Ikram Kabbaj est née en 1960 à Casablanca où elle vivra une enfance partagée entre la ville et la campagne. Durant cette période fertile, elle s'imprégnera de l'immensité des « espaces ouverts, mais souvent entrecoupés par des respirations… figurés par des formes défiant cette immensité spatiale et s'arrogeaient un droit, à la parole, à l'être, le tout, reposant et prenant même vie sur un socle : la terre …malléable à volonté». C'est d'ailleurs toujours ce besoin d'espaces ouverts, impressionnants, continus, orientés vers l'art de la sculpture qui guidera les pas de l'artiste. « La sculpture, c'est ma vie», n'hésite-t-elle pas à confier. Sûre d'elle et déterminée, Ikram Kabbaj s'inscrit à l'école des Beaux-arts de Casablanca pour y avoir une formation académique, puis pour la parfaire à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris. Ces deux cités historiques sur le plan architectural renforceront son inspiration. Sur le plan technique, elle trouvera sa voie notamment dans les ateliers Jeanclos, Perrin et Charpentier où elle choisit la sculpture. La maîtrise des techniques de la sculpture sur argile, métal et le ciment ne l'a pas empêchée durant son séjour parisien d'ausculter, de comparer et développer ses connaissances et techniques de céramistes acquises à Casablanca. De la terre et du métal Ikram Kabbaj explore, depuis 1987, les matières et les formes. Elle commence par le travail sur l'argile, matériau malléable qui prend les formes voulues sans grande difficulté, bien que ce ne soit pas la crainte des difficultés qui guida sa démarche. Elle fait ses débuts en tant que céramiste. Elle scrute l'espace tout en sculptant à sa manière ces matériaux si fragiles. Elle raconte la terre, la terre mère, la terre immaculée, inviolable et inclassable, rebelle à toutes les volontés de l'homme, mais docile dès lors qu'on sait l'apprivoiser. Elle raconte la terre en l'écrivant avec ses mains et ses yeux dans une démarche répétitive et obsessionnelle. Dès 1988, Ikram Kabbaj se laisse séduire (tente de séduire son entourage ?) par la notion de « l'art public », elle estime que la démocratisation des biens et des bienfaits de la nation interpelle fortement les arts plastiques pour qu'ils investissent les espaces publics, participent à l'âme de nos cités et réconcilient les citoyens avec leurs espaces publics.A cet effet, Ikram Kabbaj s'investit dans une démarche innovante, elle substitue le métal à l'argile, car plus fort, plus résistant, se prêtant aux calibres d'usage. Elle propose aux piétons de la rue de Juras, à Casablanca, un dialogue subtil avec ses œuvres, d'immenses calligraphies aériennes en fer torsade et en toile tendue. Après ce prélude préfigurant la mise dans le ton des futures démarches d'Ikram Kabbaj, elle ouvre une parenthèse et apporte une nouvelle contribution en tant que céramiste. Elle refait, en 1993, une brève incursion dans l'univers de l'argile pour répondre à l'appel de la galerie Meltem (Casablanca). Son œuvre et son travail seront conditionnés par la configuration et l'espace de cette galerie. Elle fait une œuvre sur-mesure, rompant avec la démesure. Le thème de l'accumulation servira la construction de son œuvre et l'exposition est baptisé « élément terre ». Les immenses calligraphies aériennes en fer torsade et en toile tendue ont cédé le pas à la terre nourricière, malaxée, pétrie et travaillée avec passion. De la fibre de verre Ikram Kabbaj se torture, elle est à la recherche en permanence de matériaux nouveaux et de formes nouvelles. Elle refuse de rester enfermée dans des matériaux et dans formes répétitives. Elle explore sans relâche. Chaque période résume une démarche originale, loin des chemins conventionnels et des sentiers battus. Mais dès que la matière livre tous ses secrets, l'Artiste oblique vers d'autres matériaux pour en extraire toute la beauté et toute la force. Elle ne se cantonne nullement à un style unique ou « stérile », selon elle. Ikram Kabbaj interroge tous les matériaux, les sondent, les apprivoisent peu à peu pour y puiser la force et la magie d'une création sans cesse renouvelée, d'une inspiration jamais tarie. Jusqu'à présent son travail est tributaire d'une démarche caractérisée par le souci d'éviter les écueils qui vident l'œuvre de sa substance et qui fait de « l'artiste, au mieux un mauvais artisan, au pire un délicieux et subtil imposteur ». L'artiste a besoin d'espace car c'est dans les grands éléments qu'elle se retrouve. En 1997, elle se lance de nouveau à la découverte de nouveaux matériaux : La fibre de verre et la résine polyester lui permettent de créer des œuvres sublimes qui irradient l'âme et accrochent le regard. En tant que sculpteur, elle donne son empreinte à l'art contemporain marocain en contribuant à faire que cet art réservé à une certaine élite puisse sortir dans la rue et interpeller le citoyen. Elle choisit un grand espace public à Bab Rouah pour y exposer son œuvre, les célèbres cônes. De la pierre et des espaces publics A partir de 1998, Ikram Kabbaj jette son dévolu sur la pierre et le marbre nouveau matériau, pérenne, fort, appelé à durer et à résister aux intempéries et au temps, car l'artiste ne souhaite pas faire dans l'éphémère, elle tient compte, dans son procès créatif, de l'environnement dans lequel ses œuvres seront dressées. L'artiste est une passionnée de la sculpture et elle réussit peu à peu à imposer cet art difficile au Maroc. Elle crée des formes inopinées et taille le marbre avec un appétit insatiable. Les portes de la consécration finissent par s'ouvrir devant l'artiste. Elle investit d'importants espaces d'expositions. Elle participe à de prestigieuses manifestations à travers le monde. Elle essaime ses œuvres à travers des collections institutionnelles et particulières et des espaces publics, tant au Maroc qu'à l'étranger. Elle organise des symposiums de la sculpture dans différentes villes du Maroc (1ère édition du symposium international de Sculpture, El Jadida, Maroc. 2ème édition du symposium international de sculpture, Tanger, Maroc. 3ème édition du symposium international de sculpture, Fès, Maroc. 4ème édition du symposium international de sculpture, Essaouira, Maroc.)Ikram Kabbaj fait le pari d'intégrer l'art dans l'espace public. Elle propose un concept global pour un projet esthétique inscrit dans la mouvance de la modernité, alliant la recherche au renouvellement et flirtant avec le risque de l'incompréhension. Mais, elle estime qu'il ne faut pas tenir compte de l'argument alibi développé autour du public que, soi disant, un changement de matériaux de formes ou de dimensions déroute. Elle croit dans l'intelligence, la sensibilité et la capacité d'assimilation de ce public. Et Ikram Kabbaj a raison, car ces œuvres sont envoûtantes, elles vous transportent vers d'autres cieux. Grâce à quelques personnes qui on cru aux symposiums et à son art, la notion d'art public, si promue par Ikram Kabbaj, trouve les voies de son acceptation. C'est ainsi que les espaces publics de Tanger, Fès, El Jadida et Essaouira sont embellis de trente quatre sculptures de plein air. Depuis la fin de ses études à l'Ecole Supérieure des Beaux Arts de Paris et son retour au Maroc, son parcours de vingt deux ans déjà, se caractérise par son vaillante obstination à vouloir rester créatrice et à se maintenir dans un choix d'exigence, interrogeant successivement des éléments de son choix (la terre, le fer, le polyester, le marbre et la pierre). A chaque étape de ce processus de recommencement, il y a une fidélité à une démarche d'accumulation, un souci évident de bien définir une forme, une exigence presque classique de la perfection. L'artiste Ikram Kabbaj a donc osé le changement, principe de toute création. Elle aussi osé l'abstraction, là où d'autres ont longtemps pratiqué le mimétisme du réel. L'œuvre d'Ikram Kabbaj étant forte et sans complaisance, selon Mohamed Melehi, elle ne peut que toucher l'œil et l'émotion. Elle est audacieuse et ose aller jusqu' au bout de son désir et voir naître sous ses mains, des mois durant, ces formes avec lesquelles elle vous capte. La sculpture comporte une dimension supérieure, elle engage l'artiste à se fondre dans son art. Après avoir flirté avec le métal, puis embrassé la terre, puis la fibre de verre puis la pierre, Ikram prouve qu'il ne faut pas être fort physiquement pour pouvoir faire de la sculpture. Les matériaux se plient et se font docile face à la volonté créatrice. Chaque exposition d'Ikram est une façon de rompre avec l'espace, de s'en abstraire. Entre liberté et contrainte son travail s'inscrit dans une recherche initiatique que guide la matière, lisse ou tortueuse, laissé à elle-même, griffée ou martelée. Les masses imposantes de ses œuvres séduisent par leur facture irréelle et leur caractère insolite. Ikram Kabbaj est l'une des rares artistes au Maroc à exercer la sculpture. Artiste accomplie, elle veut prouver que l'on peut être femme et sculpteur au Maroc. « Quand vous avancez sans être ligoté par les références historiques vous bénéficiez d'une liberté totale. L'histoire de l'art contemporain au Maroc n'a pas plus de 50 ans, tout reste à faire », explique t'elle. Elle puise sa force de la Terre, cette terre qui est le bien le plus précieux avec tout ce qui la compose. Ikram Kabbaj en a fait ses notes musicales, sans jamais tenter de la dompter. Elle la caresse pour lui donner vie, de manière à lui restituer son statut de passerelle entre hier et demain. Guidée par sa bonne étoile, Ikram Kabbaj a décidé, depuis vingt deux ans de «continuer d'aller à la sculpture comme on vient à la vie… ». Témoignages André Azoulay : «Elle ne lève pas seulement les objets dans l'espace, elle fabrique (ou protège) un espace contenant un objet» Essaouira éternelle voyageuse à la pensée curieuse et parfois iconoclaste, garde une infinie reconnaissance à Ikram Kabbaj. Pour la force et la poésie de cette conversation singulière que ses sculptures savent entretenir avec beaucoup d'entre nous. Pour sa générosité créative et sa complicité attentive aussi, elle que j'étais allé trouver il y a y quelques années pour lui dire mon inquiétude et mon désarroi face au dévolu que quelques promoteurs-prédateurs avaient jeté sur l'un des espaces le plus emblématiques de la Cité des Alizés. Sans frilosité et sans précaution, j'avais proposé à Ikram d'accueillir à Essaouira son Symposium International de la Sculpture avec le secret espoir, osé et même subversif, de voir les magnifiques sculptures d'Ikram et de ses amis invités, Italiens, Français, Allemands, Libanais ou Suédois, prendre de vitesse la spéculation immobilière et s'imposer comme les gardiens intraitables de ces lieux que nous rêvions de faire passer sous le seul contrôle de l'Art dans tous ses états et de la création culturelle plus que jamais à sa place, dans sa responsabilité citoyenne. J'avais alors écrit qu'Essaouira, grâce au talent et à la détermination lucide et sereine d'Ikram Kabbaj, avait enfin trouvé pour l'éternité ses sentinelles et ses anges-gardiens. Au moment où Ikram nous propose le kaléidoscope le plus récent de son travail, c'est ce témoignage que je veux privilégier. Celui qui rend hommage à l'Artiste dont on a dit avec raison « qu'elle ne lève pas seulement les objets dans l'espace, elle fabrique (ou protège) un espace contenant un objet ». Les sentinelles sculptées par Ikram et ses amis sont aujourd'hui plus présentes, plus fières que jamais au cœur du square Orson Welles à Essaouira. Elles sont là imposantes, exigeantes et superbes dans leur intransigeance ciselée, martelée et modelée pour opposer leur silence figé et irréfragable à tous ceux qui ont été ou seront un jour, tentés de réécrire en la mutilant, leur propre histoire. Aziz Daki : «La seule artiste marocaine reconnue sculpteur au vrai sens du terme» Elle est la seule artiste marocaine reconnue sculpteur au vrai sens du terme et sans doute l'une des plus talentueuses de sa génération à travers le monde. Visite au cœur de son « royaume », théâtre de l'affrontement quotidien d'une femme et de la pierre. Ses journées commencent comme un rituel. Chaque matin, hormis le week-end, Ikram Kabbaj quitte Casablanca vers 8h30 pour n'y retourner qu'à la nuit tombée. Direction Berrechid, en rase campagne, pour rejoindre son « royaume » comme elle aime à le designer : une ferme, constituée de trois hangars et d'un vaste espace nu où trônent plusieurs sculptures impressionnantes par leur taille et leur caractère. Des œuvres modernes, qui semblent dotée de vie et imposent leur présence, taillées dans le marbre noir d'Agadir, la pierre de Taza, de Benslimane ou de Bejaâd. Ikram Kabbaj revendique avec fierté sa passion pour ce matériau : « Only stones », dit-elle de façon tranchante, en montrant d'un geste circulaire ses œuvres dressées comme des totems profanes. Dans un ancien grenier transformé en atelier, l'artiste a disposé son matériel et des sculptures de taille modeste. « Ce sont les chutes qui proviennent de grands blocs de marbre. Je les récupère pour donner corps à de petites sculptures », explique-t-elle. Face à ses œuvres, une multitude d'outils : sangles, meules, burins, marteaux, disques de ponçage, compresseurs… impeccablement rangés sur un établi. Bien qu'ils ne soient pas là pour le décor, on a du mal à imaginer les frêles mains de l'artiste maniant ce matériel. Et pourtant. Vêtue d'une blouse blanche rapportée d'un symposium international auquel elle a participé à Oman, une écharpe enroulée autour de son cou, la tête couverte d'un foulard et un deuxième autour du front, Ikram Kabbaj commence à affronter la matière dans un tourbillon de poussière. Equipée d'une lourde meule électrique, elle taille le marbre dans un bruit assourdissant. A mesure que l'outil s'enfonce dans la pierre, le nuage de poussière s'épaissit. L'artiste ne s'en préoccupe pas, les yeux rivés sur le monolithe. Et dès qu'elle juge que le bloc est suffisamment entamé, elle s'empare d'un burin, saisit un marteau, et commence à tailler la masse pour faire naître des formes contemporaines. La passion d'Ikram Kabbaj pour la pierre a essaimé dans plusieurs villes au Maroc. Militant pour son art et l'implantation dans la ville et dans les mœurs de l'espace public marocain, elle a organisé des symposiums internationaux de sculpture qui ont doté El Jadida, Tanger, Fès et Essaouira d'œuvres d'art exposées dans différents parcs et jardins. Comme autant de musées en plein air, afin que tout un chacun puisse apprécier cette forme d'expression artistique. Jamal Eddine Naji : «Merci pour cet affranchissement de l'espace !» Elle a pour nom Ikram Kabbaj. Pour corps, la fragile silhouette d'un roseau. Pour regard, celui du défi, de l'oiselet heureux dans ses solitudes, fougueux dans ses envols, généreux dans ses élans et ses chants… Et son chant, Ikram le fait exploser à Casablanca, violente ville qui a tellement besoin qu'y éclatent beauté, art et médiation contemplative ! Sur l'ex-« Place Maréchal Lyautey » (Place Mohammed V), Ikram a placé vendredi dernier – a planté, plutôt, pour un mois – multiples cris, sourires, rires et défis qu'elle a gravés dans le marbre, sept and durant… Quinze pièces titanesques dont la somme et la luminosité font maintenant miraculeusement écran immaculé, tressé d'histoire et d'art, pour réguler à jamais aux remises de nos mémoires la toujours arrogante statue du Maréchal qui, tapie, écorche depuis plus d'une vie cette place de la libération.. ! Merci Ikram, déjà, pour cet affranchissement de l'espace ! Merci également pour ces sept années de combat – passées, quant à nous dans l'inachevé – pour ce dur labeur qui a fini aujourd'hui par allonger la vie de Casa la « parvenue », cette métropole sans histoire séculaire, qui n'a pour mémoire vive que la machinerie, la furie, les tueries, les humiliations et les roueries du siècle et de Mai derniers… La voilà, l'atypique descendante d'Anfa, peuplée, en son cœur (administratif et affectif) par le monde sculptural d'Ikram que Rimbaud confondrait avec son « bateau frêle comme un papillon de Mai »… Un monde qui remonte à près de 23 siècles, depuis l'époque des sculptures puniques, maîtres ciseleurs du « marbre impérial », le « marbre jaune » de Dagga (extrême Ouest tunisien), de Carthage, de Tébessa (extrême Est algérien), jusqu'aux non moins contemporains d'Ikram, les marbriers du « Noir d'Agadir » dont les veines n'inspiraient jusqu'à la naissance de la Casablancaise Ikram que d'ordinaires façonneurs de paliers et de façades d'hôtels et autres édifices sans âme ni art. Sept années de travaux pour réanimer 23 siècles d'art… Il a fallu à l'artiste sept années d'énergie pour faire plier les volumes, les poids, les éléments les plus incrustés dans le tréfonds de la terre et pour braver l'indifférence et la longue somnolence des hommes de ce pays qui ne croient plus en l'énergie, en la générosité de l'humain, en la thérapie du sourire, du chant et du beau ! Œuvre de forçat, d'une galérienne embastillée dans la médiocrité ambiante mais qui s'est forgé une volonté de…marbre pour terrasser les multiples et mesquins obstacles qui dressent contre l'élan, la planéité lumineuse et transparente, le geste vaste et libérateur (si visité par le regretté Kacimi !), la surface illimitée de la liberté et de l'affranchissement… Avec un tel message (à qui manquent néanmoins de furtives mais indispensables légendes, vois un catalogue), les sculptures d'Ikram ont leur place sur l'île dakaroise de Gorée où les esclavagistes ne pouvaient imaginer qu'un jour, le marbre, cette parure des seigneurs et de leurs fastes demeures, occuperait la triste île et ferait retentir un hymne à la joie, à la beauté et à la liberté, dans leurs sombre geôles où ils parquaient et enchaînaient des humaines avant de les vendre à l'Outre atlantique..! Par sa volonté et son ardeur, Ikram peut aussi porter sa voix punique Outre atlantique pour insuffler dans les blocs de glace du Grand Nord son chant de liberté ; elle honorerait, à coup sûr, l'expression de son pays si la chance lui étant donnée de participer, là-bas, au festival annuel de sculpture sur glace… Sa chaude générosité et sa détermination l'aideraient à extirper la beauté retenue prisonnière dans les roches marines, dans les blocs de marbre comme dans les blocs de glace, à Dagga, à Casa, à Dakar comme à Ottawa, capable qu'elle est de s'attaquer au rugueux, aux montagnes, aux matières ingrates et sauvages pour les rendre légères et élégantes, pour y incruster le rectiligne, la ligne fuyante, l'angle arrondi et élancé, les figures dans le dos, a touche féminine dans le détail et le retourné.. Car il y a aussi la femme : Ikram en multiplie, ici, Place Mohammed V, quinze fois la voix avec une foi en une liberté taillée dans du roc et pour laquelle elle vient de dresser un gigantesque autel…face à l' »hôtel de ville » que d'aucuns soupçonnent d'être incroyablement rétif, voire hostile, à une telle entreprise libératrice..! Si la chance n'était pas donnée à Casablanca, au-delà de sa frêle et mortelle native Ikram, de jeter, à jamais, un tel manteau de beauté et de liberté sur l'humiliant souvenir du Maréchal occupant et méprisant, c'est que la médiocrité et l'irresponsabilité de certains parmi nous menacent désormais de nous engloutir tous, corps et âmes… A ceux-là, qu'ils soient placés ou élus, nous disons : votre refus de nous offrir de manière permanente ce « chant de pierre » mobilisera Casablancais et non Casablancais à collecter les subsides nécessaires qui éclaireraient vos abscons raisonnements et nous serons alors, après taxes, vos taxes (!), en mesure d'offrir à cette ville de martyrs, cette ville martyre depuis le massacre de 1907, ce chant punique, pudique et magnifique d'Ikram… Car, après tout, cette historique place est notre espace, nous le public, notre plein air, et non l'extension de vos sombres bureaux et vos sinueux corridors..! Mohammed Melehi : «Loin de la facilité et des sentiers battus» J'ai suivi Ikram Kabbaj dès son retour de France. Ce qui m'a semblé intéressant dans son travail, c'est sa démarche artistique très personnelle, laquelle présente à mon avis, la pierre angulaire de toute création. Car cette démarche sous-tend une attitude morale et une vision nouvelle de l'acte créateur. Et c'est cela qui compte, en art, bien plus que l'œuvre elle-même. Dans sa démarche, Ikram Kabbaj évite la facilité et les sentiers battus avec une persévérance qui frise l'entêtement. Son œuvre, forte et sans complaisance, s'en ressent, et pour cela même ne peut que « toucher » l'œil et l'émotion. Tayeb Saddiki : «Elle nous réapprend à voir, et voir c'est savoir» Ikram offre à notre regard des œuvres admirablement vécues. Elle crée pour évidemment affirmer qu'elle existe et aussi pour anéantir le néant. Elle nous réapprend à voir, et voir c'est savoir. Ses œuvres rendent notre monde intelligible, elles ne peuvent se réduire aux jeux de formes. C'est un ensemble d'éléments et aussi de signes qui ont comme fonction d'intervenir dans la psyché des individus… Nous avons besoin de ces œuvres qui s'impriment dans les yeux et dans les esprits. Hélène Auvinet : Qui imaginerait que ce petit bout de femme plutôt timide et réservée adore se retrouver dans son atelier au milieu de la glaise, du plâtre, de la poussière et batailler contre des matériaux parfois durs comme le fer, le bois, la résine qu'elle maîtrise pour créer des œuvres géantes. Son énergie, son air décidé, son regard sombre et vif, ses mains carrées presque masculines convainquent pourtant du contraire.