- Verdict juste et équitable - Observateurs : le procès obéit aux règles du procès équitable Neuf accusés, parmi les 25 membres «d'une bande criminelle», poursuivis dans les évènements liés au démantèlement du camp de Gdeim Izik à Laâyoune, dont un en état de fuite, et qui avaient fait 11 morts dans les rangs des forces de l'ordre et des dizaines de blessés, ont été condamnés dans la nuit de samedi à dimanche par le Tribunal militaire à Rabat, à la prison à vie. Quatre membres de cette bande ont écopé chacun de 30 ans de prison ferme, sept de 25 ans et trois autres de 20 ans. Le tribunal a en outre ordonné la libération de deux accusés, à l'issue de la période d'emprisonnement qu'ils viennent de purger. Les accusés sont poursuivis pour «constitution d'une bande criminelle, violences à l'encontre des forces de l'ordre ayant entraîné la mort avec intention de la donner et participation dans les actes de violence à l'encontre des éléments des forces de l'ordre et la mutilation de cadavres». Le tribunal a en outre décidé la saisie des objets et sommes d'argent découverts au profit de l'Etat et la destruction de ce qui en reste. Les condamnés ont un délai de huit jours francs pour se pourvoir en cassation, ce qui prouve que la justice militaire n'a rien «d'exceptionnelle» au Maroc, car la Constitution de 2011 engage le pays dans une ère de véritable respect des droits de l'homme tels qu'universellement reconnus. Liste des condamnations Voici la liste des condamnés et des peines prononcées à leur encontre: - Abhah Sidi Abdellah (perpétuité). - Al Ismaïli Ibrahim (perpétuité) - Al Ayoubi Mohamed (20 ans de prison, poursuivi en liberté provisoire) - Almachdoufi Ettaki (peine correspondant à la durée de la détention préventive - libéré) - Alyae Hassan (perpétuité, en fuite, jugé par contumace) - Asfari Ennaama (30 ans de prison) - Banga Chikh (30 ans) - Bani Mohamed (perpétuité) - Boubit Mohamed Khouna (25 ans) – Bouryal Mohamed (30 ans) - Boutanguiza Mohamed Lbachir (perpétuité) – Dah Hassan (30 ans) - Dich Eddafi (25 ans) - El Bakkay Larbi (25 ans) - Faqir Mohamed M'Barek (25 ans) - Haddi Mohamed Lamine (25 ans) – Khadda Lbachir (20 ans) - Laâroussi Abdeljalil (pérpétuité) – Lakhfawni Abdallah (perpétuité) - Lamjyid Sidi-Ahmed (perpétuité) - Sbaï Ahmed (perpétuité) - Tahlil Mohamed (25 ans) - Toubali Abdellah (25 ans) - Zaoui Lahcen (25 ans) - Zayyou Sidi Abderrahman (peine correspondant à la durée de la détention préventive - libéré). Après avoir demandé samedi aux accusés de dire leur dernier mot à la Cour, le tribunal militaire avait décidé de se retirer pour rendre son verdict. Les délibérations ont duré au total sept heures. Dans leurs dernières paroles devant la Cour, tous les membres de cette bande criminelle avaient nié les faits qui leur sont attribués d'avoir attaqué les forces de l'ordre, assassiné et blessé des éléments de ces forces et mutilé des cadavres. Dans ses plaidoiries, qui se sont succédé jeudi et vendredi, la défense avait demandé l'acquittement de tous les accusés pour manque de preuves à charge, absence de l'intention criminelle, et inexistence d'éléments constitutifs du crime, et qualifié les procès-verbaux de la police judiciaire de «nuls et non avenus», de «copies conformes» les uns des autres et de viciés par les contradictions. Réagissant à cette demande, le ministère public avait insisté sur la crédibilité et la légalité des procès-verbaux de la police judiciaire, précisant que les éléments constitutifs du crime sont réunis, notamment la présence d'un plan minutieux, d'instruments du crime, de fonds et du lieu de crime. Il a, en outre, procédé à la projection d'images diffusées par une chaîne de télévision espagnole d'enfants palestiniens victimes d'un carnage commis par les forces israéliennes et présentées comme étant des images du camp de Gdeim Izik pour induire en erreur l'opinion publique. Le procès, qui s'est ouvert le 1er février, était poursuivi par des observateurs nationaux et internationaux, ainsi que par des représentants de nombreuses associations et organisations des droits de l'Homme et de médias marocains et étrangers. Des interprètes et traducteurs assermentés assuraient la traduction simultanée des interventions en français, anglais et espagnol. Soulagement et grande satisfaction chez les familles des victimes A l'issue de ce verdit, un sentiment de soulagement et de grande satisfaction régnait chez les familles et amis des victimes des événements de Gdeim Izik, présents en grande nombre au tribunal, contrairement aux familles des accusés qui ont préféré se retirer après avoir été convaincus de la gravité des crimes et actes de violence commis par les leurs. De nombreux proches et amis des victimes ont salué le verdict et le courage de la cour qui ont rendu justice aux enfants, devenus orphelins, aux femmes, devenus veuves et aux frères et proches ayant perdu un des leurs qui remplissait un devoir national. Procès équitable à tous les égards Des observateurs nationaux et internationaux, présents lors du prononcé du verdict, ont qualifié de «juste et équitable» ce jugement. Mme Rouaida Marwi, directrice exécutive du Centre international de développement, de formation et de règlement de différends, a indiqué que les jugements cadraient avec la culpabilité avérée des accusés sur la base des preuves établies par le parquet général. Le procès n'était pas exceptionnel, mais légal dans une affaire où les victimes sont des membres des forces de l'ordre, a-t-elle indiqué. Selon elle, ce procès répond aux conditions de probité, de transparence et de respect des droits de l'Homme, comme en atteste la présence d'observateurs internationaux dont le travail n'a fait l'objet d'aucune pression, outre une couverture médiatique nationale et internationale et le respect des droits des accusés qui ont bénéficié d'une grande marge de liberté d'expression et du temps nécessaire pour répondre aux chefs d'accusation. Pour sa part, Mohamed Latib, avocat au barreau de Rabat, a affirmé que le verdict prononcé était «équitable et juste», estimant que le Tribunal militaire s'est montré à la hauteur des attentes des familles des victimes et du peuple marocain. «On s'attendait à la peine capitale à l'encontre des accusés, vu la gravité des accusations portées contre eux», mais neuf d'entre eux seulement sont condamnés à la perpétuité, a-t-il estimé. De son côté, M. Bouhmidi Abderrahim, avocat et professeur universitaire a souligné qu'il s'agit d'un procès «équitable», durant lequel les droits de toutes les parties ont été bien respectés, conformément à la loi en vigueur. «Le tribunal permanent des Forces armées royales», tel est son nom exact, s'est bien acquitté de sa tache en rendant son jugement dans le cas d'espèce, lequel est susceptible d'être «cassé» par la Cour de cassation pour vices de formes substantiels, de procédure ou de fond, d'excès de pouvoir, pour incompétence, ou un manque de base légale ou défaut de motif. Selon cet expert, dans un tel tribunal, la question fondamentale que pose le président aux juges est celle relative à la culpabilité de l'accusé. Si la réponse est négative, l'acquittement est immédiatement prononcé, sinon l'accusé est condamné en vertu de l'article 100 du code de justice militaire et à l'issue d'un large débat de la décision à prendre. Tout ce débat, démocratique est l'expression d'un procès équitable exprimé par l'intime conviction des juges fondée sur des éléments versés aux débats, a-t-il poursuivi. Concernant le fonctionnement du tribunal militaire, il a noté qu'à l'instar des cours d'assise en France et des juridictions statuant en matière criminelle aux Etats-Unis, le jury constituant cette juridiction joue un rôle de premier plan. Le président, magistrat professionnel et civil est entouré d'un jury (populaire dans le civil, militaire au niveau du tribunal permanent des FAR), l'ensemble formant le tribunal. Un procès exemplaire Pour sa part, Charles Saint Prot, observateur français, a souligné que ce procès s'est déroulé dans «des conditions de transparence et d'une manière équitable». C'est un procès «exemplaire», a-t-il dit. Il a également indiqué que les peines ont été étalées selon les responsabilités des accusés, rappelant que le procès a été destiné à juger des «actes criminels odieux et barbares quasiment terroristes». Il a en outre souligné la nécessité d'éviter de tomber dans le piège de politiser ce procès, estimant que les jugements vont satisfaire les parents, les familles et les amis des victimes de ces événements. Les évènements incriminés remontent au 10 octobre 2010 lorsque des habitants de Laâyoune avaient dressé à proximité de la ville, au lieu-dit Gdeim Izik, un campement de tentes en vue de défendre des revendications légitimes à caractère social, liées principalement au logement et à l'emploi. Les autorités marocaines avaient alors initié un dialogue et présenté une série de mesures pour répondre progressivement à ces revendications, lequel dialogue n'avait pas abouti au dénouement de la situation sur le terrain. Les autorités avaient décidé de procéder au démantèlement pacifique du campement afin d'imposer le respect de la loi et la préservation de l'ordre public. Cette intervention avait donné lieu à des attaques violentes menées par de petits groupes équipés d'armes blanches, de lance pierres, de cocktails Molotov et de bonbonnes de gaz contre les forces de l'ordre. Par la suite, des affrontements avaient éclaté dans la ville de Laâyoune où des infrastructures et des biens publics avaient été incendiés et des propriétés privées saccagées.