Le tribunal militaire a rendu sa sentence dans le procès de Gdeim Izik, tôt le matin du dimanche à Rabat. Peu avant une heure, après avoir écouté une dernière fois les mis en cause, la juridiction d'exception a prononcé 9 condamnations à perpétuité et un total de 239 années de réclusion à l'encontre des 25 accusés convaincus des actes criminels qui ont coûté la vie à plusieurs militaires et fonctionnaires de l'Etat à Laâyoune dans les provinces sahariennes. Les faits remontent aux mois d'octobre-novembre de l'année 2010 quand, au démantèlement d'un campement sauvage aux alentours de la ville, les autorités locales se sont heurtées, suivant la version officielle, à une fronde armée de la part d'une coalition de solliciteurs sociaux et de séparatistes locaux. Quatorze personnes au total avaient trouvé la mort lors de ces événements, dont 11 membres des forces de l'ordre et un fonctionnaire de la protection civile. Ouvert depuis le 1er février, entouré des plus grandes précautions sécuritaires tant le ressentiment des familles des victimes est extrême, le procès a été suivi par de nombreux observateurs nationaux et étrangers. Critiques sur le fait de traduire des civils devant une Cour martiale, ils se sont déclarés cependant globalement satisfaits des conditions et des garanties de jugement équitable offertes par le tribunal et dans l'ensemble, ont jugé que le procès a été équitable et les droits de la défense respectés. On rappelle à ce propos que le tribunal militaire a été saisi de l'affaire en vertu de l'article 3 du code de justice militaire qui rend justiciables de la cour martiale les cas de crimes contre les membres des Forces Armées Royales (FAR) et assimilés. Ce à quoi les critiques des tribunaux d'exception répondent que l'existence de cette cour est contraire à l'esprit de la Constitution de juillet. Les faits reprochés aux 24 condamnés vont de la constitution de bande criminelle et violence contre les éléments de la force publique dans l'exercice de leur fonction, au meurtre et à la profanation de cadavres. On rappelle également que pour juridiction d'exception qu'il soit, le tribunal militaire a été moins sévère que la chambre criminelle de Salé qui n'a pas hésité à prononcer une condamnation à mort dans le procès des terroristes du café Argana de Marrakech. Le tribunal militaire a condamné à la réclusion perpétuelle 9 accusés dont 1 par contumace. Ont ainsi été condamnés à perpétuité Abhah Sid Abdallah, Ibrahim Smaili, Bani Mohamed, Boutenkiza Mohamed Bachir, Laroussi Abdeljalil, Khefaouni Abdallah, Majid Sid Ahmed et Ahmed Sbai. L'accusé Alia Hassan est en fuite. Ont écopé de 30 ans de réclusion criminelle Asfari Naama, Baka Cheikh, Bourial Mohamed et Dah Hassan. La Cour a également condamné à 25 ans les dénommés Boubit Mohamed Khouna, Dich Dafi, Bakkai Larbi, Fakir Mohamed M'barek, Lahcen Zaoui, Abdallah Toubali et Mohamed Tahlil. Des peines de 20 ans ont été prononcées à l'encontre de Mohamed Youbi –jugé en comparution libre- et Khedda Bachir. Les accusés Taki Machdoufi et Abderrahman Zayo ont été relaxés au motif qu'ils avaient purgé leur peine en préventive. Procès juste et équitable Des observateurs nationaux et internationaux ont affirmé que le verdict prononcé à l'encontre des prévenus poursuivis pour leur implication dans les événements liés au démantèlement du camp Gdeim Izik est «juste et équitable». Dans ce sens, Rouaida Marwi, directrice exécutive du Centre international de développement, de formation et de règlement de différends, a estimé que les jugements cadraient avec la culpabilité avérée des accusés sur la base des preuves établies par le parquet général. Ce procès répond aux conditions de probité, de transparence et de respect des droits de l'Homme, a t-elle poursuivi. De son côté, Mohamed Latib, avocat au barreau de Rabat, a jugé que le verdict prononcé était équitable et juste, expliquant que le tribunal militaire s'est montré à la hauteur des attentes du peuple marocain. «On s'attendait à la peine capitale à l'encontre des accusés, vu la gravité des accusations portées contre eux», a-t-il ajouté. Pour sa part, Charles Saint Prot, observateur français, a déclaré que ce procès s'est déroulé dans des conditions de transparence et d'une manière équitable, le qualifiant «d'exemplaire». M. Saint Prot a insisté sur la nécessité d'éviter de tomber dans le piège de politiser ce procès, estimant que les jugements vont satisfaire les parents des victimes de ces événements. Soulagement des familles La Coordination des familles et amis des victimes des événements de Gdeim Izik a exprimé sa satisfaction pour le climat dans lequel s'est déroulé le procès des personnes impliquées dans les faits criminels liés à cette affaire, ce qui, selon la Coordination, a déteint positivement sur toutes les péripéties du procès durant les 10 jours devant la juridiction compétente. Dans un communiqué, la Coordination a fait savoir qu'elle s'incline devant le verdict, rendu dans la nuit du samedi à dimanche, par le tribunal militaire à Rabat, à l'encontre des 24 accusés poursuivis dans cette affaire. Elle affirme, dans le même temps, son attachement à faire valoir les droits des victimes durant les étapes ultérieures des poursuites judiciaires, soulignant que sa cause «ne saurait faire l'objet d'un quelconque arrangement en dehors des dispositions de la loi et de la justice». La Coordination des familles et amis des victimes des événements de Gdeim Izik a tenu à formuler, à cette occasion, ses remerciements à l'ensemble des associations et formations politiques et syndicales ainsi qu'aux citoyennes et citoyens qui lui ont témoigné leur soutien et leur solidarité durant ce procès.