Bassima Hakkaoui, notre ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social est dans une mauvaise passe. Son projet de loi sur les violences faites aux femmes est sérieusement malmené par la société civile et vient d'être recalé par le gouvernement lui-même. Que prévoit ce projet de loi ? Nous vous en parlions dimanche dernier dans notre article Nouvelle loi: Les dragueurs marocains risquent jusqu'à 4 ans de prison , et depuis cette annonce, la nouvelle a fait l'effet d'une bombe sur les réseaux sociaux et dans la presse. Dans les grandes lignes, le projet de loi de Mme Hakkaoui proposait de modifier le code pénal afin de criminaliser notamment le refus du conjoint de réintégrer le domicile conjugal allant par là même à l'encontre d'une décision de justice. Il était également question de la criminalisation des mariages forcés, de l'atteinte à l'intégrité du corps de la femme, de la dilapidation de l'argent du ménage, des violences contre les femmes enceintes et de celles commises devant des enfants. Autres dispositions prévues, l'abus de confiance, l'escroquerie et le vol entre époux. Enfin, certaines mesures ont surpris par leur caractère inédit. On pense à l'éloignement du conjoint violent, de l'interdiction d'approcher l'épouse ou les enfants et de l'interdiction de gérer des biens de la famille. Mais si il y a bien une chose qui a retenu l'attention des internautes et a littéralement défrayé la chronique, c'est bien la criminalisation de certaines attitudes considérées désormais comme du harcèlement sexuel. On parle ici de harcèlement dans les espaces publics, mais aussi de celui commis sur le lieu de travail. Qu'en disent les féministes ? Le torchon continue encore et toujours de brûler entre les féministes et leur ministre de tutelle. Décidemment, pas moyen de les mettre d'accord. Après examen dudit projet de loi 103-13, le mouvement féministe se dit d'une part satisfait de la « libération » de ce projet après une très longue attente, mais proteste catégoriquement contre sa mise à l'écart lors de l'élaboration de ce projet, acquis pourtant consacré par la constitution de 2011. Après tout, ne sont-elles pas les mieux placées pour parler de violences à l'égard des femmes, elles qui côtoient les victimes sur le terrain? Selon les féministes, le texte se veut confus et départi de toute cohérence. Sans compter l'abandon de l'approche genre et la non adoption des recommandations internationales. Les associations s'interrogent aussi sur la confusion engendrée par l'inclusion de l'enfant dans un texte qui traite de la violence faite aux femmes. Et sur ce point précis, on ne peut que leur donner raison… Enfin, selon elles, ce projet manque d'une vision globale et claire de la lutte contre la violence fondée sur le genre, dans ses dimensions de prévention, de protection, de répression et de prise en charge. Mais, au-delà de la critique, les féministes font aussi des propositions et appellent ainsi le Gouvernement, d'une part, à surseoir à l'adoption du projet de loi 103.13 dans sa version actuelle afin d'assurer les conditions requises à même de garantir une bonne cohésion au niveau de la vision, de l'approche et des dispositions. D'autre part, celles-ci appellent à l'organisation d'un dialogue structuré et ouvert avec toutes les composantes du mouvement féministe, afin de contribuer à élaborer un texte répondant aux attentes des femmes marocaines et à la hauteur des engagements de notre pays. Benkirane aurait-il entendu l'appel des féministes marocaines ? Hier jeudi, lors du Conseil de gouvernement, Abdelilah Benkirane en a surpris plus d'une, et en premier Bassima Hakkaoui, en décidant de poursuivre l'examen du projet de loi 103-13 sur la lutte contre la violence faite aux femmes. Mais ce n'est pas tout, le Conseil a en outre décidé de mettre en place une commission présidée par le Chef de gouvernement (himself !), laquelle sera chargée d'examiner ce texte pour y apporter des amendements nécessaires. Alors qu'on s'attendait à ce que projet de loi, attendu depuis très longtemps, soit adopté rapidement et sans tergiversation, d'autant plus qu'il a été travaillé conjointement par le Ministère de Bassima hakkaoui mais aussi par le Ministère de la Justice, il n'en sera rien. Cette manœuvre a-t-elle pour but d'étouffer le projet de loi dans l'œuf ou d'y apporter réellement des modifications en vue de l'améliorer ? Pour le moment, il est trop tôt pour le dire. Mais une chose est sûre, les féministes ont remporté une demi victoire, la gente masculine qui s'indignait sur les réseaux sociaux de ne plus pouvoir « draguer » ces dames en paix respire un bon coup, et Bassima Hakkaoui essuie un redoutable revers.