mise en œuvre particulièrement durant la période du Programme d'urgence. L'indice de l'effort absolu (IEA), qui compare le budget global alloué au Système d'Education et de Formation à la richesse nationale, a atteint son niveau le plus haut pendant les années 2010 et 2011, dépassant même les 7,7%. Toutefois, cet indice a baissé au cours de l'année 2013 pour s'établir à 6,69%. De manière générale, l'analyse de l'évolution des coûts unitaires, au niveau des trois cycles de l'Education Nationale, indique que les efforts ont été largement concentrés au niveau du Primaire et du secondaire collégial notamment durant la période de mise en oeuvre du Programme d'urgence. Au niveau de l'université, le coût par étudiant dans les filières à accès régulé représente plus de trois fois le coût par étudiant dans les établissements à accès non régulé. La gouvernance Le rapport du CSEFRS relève l'absence d'une vision et d'une ingénierie globale du Système d'Education et de Formation, alors qu'étaient entreprises sa décentralisation/ déconcentration, a limité sa cohérence. En outre, il aurait été opportun que les composantes du Système d'Education et de Formation puissent s'appuyer sur des cadres de référence nationaux renouvelés permettant à chaque composante locale ou territoriale de se réorganiser en fonction de ses prérogatives, de ses spécificités et de ses objectifs propres. Or, l'un des premiers constats à faire dans ce domaine, c'est qu'au niveau central, les départements ministériels n'ont pas procédé aux changements organisationnels à même de favoriser la dynamisation de leurs liens avec les autres services centraux et les entités décentralisées/déconcentrées. Les structures fonctionnelles qui existaient avant l'implantation de la réforme ont été réduites ou réaménagées, mais sans que cela ait un impact réel sur les valeurs, les systèmes ou les méthodes. Les chaînes de décision entre l'administration centrale et les niveaux décentralisés continuent à fonctionner comme par le passé. Beaucoup de décisions restent l'apanage d'instances centrales pour lesquelles le transfert des compétences et des prérogatives aux académies régionales par exemple demeure tributaire de mesures d'accompagnement Les enjeux de gouvernance n'ont pas été traités, comme cela aurait été nécessaire, tout au long des chaînes de relations qui relient les diverses composantes du système et structurent chacune d'elles. Les mécanismes de transparence, de prise de décision, de gouvernement, de pilotage, de partage, d'échange de procédures sont à interroger et à revisiter en vue de parvenir à une gestion efficace et efficiente. Les changements fréquents qui ont affecté la gestion des trois départements (Education Nationale, Enseignement Supérieur, Formation Professionnelle) du fait des réaménagements gouvernementaux et ministériels, ont nui à la nécessaire continuité en vue de capitaliser des acquis organisationnels, administratifs et pédagogiques. La bonne gestion du système en est affectée, ce qui l'empêche de continuer à se développer de manière adéquate, surtout lorsque ces changements perturbent des processus pédagogiques sans pour autant introduire des innovations positives pour le fonctionnement des établissements scolaires et universitaires. La redynamisation de l'action collective est un impératif afin de capitaliser sur les acquis en se donnant l'opportunité de revoir toute la production juridique et réglementaire produite depuis 2000, de réaménager les textes en fonction des leçons et des expériences acquises, de mieux clarifier les missions, les rôles et les fonctions des instances et des acteurs centraux et intermédiaires pour assurer un fonctionnement efficace et efficient du système de l'éducation de la formation et de la recherche scientifique. La réforme pédagogique Si la mise en oeuvre de la Charte a introduit une nouvelle architecture et une refonte des programmes, les conditions de leur production et application ont connu quelques dysfonctionnements qui ont un effet négatif sur la qualité de l'architecture globale des programmes, la définition des savoirs fondamentaux et la structuration des apprentissages. De plus, l'absence d'un cadre de référence cohérent de l'intégration, le caractère peu innovant des programmes scolaires restés centrés sur les contenus au détriment des compétences, la marginalisation des disciplines censées structurer le temps et l'espace chez l'apprenant, véhiculer les valeurs de la citoyenneté, de la tolérance et des droits de l'Homme, illustrent un certain nombre de limites. La Charte, dans sa première partie consacrée aux "Droits et devoirs des individus et des collectivités" stipule que « Les élèves et les étudiants assument les devoirs suivants : être assidus, disciplinés et se conformer aux horaires, aux normes et aux règlements de la scolarité ». Evaluer cet aspect revient à interroger le climat de l'école. En effet, si certaines écoles arrivent à offrir un climat favorable à l'apprentissage, le climat qui règne dans d'autres n'offre pas toujours un environnement de nature à favoriser une vie scolaire stimulante pour les apprentissages des élèves. Par ailleurs, dans ses principes fondamentaux, la Charte a appelé à une "mobilisation nationale pour la rénovation de l'école", interpellant les acteurs du système éducatif et les parties prenantes. Des auditions et des déclarations de ces acteurs se dégage une image peu positive de l'école et de l'université. Cette image, communément partagée, explique la faible mobilisation autour de l'amélioration de l'école. Les résultats des auditions révèlent que le Système d'Education et Formation est traversé par des dyfonctionnements majeurs qui ont retardé l'échéancier de la mise en application de la Charte et même du Programme d'Urgence. Le constat interpelle la politique éducative et la stratégie de mise en oeuvre des réformes, pour combler le retard et corriger les déficits. Généralisation et extension de l'éducation Tout au long de la mise en oeuvre de la Charte, la politique de généralisation de l'éducation a été inscrite dans l'ensemble des programmes, parce qu'elle représente un grand défi pour le Système Educatif. Toutefois, bien que des acquis et des avancées au niveau du primaire et de la scolarisation obligatoire aient été enregistrés, le processus de généralisation est loin d'être achevé. Malgré les efforts consentis, le cycle du primaire demeure faiblement développé, notamment en milieu rural tandis qu'en milieu urbain, il est largement assuré par le secteur privé. La dualité traditionnel/ moderne du préscolaire entrave sa cohérence et sa qualité. Le mode traditionnel reste prédominant en dépit d'une baisse des effectifs. Les disparités sociales et territoriales continuent de caractériser le préscolaire, défavorisant ainsi les enfants ruraux et les petites filles. La généralisation de l'éducation est manifeste pour le primaire, mais elle reste encore insuffisante au niveau des cycles collégial et qualifiant. Les progrès enregistrés en milieu rural et à l'endroit des filles sont significatifs. La scolarisation des enfants âgés de 6 à 15 ans a connu une augmentation continue durant la décennie de la réforme. Les rythmes d'évolution se sont accélérés au cours du Programme d'urgence. Si le rythme est maintenu, la généralisation de la scolarisation des enfants âgés de 6 à 15 ans pourra être atteinte en 2016. La démocratisation de l'éducation à travers la scolarité obligatoire a connu des avancées qu'il convient de renforcer en limitant les déperditions dues au redoublement et à l'abandon scolaire. Le décrochage et la déscolarisation ne sont que partiellement pris en charge par l'éducation non formelle ou la formation professionnelle ; en conséquence, ils continuent à alimenter l'analphabétisme dont l'éradication parmi les jeunes n'est pas effective, à rebours des objectifs de la Charte. L'Enseignement Supérieur connaît une massification non régulée, avec des déperditions importantes qui entravent le développement des universités publiques. La part du privé au sein de l'Education Nationale et de l'Enseignement Supérieur, malgré sa croissance, demeure concentrée dans les grandes villes, sans pour autant atteindre les objectifs de la Charte. Il y a eu certes une évolution importante en vue de promouvoir l'éducation pour tous. Mais au terme de cette analyse, il est nécessaire de pointer les facteurs qui ont fait obstacle à la réalisation des objectifs de la Charte, à savoir : - Le manque d'articulation entre l'éducation et la formation professionnelle ou qui limite la cohérence de l'action publique et notamment, une stratégie d'optimisation des efforts pour généraliser l'éducation et réduire substantiellement les abandons et la déscolarisation. - Les difficultés sociales des familles défavorisées, surtout en milieu rural, qui minent cet effort de généralisation, notamment au niveau du collège et appellent à prendre des mesures. L'évaluation des acquis S'agissant de l'évaluation des acquis des élèves et de la performance scolaire, l'enquête conduite dans le cadre du Programme National d'Evaluation des Acquis (PNEA) (2008) sur quatre niveaux scolaires (la quatrième année et la sixième année du primaire et les deuxième et troisième années du secondaire collégial) reste une référence. Elle avait pour objectif d'évaluer les performances des élèves en mathématiques, en sciences, en arabe et en français interpelle par ses résultats. A titre d'exemple, les scores obtenus par les élèves indiquent que plus de 40% des élèves de la 6ème année du primaire obtiennent plus que la moyenne (5). Au secondaire collégial en revanche, 92% des élèves de la 2ème année et 84% de la 3ème année ont obtenu des scores en mathématiques bien inférieurs à la moyenne. En physique-chimie, ces pourcentages atteignent 83% en 2ème année du secondaire collégial et 86% en 3ème année, alors qu'en sciences de la vie et de la terre, ils dépassent 90%, et ce pour les deux niveaux. Ce que révèle l'enquête PNEA en ce qui concerne les performances des élèves en mathématiques et en sciences a été corroboré par l'enquête Trends in International Mathematics and Science Study TIMSS : le niveau des acquis des élèves en 4ème année du primaire, entre 2003 et 2011, a reculé, passant du score 347 à 335 en mathématiques et de 304 à 264 en sciences. Pour l'enquête TIMSS 2011, les élèves de la 4ème année du primaire n'ont pas obtenu de bons scores aux questions nécessitant la mobilisation des connaissances. En 2ème année du secondaire collégial, les résultats sont médiocres pour les questions se basant principalement sur le raisonnement. La Charte fait de la maîtrise des langues par les élèves marocains, un impératif de la généralisation d'un enseignement de qualité. Car le renforcement et le perfectionnement de l'enseignement de l'arabe, du français et des autres langues étrangères constituent un défi majeur pour les politiques éducatives au Maroc. Or, les acquis des élèves dans les deux matières, l'arabe et le français, révélés par les résultats de l'enquête PNEA 2008 montrent que la plupart des élèves participant à cette enquête n'arrivent pas à atteindre la moyenne. Plusieurs facteurs contribuent à la dégradation du niveau des acquis : comme la non généralisation du préscolaire, le retard scolaire lié à l'entrée tardive en première année du primaire, ou au redoublement, l'environnement pédagogique comme la taille des classes, le taux d'encadrement, la charge horaire des enseignants, l'état des établissements, l'accès aux TIC et l'environnement socio-culturel de la famille. Les données des différentes enquêtes TIMSS et PIRLS, qui se sont déroulées durant la décennie de la Charte, relatives au climat de l'école au Maroc lié aux enjeux de discipline, font état d'une dégradation entre 2001 et 2011. Les résultats de ces enquêtes révèlent que 60% des élèves marocains en quatrième année du primaire, et 49% en deuxième année collégiale sont scolarisés dans des écoles où les problèmes de discipline et de sécurité sont fortement présents (absentéisme, retard, tricherie, vandalisme, menace, etc.). Sur l'ensemble des élèves enquêtés, seuls 14% sont scolarisés dans des écoles où ces comportements ne sont pas significatifs. L'université publique n'échappe pas aux problèmes d'incivisme, parfois même de violence ; ce qui entache le climat des campus universitaires et engendre une image négative de l'université. L'équité dans l'éducation Les inégalités dans l'éducation, mesurées par l'indice de Gini, sont abordées dans l'évaluation sous l'angle quantitatif, en se basant sur l'estimation du nombre moyen d'années de scolarisation de la population âgée de 15 ans et plus. Le niveau d'instruction de la population marocaine âgée de 15 ans et plus est estimé en 2010, à 4,72 années de scolarisation en moyenne. Il a connu une augmentation d'environ un an par décennie depuis 1982, mais demeure en-deçà du niveau moyen observé dans les pays en développement (7,1 années) et dans les pays développés (11 années). Néanmoins, signalons que la durée moyenne de scolarisation pour la tranche 15-24 ans a fortement augmenté, passant de 3,23 en 1982 à 4,49 en 1994, puis à 6,87 en 2010. Les jeunes entre 15 et 24 ans ont manifestement bénéficié de la dynamique de la réforme durant la dernière décennie, plus précisément par le biais de la généralisation de la scolarisation de base. Tandis que l'inégalité entre les femmes selon le milieu connaît une baisse plus lente, l'indice de Gini passant de 0,86 en 1982 à 0,66 en 2010, celles enregistrées entre le milieu rural et le milieu urbain, malgré la baisse constatée sur la période (l'indice de Gini est passé de 0,92 à 0,71 dans le milieu rural et de 0,64 à 0,47 dans le milieu urbain) demeurent plus prononcées. Le nombre moyen d'années de scolarisation a plus augmenté dans le milieu urbain que dans le milieu rural (soit un gain de 2,42 contre 1,78 année de scolarisation). L'insertion professionnelle Pour améliorer la qualité dans l'enseignement supérieur, la Charte considère l'évaluation et l'autoévaluation comme un outil principal d'amélioration de l'insertion et un indicateur du rendement externe du Système d'Education et de Formation. Selon les données disponibles se rapportant aux enquêtes emploi réalisées annuellement par le Haut-commissariat au Plan, les diplômés des facultés connaissent un taux de chômage élevé depuis le début de la décennie (23,4% en 2011). Cependant, les informations disponibles ne permettent pas de mesurer le niveau de correspondance entre les qualifications des diplômés et les emplois occupés, encore moins de fournir une précision sur les niveaux de diplômes, les filières ou les établissements les plus touchés par ce chômage. L'analyse des données sur les sortants du système éducatif, de la Formation Professionnelle ainsi que celles d'une enquête sur l'insertion professionnelle réalisée auprès des lauréats de deux universités font ressortir quelques constats importants. Pour les sortants ayant un faible niveau de qualification, tels que les déscolarisés, surtout ceux qui quittent le système éducatif avant de terminer le cycle de la scolarité obligatoire, l'insertion s'avère difficile. De plus, au niveau du primaire, l'Education non formelle ne réussit à récupérer que 30% des déscolarisés dont elle ne parvient à réinsérer qu'une infime partie dans l'école formelle ou dans le système de Formation professionnelle. Au niveau collégial, une grande part des sortants ne parvient pas à trouver une place dans le système de Formation Professionnelle, en raison d'une capacité d'accueil limitée. Il en résulte un stock de sortants avant la fin de leur scolarité obligatoire pour lesquels il n'existe aucune autre alternative de formation ou d'insertion dans la vie active. Concernant la Formation Professionnelle et malgré son extension, son mode essentiellement résidentiel en limite l'impact et les opportunités d'insertion pour les jeunes stagiaires. Pour les sortants des niveaux supérieurs, les chances d'insertion sont plus grandes. Le sortant de niveau baccalauréat reste celui qui a le plus de chances d'accéder à une formation alternative diplômante (niveau technicien), tandis que quelques 40% des sortants du secondaire qualifiant peuvent entreprendre une formation de niveau qualification. Quant aux diplômés de la Formation Professionnelle de niveau supérieur (Technicien, Technicien Supérieur), ils sont mieux insérés que leurs homologues de niveau inférieur (spécialisation et qualification) après 48 mois. Pour les diplômés de l'enseignement supérieur, la moyenne de la durée d'attente pour trouver un emploi après 34 mois, est de 4 mois après l'obtention du diplôme, avec toutefois des disparités entre les diplômes et les établissements. En règle générale, les difficultés d'insertion ont tendance à s'estomper au fur et à mesure que le niveau d'éducation s'élève. Conception de la réforme et gouvernance L'élaboration de la Charte a été, sans conteste, un tournant dans l'histoire récente du Système d'Education et de Formation en raison du consensus dont elle a fait l'objet et des orientations qu'elle a tracées, puisqu'il y a désormais un avant et un après la Charte. Néanmoins, ce texte fondateur, à la lumière de l'évaluation de l'application qui en a été faite, suscite des réflexions sur sa conception et sa compréhension par les acteurs de la mise en œuvre de la réforme. La Charte regroupe non seulement de grandes orientations stratégiques mais également un ensemble de recommandations opérationnelles. Cette oscillation entre ce qui relève à la fois de l'ordre de l'orientation et ce qui a trait à l'opérationnel, a fait qu'on l'a substituée aux plans opérationnels. Tout se passe comme si ce texte se suffisait à lui-même et qu'il n'avait pas besoin qu'on lui conçoive des plans d'opérationnalisation assortis de calendriers de réalisation, d'une démarche pour conduire le changement et d'une modalité de suivi et d'évaluation. Comme on a pu le constater à travers la mise en application de la Charte, des chantiers ont été entamés, mais de manière parcellaire discontinue et asymétrique. Ce n'est qu'avec le Programme d'urgence (2009) qu'un plan opérationnel, traitant l'ensemble des orientations de la Charte et tous les niveaux du Système d'Education et de Formation, a été élaboré pour donner un nouveau souffle à la mise en application de la Charte. En intégrant des recommandations détaillées, la Charte se présente plus comme un programme d'action que comme une Charte qui dessine les principes et les grandes orientations pour le moyen et le long termes. Il en résulte que son application pour les responsables a été inscrite dans une logique de causalité technique, qui consiste à considérer que lorsqu'on décrète une réforme des curricula, par exemple, les enseignants vont immédiatement la mettre en application et ainsi, les acquis des élèves vont s'améliorer. Or l'adoption d'une réforme en éducation, de nature plurielle, enclenche tout un cheminement complexe et diversifié qui demande qu'elle soit d'abord admise et comprise, puis maîtrisée et appropriée, avant qu'elle ne soit appliquée par les acteurs. Dans la mise en application de la réforme, la prise en considération du cheminement nécessaire qui mène vers un effet positif sur les acquis des élèves est un impératif dans la conduite du changement et de la réussite de cette réforme dont l'impact ne s'inscrit pas dans l'immédiateté ou dans le court terme, mais dans la durée. Par la temporalité lente des réformes, ajoutée aux logiques diverses des protagonistes, aux résistances des multiples acteurs, aux dysfonctionnements de la gouvernance et aux défaillances de la conduite du changement, ces réformes se retrouvent retardées et/ou ajournées. Par ailleurs, la Charte visait une réforme globale et simultanée des trois sous-systèmes (Education Nationale, Formation Professionnelle, Enseignement Supérieur) et de leurs diverses composantes, pour une décennie tout en donnant des orientations qui vont au-delà de la décennie : ne pourrait-on pas se demander si la Charte n'était pas d'une ambition excessive compte tenu de la multiplicité des changement structurels qu'il fallait simultanément engager ? La non prise en compte de la temporalité d'une réforme éducative de grande ampleur a exposé la Charte, conçue pour le moyen et le long termes, aux aléas d'une opérationnalisation fragmentée et court termiste. L'école n'est pas placée au coeur de la collectivité nationale et locale Les préoccupations qui ont prédominé au niveau central durant la période 2000-2008 de la mise en en oeuvre de la Charte, étaient relatives à la mise en place des structures institutionnelles, à la conception des réformes des programmes et des méthodes pédagogiques. Tout ceci a nécessité un pilotage, une prise de décisions, des mesures et des actions par le haut. Il s'ensuit que l'effet des réformes ne parvient pas toujours jusqu'à la classe. Il est certain que les Ministères de tutelle demeurent les responsables premiers de la mise en place des réformes, de leur réussite et de la performance du Système d'Education et Formation. Il leur revient le rôle de mobiliser les autres départements ministériels et de faire converger les efforts pour placer l'école au coeur de la collectivité nationale. C'est ainsi que changer l'école à partir de la base – dans chaque établissement et au sein de la classe –, implique, non seulement de la placer au coeur de la collectivité nationale et de l'enraciner dans la collectivité locale, mais d'oeuvrer aussi à ce que cette collectivité soit responsable de l'école de ses enfants. Démotivation et démobilisation des enseignants Les enquêtes auprès des enseignants et des responsables de la gouvernance montrent que ces derniers ne remettent pas en cause le bien-fondé de la réforme, ni la qualité des recommandations de la Charte. En revanche, ils stigmatisent les conditions dans lesquelles sa mise en oeuvre a eu lieu et la manière avec laquelle les acteurs ont structuré leur action, organisé le système et communiqué à propos des objectifs de la réforme. L'insatisfaction qui prévaut chez les enseignants lors de l'enquête sur leur perception de la mise en application de la Charte ainsi que la morosité constatée lors de l'enquête menée sur la gouvernance, traduisent une démotivation et une démobilisation manifestes. A noter que cette insatisfaction est généralisée puisqu'elle ne se limite pas aux enseignants mais s'étend aux autres responsables. La raison est que les réformes sont vécues comme des directives subies et non comme des projets auxquels les acteurs ont contribué. Il est évident que ces acteurs ne se sont pas approprié les réformes. Or, les vrais changements s'opèrent aux niveaux de la classe, du mode de gestion des établissements, du mode de gouvernance ; par conséquent, la réussite des réformes est tributaire de l'implication des acteurs à tous les niveaux du Système d'Education et Formation. D'où la nécessité d'adopter et de concrétiser le principe de participation sur lequel devrait reposer la conduite du changement. En initiant des réformes, on n'accorde pas toujours une attention particulière aux agents chargés de la conduite du changement. Une réforme est toujours portée par des agents relais qui ont une vision partagée, une compréhension de ses objectifs compte tenu d'un diagnostic commun de l'état du Système d'Education et de Formation, une implication réelle dans le changement de l'école et une capacité à défendre la réforme avec conviction et argumentation. Ces agents doivent être présents tout au long de la chaîne de responsabilités du système, et faire partie des changements en tant que concepteurs et réalisateurs de projets innovants. La réforme au sein de la classe Les résultats de l'évaluation des acquis des élèves révèlent que l'effet des réformes qui se sont succédées n'arrivent pas à améliorer les acquis. La généralisation a enregistré des avancées, mais demeure encore inachevée. Les abandons sont certainement dus à plusieurs facteurs, mais, restent liés à une école qui ne retient pas ses élèves. L'école doit être une chance et non une contrainte. Elle doit faire réussir tous les élèves dans la scolarité obligatoire avec un socle de base comportant des connaissances, des compétences, des règles de conduite, la maîtrise de la langue d'enseignement, l'acquisition des bases de l'abstraction mathématique et d'une culture numérique encadrée. La question est donc, non seulement, comment retenir les élèves, mais surtout comment leur garantir à travers l'apprentissage, le socle indispensable de connaissances : lire, écrire, s'exprimer, réfléchir, se servir du numérique et s'adapter à un environnement changeant. La Charte a contribué à instaurer quelques acquis et certaines bonnes pratiques pédagogiques, mais la généralisation de la réforme par le haut, dès son démarrage, n'a pas permis aux expériences réussies de créer l'effet multiplicateur vertueux de l'émulation par l'exemple. Certes, des success stories existent mais elles sont noyées dans des pratiques dominantes qui ne tirent pas toujours l'école vers le haut. Ne faudrait-il pas adopter la démarche qui favorise l'expérience réussie au niveau de la classe pour devenir un modèle à suivre par un effet d'émulation ? Changer de paradigme éducatif implique un travail de redéfinition du socle des connaissances à faire acquérir aux élèves, des projets d'innovation pédagogique à instaurer dans les classes en menant des expériences pilotes et une personnalisation des apprentissages à adopter avec des méthodes différenciées qui prennent en charge les élèves au cas par cas. Dans ce cadre, la nécessité d'une réforme par le bas, au niveau de la classe, s'impose. L'école de demain est celle d'une scolarité obligatoire qui garantit aux élèves l'acquisition d'un socle indispensable des connaissances, perceptible dans l'évaluation de leurs acquis. Ceci va contribuer à la démocratisation de l'éducation et favoriser l'égalité des chances . La problématique linguistique L'évaluation des acquis en langues met en évidence un déficit linguistique des élèves qui constitue un des facteurs entravant les processus d'apprentissage. Comme le montre l'évaluation à partir des différentes données des enquêtes signalées dans le rapport d'évaluation, les acquis des élèves sont dans l'ensemble faibles en lecture et en écriture. Or écrire et lire constituent l'initiation de base à l'éducation et au code éducatif. La Charte a préconisé une diversification des langues d'enseignement des sciences et des technologies et une harmonisation de la langue d'enseignement entre le secondaire qualifiant et le supérieur, afin d'assurer « les meilleures chances de succès académique et professionnel des apprenants ». De même, « les unités et modules scientifiques et techniques les plus spécialisés seront enseignés, au cycle du baccalauréat, dans la même langue que celle utilisée dans les branches et sections correspondantes au niveau de l'enseignement supérieur, vers lesquelles devraient s'orienter les élèves » (Article 114). Dans le sens de cette harmonisation, la Charte recommande également de procéder « progressivement, à l'ouverture de sections optionnelles d'enseignement scientifique, technologique et pédagogique, au niveau des universités, en langue arabe, parallèlement à la disponibilité de référentiels pédagogiques de qualité et de formateurs compétents ». Ces orientations n'ont pas été appliquées (Article 114). Les choix linguistiques demeurent insuffisamment définis, et une planification linguistique accordant à chaque langue (les deux langues officielles : l'Arabe et l'Amazighe, ainsi que les langues étrangères), un positionnement dans le système d'éducation et de formation en tant que langues d'enseignement et langues enseignées, n'est guère explicité. L'incohérence linguistique, qui caractérise ainsi le système d'éducation et de formation, exige, dès lors, de repenser la politique linguistique au sein de notre pays dans une perspective d'équilibre durable entre le principe de justice linguistique et l'impératif de la maîtrise des langues étrangères.