En dépit d'une baisse du taux de chômage, passant en 10 ans de 13,4% à 9,1%, les statistiques fournies par le Haut-commissariat au Plan lors d'une conférence de presse, tenue mercredi 11 mai, à Casablanca, contiennent des éléments clés témoignant de la précarité du champ du travail au Maroc. Il n'en reste pas moins que les divers gouvernements successifs et employeurs ont déployé beaucoup d'efforts pour booster le marché du travail, créant annuellement 156.000 postes d'emplois, soit 1million 600 milles durant une décade. Toutefois, une lecture minutieuse des chiffres indiquent que ce n'est pas de bon augure pour l'avenir si le Maroc ne se départit pas des approches sectorielles, optant pour une « démarche de planification stratégique… permettant l'articulation et la hiérarchisation des objectifs… pour une cohésion sociale et territoriale durable », a indiqué Ahmed Lahlimi. Et le Haut-commissaire au plan de souligner que l'emploi global demeure d'une manière générale au-dessous des standards d'un travail décent. En d'autres termes, la majorité des emplois occupés ne requièrent pas une qualification assez élevée. L'éclatement des chiffres nous permet d'en déduire que seulement 10,8% des employés ont un niveau supérieur et 23,7% détiennent un diplôme de niveau moyen. Bref, seulement un actif occupé sur 3 est diplômé. Les propos de Lahlimi laissent aussi comprendre qu'au Maroc la responsabilité sociale des entreprises est aux abonnés absents. En fait, presque les deux tiers des salariés travaillent sans contrat. Et les secteurs de l'agriculture et du bâtiment demeurent les champions en matière de violation du Code du travail. 90% des employés ne disposent pas de contrat. Chiffres à l'appui, Lahlimi souligne que moins de 20% de la population active occupée bénéficient d'une couverture médicale, enregistrant un taux très faible dans le monde rural, s'élevant à 4,5%. En fait, selon les propos du premier statisticien du pays, il s'agit d'un « chômage déguisé », ou d'une période moratoire, ni plus ni moins, en attendant un lendemain meilleur. Les réponses des interviewés en sont la preuve. 29% du secteur du bâtiment ont affiché leur ambition de changer de travail. Soulignons aussi que malgré une baisse notoire du taux de chômage, les jeunes de 15 à 24ans restent les plus exposés à ce fléau avec 17,6% à l'échelle nationale et 31,3% en milieu citadin. Les statistiques du HCP montrent, en outre, que les jeunes diplômés sont mal lotis notamment les lauréats universitaires, enregistrant un taux de 22,3%. Un message implicite aux concernés pour s'attacher à la réforme de notre université aussi moribonde qu'avant. Et le plus alarmant selon les statistiques de 2010, et le fait que 51,6% des chômeurs parmi la population active en chômage n'ont jamais travaillé. Ce pourcentage augmente sensiblement chez les chômeurs de longue durée (12 mois et plus), enregistrant 66,5% parmi la population active en chômage en 2O10. Par ailleurs, le Haut-commissaire au Plan n'a pas omis de soulever les variables ayant une forte influence sur le marché de l'emploi. Il s'agit d'une part de l'impact du facteur démographique caractérisé par un allongement de l'espérance de vie allant de 47 ans en 1962 à 74,8 ans en 2010. En termes plus clairs, la population en âge d'activité a connu un doublement de son effectif, passant de 10,5 en 1980 à 20, 4 millions en 2010. D'autre part, Lahlimi a évoqué la faiblesse de notre tissu économique. Il a déclaré en substance que « l'amélioration de la croissance n'a pas été, en effet, accompagnée par un changement notable des structures économiques en faveur des activités à haut contenu technologique ». L'économie marocaine est toujours sujette à des secteurs (bâtiments, services, agricultures) souvent marqués par la faiblesse de leurs multiplicateurs d'emploi et plus particulièrement les emplois qualifiés. Bref, seule une reconfiguration de l'économie marocaine basée sur la recherche et le développement va nous permettre de réaliser un sursaut économique et d'être plus compétitive. A bon entendeur salut !