ALM : «Louve musulmane» est votre premier roman. Qu'est-ce qui vous a décidée à commencer par un récit autobiographique ? Amal El Atrassi : J'ai eu un rendez-vous avec une psychologue, lors de ma première incarcération, quand j'avais 19 ans, qui a estimé que je n'avais pas d'appréhension, je n'étais pas suicidaire et j'étais bien. Elle a trouvé cela assez bizarre et m'a dit : «Comment tu peux te sentir bien dans un tel endroit?». Je lui ai répondu : «J'ai tellement vécu de choses, je suis descendue en enfer palier par palier donc la prison pour moi ce n'est pas…». Elle m'a dit : «Mais comment ça ? Parle-m' en…». Ce à quoi j'ai répondu que c'étaient des choses dont je ne pouvais pas parler parce que je n'étais pas prête. Elle m'a dit que l'écriture pouvait être une bonne thérapie et m'a encouragée à tenir un journal intime où je pourrais écrire ce que je ressentais et c'est ainsi que j'ai commencé.
Et maintenant que vous avez tout dévoilé. Vous vous sentez soulagée ? «Louve musulmane» m'a beaucoup apporté, c'est mon médicament. Le but de ce livre était avant tout thérapeutique, une façon d'exprimer des souffrances enfouies et partager mon expérience avec des gens qui auraient vécu des choses similaires.
Qu'est-ce qui vous a incitée à choisir « Louve musulmane » comme intitulé ? Un jour, alors que je travaillais encore sur mon livre, j'aidais mon fils à réviser sa leçon d'histoire, dont l'un des chapitres était sur la légende de la louve romaine. Ce titre m'a interpellée. Cet animal évoque le côté à la fois nourricier, carnassier et surtout protecteur. Il est aussi solitaire et chef de meute. Je trouvais que cela caractérisait bien mon rôle au sein de ma famille et de celle que j'ai créée avec mon compagnon et nos quatre enfants.
Votre frère Mustapha a créé une polémique autour de l'œuvre. Vous n'avez pas essayé de le convaincre de l'utilité de votre démarche ? Il ne m'adresse plus la parole depuis 10 ans, donc je ne peux qu'émettre des suppositions. Il a fait une croix sur son passé et sa famille et ne parle plus à personne, sauf à ma mère… Nous étions pourtant très proches. En fait, je pense que j'ai écorché certaines images. Et puis, il imagine peut-être que j'ai envie de «faire du beurre» sur son dos ! Mais vous savez, je n'ai aucun compte à régler avec lui. C'est mon frère et je l'aime. D'ailleurs, les chapitres dans lesquels je fais référence à lui ne sont pas si négatifs. J'en parle surtout avec tendresse, amour et même fierté… Mais ce livre, c'est une façon pour moi de lui faire comprendre qu'il a tort. Je ne comprends pas pourquoi il y a cette agressivité en lui et une telle insensibilité alors qu'il n'a pas vécu les mêmes choses que moi ou mes sœurs ; il était notre «chouchou» à tous et a vécu de loin «notre» enfer. Pourtant, il est dans le déni le plus total. J'aimerais lui manquer de temps en temps, comme lui me manque.
En évoquant l'Islam, vous avez pu aboutir aux bons aspects de cette religion. Est-ce pour véhiculer une bonne image de l'Islam auprès de la communauté étrangère ? J'ai voulu expliquer aux gens, au travers de mon livre, qu'il ne fallait surtout pas faire l'amalgame avec l'islam et l'Islam des illettrés et stigmatiser une religion qui prône avant tout le respect, la tolérance et le partage.
Un projet de roman après «Louve musulmane»? Pour le moment, je suis en projet d'adaptation de «Louve musulmane» qui est en vente au Maroc dans la librairie Almareef.