Saisissant diagnostic que celui par lequel Ahmed Lahlimi a introduit, mercredi à Rabat, sa tant attendue conférence sur la contribution du HCP «au débat sur une nouvelle politique économique dans le contexte actuel des déséquilibres macroéconomiques au Maroc». Devant un auditoire où se comptaient de nombreux diplomates et décideurs, le patron de la prévision et de la statistique nationales a déclaré à la surprise de tous «qu'il est fort probable que la crise économique mondiale ne soit qu'une crise de croissance». Pour lui, le fait que les investissements maintiennent le rythme, même s'ils se transposent dans des secteurs nouveaux comme l'économie verte, est un gage d'avenir. Mais, a-t-il pris le soin de préciser, un avenir très différent de ce qu'on connaissait auparavant. En fait, a-t-il affirmé, l'économie est peut-être en train de changer de modèle. Mais s'il est resté sur un ton relativement neutre en parlant de l'évolution de l'économie mondiale, Ahmed Lahlimi a été beaucoup plus incisif s'agissant de l'économie nationale pour laquelle il a préconisé un changement de style immédiat. Il a, en effet, estimé que la croissance ne doit plus être confiée au seul effet d'une demande domestique gavée d'aides et de subventions et boostée par un taux d'inflation à «nul autre pareil». Il a donc laissé entendre qu'une solution réaliste de la crise impose la vérité des prix. Proposition qui a été d'autant plus perçue par l'assistance comme un soutien à la réforme de la Caisse de compensation qu'il a appelé à en prévenir les effets pervers sur les couches économiquement vulnérables en lui adjoignant des mesures d'accompagnement. Il a ajouté que cette hypertrophie de la demande a également suscité un déséquilibre de la balance commerciale. Autre élément de changement, selon le haut-commissaire au Plan, le financement de la croissance. Jusqu'ici, a-t-il fait remarquer, ce financement était d'origine externe, assuré qu'il était par les transferts des MRE et les revenus du tourisme. Il lui faut dorénavant se baser sur les ressources internes pour relancer la machine tant il apparaît que le recours à l'emprunt étranger sera chose de moins en moins aisée. Pour Lahlimi, qui reprend en cela les propos de nombreux experts, c'est la réforme de la fiscalité qui pointe l'oreille. Mais, l'un dans l'autre, ce que dit le HCP de la méthode marocaine c'est que ses «performances ont été produites par une politique budgétaire expansionniste marquée par un investissement public élevé, des subventions croissantes à la consommation, une politique monétaire ciblant le plus bas niveau d'inflation dans un cadre d'ouverture commerciale accélérée et de régime de change fixe». Ce disant, on a quasiment fait le tour des conseils de réforme du HCP. Sauf un: Ahmed Lahlimi a laissé de côté ses fiches pour prendre le soin de déclarer solennellement que la compétitivité est à revoir impérativement si on entend avancer d'un bon pas sur la voie du changement de modèle économique auquel nous astreint l'évolution mondiale. Dans les pays développés, pour obtenir un point supplémentaire de PIB, il faut 3 ou 4 unités d'investissement, au Maroc, le même résultat exige 7 ou 8 de ces mêmes unités. Les collaborateurs de Lahlimi diront en outre que la politique monétaire et de crédit a abouti à une prééminence des biens non échangeables –le bâtiment par exemple- sur les échangeables- qu'on peut exporter notamment. Ils ont également mis en cause la rétention du crédit bancaire, dont sont principalement victimes celles qui font la croissance et offrent emploi dans toutes les économies du monde : les PME.