Les banques n'ont plus d'argent. Depuis le 1er août, devant les guichets automatiques et les caisses des agences bancaires de Rabat et de Salé, les foules des solliciteurs ne cessent de grossir réclamant leur dû à des employés dépassés par les événements. Guichets et caisses sont à sec ou peut s'en faut. Les banques les mieux nanties consentent des «retraits» au lance- pierre. Parfois 100 DH comme plafond pour la journée et souvent, aucun sou. D'où une grogne générale. « On ne comprend pas, dit ce fonctionnaire des collectivités locales. Ou est passé mon argent ? Où est-il au moment où j'en ai le plus besoin ? » Car le moment dans lequel est intervenu la rupture est en effet particulièrement sensible. Cette mère de famille avouera : « j'ai interrompu les vacances de la famille pour être à pied d'œuvre pour le Ramadan. Comme on avait tout dépensé en bord de mer, on comptait se renflouer au guichet. Pensez-vous. Après avoir patienté plus de deux heures dans une file qui n'en finissait pas, mon mari nous est revenu avec 100 DH. Qu'est-ce qu'on peut faire avec 100 DH une veille de Ramadan ?» Ce qui s'est passé du 1er au 3 août ne laisse personne indifférent. Pas même les banquiers qui se disent dépassés par les proportions prises par le manque d'argent dans leurs caisses. «On n'a jamais vu ça. D'ailleurs on n'y est pour rien, nous nous distribuons l'argent qu'on nous donne. Nous ne le fabriquons pas». Et voilà les racines du mal. La semaine dernière, recevant une pléiade de journalistes, les responsables de Dar As-Sikkah, les ateliers de frappe des monnaies avaient annoncé la mise en circulation des nouvelles pièces d'un et d'un demi dirham pour la 28 juillet, veille de la fête du Trône. Probable qu'elles ont été lentes au démarrage et qu'elles n'ont jamais circulé. Et cela, les gens qui sont attentifs au passage des convois blindés en sont sûrs. Depuis la semaine dernière les convoyeurs de fonds et leur escorte de gendarmes n'ont pas donné signe de vie. Pourquoi ? Dar As-Sikkah, hier encore si prolixe s'est inscrite depuis aux abonnés absents. Alors évidemment, les conjectures vont bon train. La première hypothèse veut que les nouvelles pièces aient connu à un moment ou un autre de leur élaboration de sérieux avatars et que leur mise en circulation prenant le pas sur tout le reste, on se soit interdit de livrer autre chose que cette nouvelle monnaie. En clair, on a tellement tablé sur le lancement de la nouvelle monnaie qu'on a oublié l'existence de l'ancienne. Sauf que ce qui a fait défaut dans les banques ces derniers jours, ce sont les billets de banque et non la monnaie métallique. Qu'à cela ne tienne, affirment les tenants de l'idée : c'est le temps qui a manqué aux fournisseurs qui, totalement pris par les préparatifs de la nouvelle monnaie dans un contexte de réduction des effectifs pour cause de départ en vacance, n'ont pas eu assez de leurs efforts pour renflouer les caisses. Car, ajoutent-ils, l'encours quotidien dont la banque centrale doit gratifier les commerciales tourne autour de 50 millions de DH. La preuve que la monnaie scripturale n'a de valeur que sur le papier.