Les maisons de Casablanca continuent de s'écrouler. La métropole, encore endeuillée par le drame de Bourgogne, survenu il y a moins d'un mois, a vu deux immeubles partiellement s'effondrer à l'ancienne médina, sans faire de victimes. Ce mardi, vers 3h du matin, les éléments de la protection civile et de la sûreté nationale ont évacué les habitants de deux maisons de 4 étages à Derb Taliane. Quelques instants plus tard, les murs succombent aux fissures accumulées depuis de longues années. Mohamed, sa femme et ses trois enfants se retrouvent à la rue. «Nous n'avons nulle part où aller, les enfants sont chez des proches et ma femme et moi dormons dans la rue depuis que la maison s'est effondrée», explique le père de famille. «Je suis allé plusieurs fois prévenir les autorités, le moqadem me disait qu'il ne pouvait rien faire pour nous». Même désespoir chez sa voisine Aïcha, qui a quitté son logement en compagnie de son mari et de son fils : «J'ai dû être hospitalisée après le choc de l'effondrement (…) les autorités savaient que nos maisons risquaient de s'effondrer, ils nous disaient de déménager, mais nous n'avons pas les moyens de louer une maison où que ce soit». Les familles de Mohamed et Aïcha font partie des 12.000 ménages de l'ancienne médina qui devaient être relogés dans le cadre du projet d'aménagement de l'avenue Royale piloté par la Société nationale d'aménagement communal (Sonadac). Ce projet, lancé en 1995, avait buté sur des problèmes de recensement et d'expropriation des terrains. Il a été relancé après des effondrements successifs touchant certaines des habitations concernées. En mars dernier, l'avancement du projet faisait état du relogement définitif de 700 ménages, soit près de 2.700 personnes. Cependant, pour Mohamed, c'est surtout le coût du relogement qui pose problème : «La plupart de nos voisins ont été relogés, mais il faut payer 200.000 DH, il m'est absolument impossible de fournir cette somme». Face à ce problème, l'un des responsables de l'agence urbaine de Casablanca explique que «les logements proposés aux familles sont subventionnés par le Fonds de solidarité habitat et l'Etat leur propose des facilités de paiement. Ces personnes veulent des logements gratuits, ce qui n'est pas possible». Ce nouveau drame soulève, également, la question des maisons menaçant ruine dans les anciennes médinas. Selon Mustapha Chakib, architecte et secrétaire général de l'association Casa Mémoire, il s'agit d'une situation dont souffre tout le Maroc et à laquelle il faut remédier d'urgence. «Le cas des anciennes médinas est particulier. Celle de Casablanca, à l'image de toutes les anciennes médinas du Maroc, souffre d'une insalubrité qui résulte d'un problème social. Ces maisons-là nécessitent un entretien particulier, et leurs habitants viennent souvent de milieux socioprofessionnels défavorisés, et n'ont pas les moyens que cela nécessite», explique-t-il. Concernant les raisons potentielles de ce type d'effondrements, M. Chakib évoque les divers travaux entrepris dans l'enceinte des médinas : «Quand il s'agit de travaux de rénovation, d'assainissement ou autres, on ne prend souvent pas en compte la particularité des anciennes médinas. Ce sont des espaces fragiles, que nous devons entretenir et protéger. (…) Il faut une réglementation des travaux dans les anciennes médinas». Le drame qui avait secoué le quartier de Bourgogne le 11 juillet 2014 semblait avoir une fois pour toutes tiré la sonnette d'alarme face au problème des maisons menacées de ruine de Casablanca. Dans l'attente de solutions de fond, ces effondrements successifs et ces projets de réhabilitation qui tardent à se mettre en place nourrissent l'inquiétude et l'indignation des 5 millions d'habitants de la capitale économique. Par: Sara El Majhad