Une équipe scientifique française, dirigée par le professeur marocain Monsef Benkirane, vient de réaliser une percée importante en matière de recherche sur l'infection par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Les résultats de cette recherche, menée par le Pr. Benkirane et ses collaborateurs de virologie moléculaire de l'Institut de génétique humaine du CNRS à Montpellier (sud), en collaboration avec deux autres équipes françaises, ont été publiés dernièrement dans la prestigieuse revue britannique “Nature”. Les chercheurs ont identifié la protéine cellulaire (SAMHD1) qui bloque l'infection des cellules dendritiques (CD- chargées de déclencher les défenses immunitaires) par le VIH-1, le type du virus du Sida le plus virulent et le plus présent dans le monde. Dans le cas des CD, “le VIH-1 ne se réplique pas de manière efficace et jusqu'à présent, nous ne savions pas pourquoi”, explique le Dr Ollivier Schwartz, directeur du groupe “Virus et Immunité” de l'Institut Pasteur, associé à cette étude. Un “cheval de Troie” pour détecter le virus Les cellules dendritiques sont “le chef d'orchestre” qui contrôlent les réponses du système immunitaire. La première réponse est “innée et non spécifique”, tandis que la deuxième, qui vient après, est une réponse “spécifique” dirigée contre un antigène bien particulier”, explique le Dr Benkirane dans un entretien à la MAP. Il se trouve aussi que ces CD sont les premières cellules qui entrent en contact avec le virus. Le problème dans le cas du VIH1, “c'est que ces cellules, au lieu de faire leur travail, le VIH les utilise pour se disséminer, relève-t-il. Comme elles ne sont pas infectées par le virus, ces cellules ne peuvent pas le détecter en tant que “pathogène” ou “corps étranger” et, donc, elles le captent dans la muqueuse ou dans tout autre endroit et l'emmènent vers les organes lymphoïdes, le site préférentiel de réplication du virus. Or, précise le chercheur marocain, on voudrait que les CD, lorsqu'elles captent le virus, le détectent comme pathogène et déclenchent la réponse innée avant d'orchestrer la réponse spécifique. Jusqu'à présent, on savait que ces cellules étaient “réfractaires à l'infection à cause d'un facteur X exprimé par ces cellules”, a-t-il rappelé, soulignant que “c'est ce facteur qu'on a identifié”. Il s'agit d'une protéine nommée SAMHD1 qui est “exprimée” par la cellule dendritique. Elle joue “un rôle extrêmement important” dans la cellule car elle inhibe l'accumulation et la synthèse de l'ADN viral du VIH1 dans la CD. Lorsqu'elle inhibe l'accumulation de l'ADN du VIH1, la protéine empêche la CD de détecter le virus comme pathogène et de jouer son rôle de chef d'orchestre des réponses immunitaires. Perspectives “extrêmement prometteuses” pour la recherche et le traitement Les résultats de cette étude ouvrent des perspectives “extrêmement importants” pour la recherche fondamentale, a souligné le Pr. Benkirane notant que ces recherches donnent une large connaissance de l'interaction entre le virus et la cellule. D'ailleurs, l'équipe du Dr. Benkirane participent à des programmes de recherche sur des modèles animaux en collaboration avec celle de la Prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi à l'Institut Pasteur et celle du Pr. Yves Lévy, chef du service d'immunologie clinique à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil). Ces résultats ouvrent aussi de larges perspectives pour le traitement, d'autant plus que “95 pc des médicaments qui existent aujourd'hui contre le VIH sont des molécules issus de la recherche fondamentale”, a-t-il rappelé. “Sur le plan thérapeutique, ce que les médecins veulent c'est de pouvoir cibler les cellules dendritiques avec des vaccins pour qu'il y ait une réponse immunitaire adaptée. Avant ils ne pouvaient pas. Maintenant, ils peuvent”, a-t-il souligné. “Avant l'administration du vaccin, il faut maintenant inhiber cette protéine pour rendre les cellules dendritiques capables de détecter le virus et de déclencher les réponses innée et adaptée”, a expliqué le chercheur marocain. Outre l'équipe de M. Benkirane, une équipe de l'Institut Pasteur et une autre de l'Institut Cochin (Université Paris Descartes) ont collaboré à la réalisation de l'étude soutenue par l'Agence nationale de recherche sur le Sida (ANRS), SIDACTION, la Fondation pour la recherche médicale en France (FRM) et le Conseil Européen de la Recherche. Après un DEUG à la faculté des Sciences de l'université Mohammed Benabdellah de Fès, Monsef Benkirane est parti poursuivre ses études à Marseille (France) où il a obtenu une licence-maîtrise, puis un DEA d'immunologie de l'Université Aix-Marseille 2 et ensuite un doctorat en virologie moléculaire en 1994. Par la suite, M. Benkirane a travaillé pendant plus de quatre ans au National Institute of Health (NIH) à Washington, avant de retourner, en 1998, à Montpellier (France) où il a monté son groupe de recherche sur la virologie moléculaire et le VIH. Le Pr. Benkirane a reconnu qu'il n'entretenait “malheureusement” pas de lien avec la communauté scientifique au Maroc, mais s'est dit disposé, et surtout “demandeur”, à contribuer à toute action bénéfique, notamment dans le domaine universitaire. (* MAP)