Le Maroc, bien qu'il se situe à l'autre extrémité du monde arabe, n'est pas un parfait inconnu pour les populations du Golfe arabe. Il jouit auprès des habitants de cette région de la notoriété d'être une nation qui regorge d'un impressionnant capital humain, de grandes ressources naturelles et d'un impressionnant potentiel industriel. Ce constat a été confirmé dans les différentes réactions, recueillies récemment par l'envoyé spécial d'Albayane à Dubaï. Dans des entretiens avec des journalistes de divers Etats membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), il ressort que l'impression générale traduit l'enchantement de voir le Maroc faire partie de ce groupement régional et apporter son savoir-faire pour créer un ensemble complémentaire dans l'objectif de ressouder l'unité arabe et mettre en valeur les potentialités communes. Déjà, le royaume se présente comme une destination de plus en plus attractive pour les investissements issus des pays du golfe, particulièrement dans le secteur des infrastructures et des énergies. De même, une forte communauté marocaine réside et travaille dans la région du Golfe. Des professionnels de divers journaux se sont prononcés avec enthousiasme en faveur de l'adhésion du Maroc au CCG. C'est une option stratégique qui comporte des avantages pour les deux parties aux plans économique, humain et politique, ont-ils affirmé à Albayane soit dans des entretiens directs soit à bâtons rompus. L'initiative traduit également la réussite du modèle communautaire qui unit les Etats du golfe et la préparation du Maroc de faire partie d'un ensemble économique préformant. C'est une raison suffisante pour relancer l'unité arabe sur la base de la complémentarité nonobstant la distance géographique afin de rompre tous les « tabous » et surmonter les difficultés aux plans politique et culturel qui entravent le rapprochement entre un ensemble régional du Golfe et un pays du Maghreb, tel le Maroc. Enfin, l'initiative détruit les frontières imaginaires héritées des colonialismes qui font la distinction entre les populations du Maghreb et celles du Machrek. Cette attitude est corroborée dans les entretiens avec des journalistes du golfe. Pour Mazen Tameem, journaliste à Dar Al-Sharq (Dubaï, Etat des Emirats Arabes Unis), la proposition revêt une « importance cruciale » puisqu'elle appelle à l'unité arabe et à la constitution d'un grand groupement régional «au lieu de voir les pays arabes désunis et dispersés». «J'appuie formellement l'adhésion du Maroc au CCG», a affirmé le journaliste observant qu'il existe plusieurs facteurs qui militent en faveur de cette adhésion et l'intégration à un niveau global aux plans social, économique et politique. Grâce à ce pas, «il serait aisé de transcender tous les éléments de désunion» dans la nation arabe. De ce fait, « nous émettons l'espoir que tous les Etats arabes optent pour un seul groupement, tel celui du CCG», a soutenu Tameem. Il a souligné qu'il est temps de «cesser de parler de peuples du Maghreb et d'autres du Moyen Orient arabe », et qu'il n'y a aucune difficulté de mettre sur pied «un seul groupement qui unit les deux ensembles, le Maghreb Arabe Uni et le CCG». Pour Youssef Alhazzam, rédacteur en chef d'Elaph (Arabie Saoudite), il est temps de donner «une impulsion à l'unité arabe». En principe, il est utile de relancer le rôle de l'organisation des Etats Arabes mais « l'actuelle conjoncture» exige « la recherche de nouvelle formule tendant à créer des groupements régionaux forts». Abdallah Rasheed Al Hammadi, du quotidien Gulf News d'Abou Dhabi (EEAU), l'invitation du Maroc à former partie du CCG a créé une «grande surprise pour les populations du golfe arabe». Eu égard à la réalité de la région et aux changements apportés par les révolutions dans le monde arabe, durant les sept derniers mois, «il est raisonnable de constater que les Etats membres du CCG commencent à analyser de manière différente ces développements aux plans économique et politique». Selon Al Hammadi, il existe trois principales raisons qui vont dans cette direction. D'abord, les systèmes monarchiques au Maroc, en Jordanie et au Golfe sont «similaires». Ensuite, les relations entre les Etats du CCG d'une part et le Maroc et la Jordanie de l'autre, sont « particulières depuis la fin de la deuxième guerre mondiale». Enfin, les Etats du CCG «contemplent la situation dans le golfe à long terme compte-tenu de la menace iranienne». A ce titre, le journaliste émirati rappelle l'occupation par l'Iran des îles relevant de la souveraineté de l'EEAU et l'adoption par ce pays d'une « attitude de prépotence à l'égard de Bahreïn et Kuweit». Il est tout à fait «logique», poursuit-il, qu'outre leur puissance économique, les Etats du CCG prospectent des possibilités de soutien « dans le monde arabe pour renforcer leur capacité militaire». D'autant plus, le Maroc se présente comme une puissance industrielle capable d'absorber une partie des investissements des Etats du CCG, observe le journaliste qui signale particulièrement l'importance de sa main d'œuvre qualifiée, des potentialités naturelles et une stabilité politique. La complémentarité entre le CCG et le Maroc est « essentielle » dans ce sens, a-t-il conclu. Même son de cloche dans la réaction de Bassil Abou Hamda d'Albayane, édité à Dubaï (EEAU), qui soutient que l'invitation du Maroc à adhérer au CCG est «un pas constructif dans l'élargissement de cet ensemble à d'autres pays arabes en vue de créer un grand groupement régional». C'est aussi une option qui réaffirme le statut du CCG comme expérience réussie aux plans économique, social et politique après plusieurs décennies d'existence afin de l'élargir à d'autres Etats hors du golfe. «En tant qu'arabes, nous nous étions éduqués avec le concept de l'unité arabe et du panarabisme», a poursuivi le journaliste émirati qui a appelé à éliminer les «tabous» dont souffrent les peuples arabes depuis leur indépendance. «Ces tabous ont été inculqués à l'imaginaire collectif par les colonialismes français, anglais et italien comme évidence qui fait la distinction entre le Maghreb et le Machrek». Cette situation a condamné le citoyen arabe au Maroc à vivre «isolé des citoyens de l'autre partie du monde arabe au Machrek». A cause de cet élément de désunion, les habitants de la partie orientale du monde arabe «rencontrent ainsi des difficultés dans la compréhension des dialectes des maghrébins». Ce qui est évident, les «termes Maghreb et Machrek sont l'œuvre des orientalistes et diplomaties occidentales et avant eux des missions de christianisation qui avaient élaboré la carte de la région selon les plans expansionnistes de l'Occident» alors que «la réalité est autre sur le terrain». Il est désormais «indispensable de revoir cette terminologie qui divise le monde arabe en Maghreb et Machrek pour la situer dans le centre des préoccupations arabes», a soutenu Abou Hamda. La poétesse, chercheur, journaliste et académicienne Bardis Fourssane Khalifa, s'est déclarée, pour sa part, convaincue de l'existence de « fortes raisons» qui ont poussé les dirigeants des Etats membres du CCG à inviter le Maroc à s'unir à leur ensemble. «Il est possible que ces Etats avaient agi pour des raisons stratégiques mais nous souhaitons qu'il y ait une forte coopération entre le CCG et le Maroc», a-t-elle dit. De par les réactions des professionnels du Golfe arabe, il est clair que la candidature du Maroc est accueillie avec enthousiasme par l'opinion publique.