La 2ème réunion du dialogue stratégique maroco-américain qui a été présidée conjointement par le ministre des affaires étrangères et le secrétaire au département d'Etat américain s'est terminée à Rabat en début d'après-midi du vendredi 4 avril comme elle avait commencé le matin : en laissant les journalistes sur leur faim. Un sentiment qui n'a d'ailleurs pas beaucoup évolué au cours d'une conférence de presse réduite à sa plus simple expression. Deux sujets auraient pourtant gagné à être explicités : l'appréciation que se font les Etats-Unis de la situation dans les provinces sahariennes après les dernières mesures prises par le Maroc pour y préserver les droits de l'Homme et, les rumeurs selon lesquelles l'Amérique serait en passe de vendre des armes sophistiquées à Alger «afin de l'aider à améliorer sa lutte contre le terrorisme». Lesquels commentaires avaient levé dru en Algérie après la récente visite de John Kerry dans ce pays. Trop brièvement évoquée par les allocutions des deux responsables, la question des provinces sahariennes a également été éludée par une conférence de presse consacrée pour l'essentiel à l'effet de levier qu'exerce le conflit israélo-palestinien sur l'instabilité dans certaines régions du monde. Saluée comme une avancée, cette position n'a cependant pas fait oublier que l'évolution récente des questions bilatérales méritait un intérêt d'intensité égale. La principale marque de cette 2ème réunion du dialogue stratégique a donc été pour nombre de commentateurs d'avoir excellé dans le paradoxe de la bonhomie alliée à l'organisation la plus stricte. On y a découvert un John Kerry qui manie l'humour avec bonheur. S'extasiant - apparemment- tour à tour sur la haute qualité de la gastronomie et de l'architecture marocaines, il a décoché cette boutade qui a fait rire même le ministre des affaires étrangères : «Mezouar a un très beau bureau qui donne sur la magnifique vue du Bouregreg. Son bureau est si plaisant que je me demande comment il réussit à y travailler». En fait, il faut revenir à l'allocution du ministre des affaires étrangères pour trouver une mention développée de la cardinale question de l'intégrité territoriale du Royaume. Après avoir fait l'apologie des réformes de bonne gouvernance et génératrices de liberté engagées par le Maroc – «ce qui établit le fait que les Etats-Unis et le Royaume partagent les mêmes valeurs démocratiques et les mêmes principes de droits humains -, Mezouar a lié la stabilité dans la région du Sahel à la solution du différend régional du Sahara». Le retour de la stabilité et sa permanence passent «nécessairement par la solution du différend régional sur le Sahara», et dans cette perspective, le Maroc apprécie grandement l'appui continu qu'apportent les Etats-Unis au secrétaire général de l'ONU et à son représentant personnel afin de trouver, sur la base de l'initiative marocaine d'autonomie élargie, que l'administration américaine considère comme «un plan sérieux, réaliste et crédible», une solution politique définitive et acceptée par toutes les parties au problème, a déclaré en substance Mezouar. Car, a-t-il laissé entendre, l'initiative marocaine répond si bien aux aspirations des habitants des provinces sahariennes relatives à leur volonté d'autogestion, qu'elle est susceptible de leur apporter dignité, liberté et développement général. Et cela d'autant plus que, dans cette perspective, «le CNDH et ses commissions régionales jouent dans cette région un rôle essentiel dans le renforcement de la culture des droits de l'Homme». Mezouar l'a clairement dit aux Américains : le règlement du différend du Sahara est une condition sine qua non de la stabilité, de la paix et du développement dans la région de l'Afrique du Nord et du Sahel. En fait, son message équivaut à ceci : le retard apporté au règlement du différend sur le Sahara retarde la marche de la région vers le progrès et y gêne les actions du Maroc en faveur de la coopération Sud-Sud, de la stabilité et du développement. Ces actions, a-t-il expliqué, ne sont pas seulement économiques et financières et ne viennent pas seulement en renforcement de la coopération Sud-Sud, mais procèdent également du rayonnement spirituel et du statut d'Amir Al Mouminine du Roi du Maroc, tant il est vrai que la tolérance et la modération constituent le meilleur rempart contre le terrorisme. Ce message n'est apparemment pas tombé dans l'oreille d'un sourd puisque John Kerry a salué le rôle éminent du Maroc dans la lutte contre le terrorisme, et dans le maintien de la paix et de la stabilité dans la région. De fait, le secrétaire d'Etat américain a qualifié le Royaume d'allié régional qui apporte sécurité et prospérité au voisinage, ce qui engage les Etats-Unis à lui apporter plus de soutien. Saluant l'impulsion donnée par la récente tournée de SM le Roi dans un certain nombre de pays subsahariens, il a jugé que ce faisant, le Maroc joue un rôle dynamique dans la lutte contre le terrorisme. Action qu'il a semblé lier aussi aux manœuvres militaires conjointes entre les armées des deux pays dans la région de Tan Tan. Sur le plan strict de la coopération bilatérale, John Kerry s'est attaché à un habile mélange entre le passé et l'avenir en évoquant avec force la reconnaissance des Etats-Unis par le Maroc il y a deux siècles et les perspectives qui sont offertes au partenariat entre les deux pays. Parlant du passé, il a dit la gratitude de son pays au Royaume, qui le premier l'a reconnu au lendemain de la guerre d'indépendance. Il a paru en prendre prétexte pour affirmer la volonté de Washington de renforcer son partenariat avec Rabat et de soutenir davantage le processus de réformes marocain et la coopération économique et financière du Royaume avec les partenaires subsahariens. Un partenariat triangulaire qu'il veut win-win. Cependant, il a considéré que la question des jeunes interpelle et, qu'on doit d'autant plus donner une formation adéquate et du travail à cette tranche de la population qu'elle en représente le tiers. Cette question est une des priorités sur la voie de l'avenir, a-t-il laissé entendre. Il a néanmoins jugé que la coopération culturelle entre les deux pays est un élément de la solution au problème. En fait, les déclarations de l'un et l'autre responsables tendent à établir que le référentiel des valeurs partagées, l'amitié séculaire, l'aménagement de la sécurité et la stabilité par la création de richesses et leur distribution la plus large imposent un renforcement du partenariat bilatéral. Et cela d'autant plus que quand bien même il aurait boosté les échanges, l'accord de libre-échange conclu entre les deux pays n'a pas tenu toutes ses promesses et que les investissements américains au Maroc restent en deçà des capacités d'émission et d'accueil.