Ses sorties sont aussi remarquables que très suivies. Son discours est méthodique. Son art de la persuasion est des plus étoffés. Il n'a pour règle que la loi. Pour le directeur des impôts, Noureddine Bensouda, le politique fait son travail. Lui, il exécute. Une façon de s'en tenir à ses réelles prérogatives, avec modestie et abnégation. Sa phobie, c'est l'exception, dont il ne cherche guère à cacher son allergie. Sans tenter de susciter un quelconque consensus, il implique tous les acteurs concernés dans toutes les mesures dont il a la charge. Tels sont en résumé les principaux traits de caractère et de travail de M. impôts au Maroc. On l'aura compris, c'est de Noureddine Bensouda, l'affable et tout aussi professionnel successeur de Abdelali Benbrik à la tête de la Direction des impôts. Dès qu'il a pris les rennes de ce département, le lauréat du Collège royal, docteur en droit, mais aussi en fiscalité a pris le temps de mener une réflexion en profondeur. Et pour cause, la sensibilité du poste. L'affaire était loin d'être une sinécure. Remettre les pendules de la fiscalité marocaine à l'heure, au sein d'une direction fragilisée, avec tous les désaccords que cela impliquait, nécessitait mûre réflexion. L'homme devait se faire une arme pour relever le défi. Elle n'était autre que le choix des équipes qui devaient l'accompagner dans une véritable croisade contre les dysfonctionnements et les irrégularités. Il met, pour cela, à profit sa longue expérience au sein de cette même direction et s'entoure de nouveaux collaborateurs. Compétence, sens des relations humaines et intégrité président à ses choix. Objectif : redorer le blason d'une direction entachée par une trop grande rigueur et dire, par le geste, qu'à temps nouveaux il fallait des responsables nouveaux. Le critère n'est autre que la méritocratie. L'objectif : instaurer une véritable égalité devant le fisc. Un engagement pris il y a quelques années déjà et qui ne cesse d'être actualisé, édifié. La dernière sortie en date de M. Bensouda, le 5 février dernier à la Chambre française du commerce et d'industrie de Casablanca, a été l'occasion de confirmer cet engagement. Il est certes vrai qu'actuellement, les taux d'imposition à l'IGR sont particulièrement pénalisants pour les faibles et moyens revenus. Mais il ne suffit pas, selon Nourreddine Bensouda, de distribuer des avantages fiscaux pour encourager l'investissement. Bien au contraire. «Les dépenses fiscales accentuent, en général, les inégalités et freinent la mobilisation des ressources financières », avait-il déclaré. Et d'affirmer, encore une fois, que les exonérations défavorisent parfois certains contribuables. C'est d'ailleurs le cas des entreprises dont l'activité n'est pas assujettie à la TVA. Sur les mesures d'incitation à l'investissement, l'homme a sa propre idée. L'acte d'investir, comme tout effort de développement économique, est une question de vision. Il se fonde sur la pondération d'une série de critères comme la visibilité et la stabilité économique, la disponibilité des facteurs de production de qualité, l'existence d'infrastructures conformes aux exigences des opérateurs, l'environnement institutionnel et juridique, et la disponibilité des ressources de financement à des coûts équivalents à ceux pratiqués sur le marché international. Pour lui, «il ne faut pas que la mise à niveau soit confondue avec l'aide publique ». Une déclaration qui en rappelle une autre, au risque de déplaire à plus d'un mais qui a, au moins, le mérite d'être claire : «Je ne suis pas le directeur des exonérations mais celui des impôts», avait laissé entendre Nourreddine Bensouda, un an auparavant. À contre-courant, il estime que trop d'impôts ne tue pas, systématiquement, l'impôt. L'ère des incitations fiscales est ainsi révolue. Le manque à gagner pour le budget est conséquent. Par contre, l'harmonisation est plus étroitement liée à l'élargissement de l'assiette dont l'objectif principal est d'assurer la transition fiscale. La substitution des ressources de fiscalité interne à des recettes tarifaires désormais en baisse, compte tenu de l'ouverture de l'économie sur le reste du monde, est un impératif. À l'entendre, sa logique n'a pas changé. Les principales actions de cette stratégie sont désormais tournées autour de l'harmonisation des procédures fiscales en matière d'assiette, de vérification, d'apurement des litiges et des sanctions entre les différents impôts, droits et taxes. Cette politique a concerné aussi la suppression de certains impôts qui consacraient un retour sur l'imposition “cédulaire” telle la participation à la solidarité nationale sur l'IS, sur la taxe, sur les profits immobiliers ou encore sur la taxe urbaine. Les six premiers mois de l'année 2003 ont connu la réalisation d'un excédent de 1,1 milliard de dirhams au titre des recettes courantes hors privatisation malgré une baisse de 1,2 milliard de dirhams des recettes douanières. Plus qu'un homme de parole, M. Bensouda est aussi un homme d'action. Les engagements pris un an auparavant ont été honorés. Outre les réajustements apportés aux textes fiscaux par les différentes lois de Finances, une réforme en profondeur, au titre de l'exercice 2004, a porté sur les droits d'enregistrement qui n'avaient pas fait l'objet de la réforme fiscale introduite par la loi-cadre de 1984. La refonte de ce texte vise la modernisation, la simplification et l'harmonisation de son contenu avec les autres textes, dans la perspective de l'élaboration d'un code général des impôts, ce qui permettrait aux ménages et entreprises de disposer d'une information fiscale exhaustive. Les réaménagements introduits ont permis la réduction du nombre des taux de 11 à 5 et la révision à la baisse de certains tarifs. Assez de mérite et de réalisation pour qu'une question soit légitime : pourquoi lui cherche-t-on tant de problèmes ?