Le vernissage de l'exposition collective “Senses and Essence” (Sens et essence), une œuvre de trois artistes marocaines Najia Mehadji, Amina Agueznay et Safaa Erruas, a eu lieu, mercredi soir à New York, dans la galerie du “French Institute Alliance Française” (FIAF) dans le cadre du festival “ World Nomads Morocco”. Cette exposition collective, présentée du 5 au 28 courant, s'inscrit dans le cadre de la 4ème édition du festival initiée par le FIAF en partenariat avec l'Association Essaouira-Mogador et la Fondation Esprit de Fès. Placée sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, la 4ème édition du “World Nomads” se propose d'explorer la culture marocaine traditionnelle et contemporaine et d'évoquer des thèmes, à la fois, sociaux et profondément culturels. “Senses and Essence” offre un regard croisé entre un Maroc contemporain et New York, métropole à l'avant-garde des arts, souligne Nawal Slaoui, commissaire de l'exposition et fondatrice de l'agence marocaine de médiation culturelle “Cultures Interface”. “Skin” de Amina Agueznay, “Invisibles” de Safaa Erruas et “Danse mystique” de Najia Mehadji, trois œuvres complémentaires créées spécialement pour le festival, entraînent le visiteur dans une exploration à la fois visuelle et conceptuelle de la femme dans toutes ses dimensions, explique Nawal Slaoui. “Elles ont réfléchi pour créer un ensemble cohérent, où cependant chacune garde son empreinte, sa voie”, dit-elle. D'entrée, le visiteur est pris dans une toile gigantesque conçue à partir de filets de pêche maillés à d'autres matières. “Skin”, véritable patchwork aux tons naturels, où dominent couture, broderie, et tissage, a mûri au gré de l'imagination de 23 artisanes de l'Entraide nationale de Bouznika. Un curieux tableau où se promènent des petites créatures noires aux côtés de nids pris dans des fils torsadés, ornés de pompons, panneaux incrustés de sequins, agrémentés de perlage, ou simplement ajourés, le tout rassemblé en une monumentale installation de 18 m2. De ce travail minutieux des “petites mains” rompues au savoir-faire traditionnel est né une œuvre contemporaine, explique Amina Agueznay, diplômée en architecture de l'université de Washington, pour qui le challenge a été de “maîtriser et dompter la matière tout en conservant l'harmonie”. La même harmonie est reflétée dans “Invisibles”, une suspension de fils, véritable tableau aérien, parsemés d'une multitude d'yeux. Une sorte d' “introspection intime”? Dans ses créations, Safaa Erruas, jeune diplômée de l'Institut national des beaux-Arts de Tétouan, questionne le réel au féminin à travers l'intuition, la sensation des matières, leur sens symbolique. “C'est une forme à l'équilibre extrêmement fragile qui se répète à l'infini”, dit-elle de cet ensemble formé de tamis, fils de coton et d'images reproduisant des yeux. Dans cette “force de la fragilité”, Safaa Erruas privilégie les tons épurés. “Je travaille uniquement sur le blanc. Je suis dans la non-couleur”, dit-elle. De même, dans ses trois vidéos intitulées “The blood flowing through my veins” (le sang qui coule dans mes veines), Safaa, dont c'est la 3ème exposition aux Etats-Unis, opte pour la non couleur et le sang comme par magie devient transparent. “Danse Mystique”, issue de la série “Volutes” de Najia Mehadji, complète cette trilogie artistique originale. On est à la frontière entre la peinture traditionnelle et le numérique. “J'ai tenté une synthèse entre le rituel soufi des derviches tourneurs qui est une danse très physique et en même temps spirituelle”, dit cette artiste-peintre qui partage sa vie entre Paris et Essaouira. Ses tableaux, un mix entre cette transe extrêmement ordonnée et son geste de peintre, scanné et agrandi, illustrent “ce mouvement intérieur, une méditation pour aller vers la lumière”. En se réappropriant l'espace à travers un “discours artistique complexe”, Amina Agueznay, Safaa Erruas et Najia Mehadji invitent le visiteur à une “véritable exploration des sens”, relève le directeur de la galerie, Tristan de Terves. “Elles ont su faire dialoguer ensemble leurs œuvres, et surtout toucher à l'essentiel de la féminité”, estime-t-il. C'est un aspect d'un “Maroc très contemporain que nous livre les trois artistes. Cette exposition qui est dans l'air du temps n'a rien à envier aux standards New Yorkais”, conclut-il. (MAP)