolaires Si la scolarisation des enfants de 6 à 15 ans a connu une augmentation significative durant cette dernière décennie (sa généralisation devrait être atteinte en 2016), la question de l'abandon scolaire reste l'une des plaies de l'éducation nationale. Le rapport du CSEFRS atteste que plus de 5 millions d'élèves ont quitté les bancs de l'école entre 2000 et 2012, 3 millions d'entre eux l'ont fait avant la dernière année du collège et près de la moitié avant d'avoir complété le cycle primaire. «Les difficultés sociales des familles défavorisées, surtout en milieu rural, minent les efforts de généralisation, notamment au niveau du collège, et appellent à prendre des mesures», note le rapport. La durée de scolarisation moyenne pour les plus de 15 ans est de 4,72 au niveau national alors qu'elle est de 7,1 ans dans les pays émergeants et 11 ans dans les pays développés. Le secteur de l'éducation reste, par ailleurs, marqué par de fortes inégalités autant sur le plan du genre, des régions qu'entre le milieu urbain et rural. Si l'on considère ce dernier exemple, le nombre moyen d'années de scolarisation a augmenté de 2,42 dans le milieu urbain durant la dernière décennie, contre 1,78 dans le milieu rural. L'indice Gini, servant à mesurer les inégalités en matière d'éducation dans le monde, attribue au Maroc un score de 0,48 au même titre que des pays comme le Yémen ou la Mauritanie, tandis que l'Algérie et la Tunisie affichent 0,37 et la Jordanie 0,30. Une usine à mauvais élèves... Si l'on en croit les différents programmes d'évaluation des acquis, le système éducatif marocain a du mal à produire de bons élèves. Le rapport du Conseil d'Azziman rappelle les conclusions du Programme national d'évaluation des acquis (PNEA) qui avait évalué le niveau des élèves marocains en mathématiques, sciences, arabe et français. Les résultats de cette étude indiquent que 60% des élèves de la 6ème année du primaire obtiennent des scores inférieurs à la moyenne en mathématiques et en sciences, au secondaire collégial ce taux augmente à 92% pour la deuxième année et 84% pour la troisième année. Les résultats ne sont pas meilleurs en ce qui concerne les langues. L'enquête TIMSS, menée en 2011, a, montré que les élèves marocains de la quatrième année du primaire sont incapables de répondre à des questions nécessitant la mobilisation de connaissance et que ceux de la 2ème année du secondaire collégiale n'arrivent pas à répondre à des questions basées sur un raisonnement logique. «Nous n'avons pas évalué la charte de l'éducation en elle-même, mais l'efficacité de son application», a tenu à préciser Omar Azziman, laissant entendre que celle-ci aura encore sa place dans le rapport global sur l'éducation nationale que prépare le CSEFRS et qui devrait être rendu public dans quelques semaines.