C'est à son premier bailleur de fonds, la Banque africaine de développement (BAD), que le Maroc a fait appel pour dresser un tableau de la situation économique du pays et relever les principaux obstacles à une croissance plus soutenue. «Malgré les conjonctures internationales difficiles, le Maroc a pu, grâce à une série de réformes, maintenir un taux de croissance respectable par rapport à la région», a déclaré Donald Kaberuka, président du groupe de la BAD, lors d'une conférence de presse tenue hier mercredi à Rabat. Kaberuka rejoint, cependant, l'idée selon laquelle les taux de croissance enregistré par le Maroc sont en deçà de son potentiel. Quels sont, donc, les freins à la croissance du Royaume? Le «Diagnostic de croissance du Maroc» établi par la BAD, en collaboration avec le Millenium challenge coopération (MCC) en relève quelques uns. Le système éducatif, talon d'Achille de l'économie marocaine Ce n'est un secret pour personne, le système éducatif marocain a besoin d'une réelle remise à niveau. «Malgré les énormes efforts entrepris par le gouvernement marocain, les taux de scolarisation dans le secondaire et le supérieur restent faibles. La durée moyenne de scolarisation est inférieure à la moyenne des pays ayant le même niveau de revenu», souligne le rapport. La BAD rappelle, ainsi, le faible rendement de l'éducation au Maroc et les résultats en dessous de la moyenne des élèves marocains dans des tests internationaux. A partir de là, le raisonnement suivi est simple: un système éducatif défaillant produit une main d'œuvre incompétente, ce qui freine une croissance tirée par le secteur privé. Par conséquent, les secteurs dépendant le plus d'une main d'œuvre qualifiée sont les plus impactés et ont vu, selon le rapport, leurs valeurs ajoutées diminuer durant ces dernières années. Des politiques gouvernementales inadaptées «Un système juridique lent, une distorsion au niveau du système fiscal, un accès difficile au foncier et une réglementation du marché du travail contraignante», énumère le rapport. Combinés, ces facteurs constituent une contrainte majeure au développement de l'investissement privé au Maroc. La BAD parle ainsi d'échec des politiques gouvernementales, ce qui entraîne des risques au niveau micro-économique. «Dans le cas du Maroc, ces distorsions et défaillances d'ordre micro-économiques ont constitué une contrainte majeure à la croissance économique et ont impacté l'investissement privé», poursuit le rapport. Ainsi, malgré la vague de réformes dont il a fait l'objet lors de la dernière décennie, le système judiciaire marocain resterait contraignant, ne facilitant pas les activités économiques. «Le système judiciaire souffre toujours d'une certaine lourdeur dans l'exécution des procédures et des décisions, ce qui pousse les entreprises marocaines et étrangères à éviter le recours au système judiciaire», note le rapport, saluant, néanmoins, le projet de réforme structurant en phase d'être mis en place dans le secteur. L'analyse de la BAD a relevé que l'accès au foncier, qu'il soit agricole ou industriel, pose lui aussi un problème de taille. La complexité du statut foncier au Maroc et la diversité des règles de gestion des terrains, conjuguées à la diminution des réserves foncières de l'Etat font du foncier un obstacle sérieux à l'investissement dans le Royaume. Dans le secteur agricole, ces facteurs s'ajoutent à un morcellement des terres et à un faible niveau d'immatriculation, ce qui réduit significativement le rendement agricole. Du côté de l'industrie, l'offre est tout simplement insuffisante et, le plus souvent, inadaptée aux besoins des investisseurs. «Ceci est dû aux décisions d'aménagement et à la configuration des zones qui ne correspondent pas aux besoins réels des investisseurs, aux capacités insuffisantes de l'administration foncière et surtout au manque de coordination», précise le rapport. Réforme ou pas réforme ? Il semblerait, par ailleurs, que les réformes successives du système fiscal marocain aient fait des dommages collatéraux. Selon le diagnostic de la BAD et du MCC, celles-ci l'auraient rendu sujet à diverses interprétations, lui faisant ainsi perdre de sa lisibilité. Sur le plan fiscal, c'est donc de cohérence que le Royaume a besoin. «Les taux d'imposition au Maroc ne sont pas excessifs et sont comparables à des pays comme la Tunisie, mais les entrepreneurs marocains considèrent encore l'impôt comme une charge très lourde et comme un obstacle au développement de leurs activités», note le rapport. Autre domaine nécessitant de profondes réformes, celui de la réglementation du travail. Selon le rapport, la législation du travail au Maroc serait parmi les plus rigides dans le monde et plusieurs entreprises ne sont pas disposées à la respecter «…ce qui explique le nombre relativement élevé de grèves déclenchées par an», indique le rapport. En plus du coût de la main d'œuvre, cette législation serait l'une des contraintes majeures au développement de l'investissement privé au Maroc. Si le diagnostic dressé par la BAD et le MCC est loin d'être rassurant pour l'économie nationale, il est utile de rappeler que l'ensemble des secteurs considérés comme freins à la croissance sont aujourd'hui en plein chantier de réformes, et devraient connaître des changements structurants dans les années à venir.