Les manifestations du 24 avril ont confirmé ce que des rumeurs persistantes disaient d'un changement interne au mouvement du 20 février et de ses méthodes. S'il a été plus nettement palpable à Rabat où les islamistes et les chômeurs détenteurs de licences ont fait cas de demandes spécifiques lors des rassemblements qu'ils ont organisés séparément mais concomitamment le lundi matin bien avant la grande manifestation à laquelle ont appelé les jeunes facebookistes l'après-midi, il a en fait englobé toutes les actions du genre. En portant également sur la stratégie protestataire originelle, il corrobore l'image d'un mouvement dont l'action s'est engagée dans un nouveau tournant. Car, il est de plus en patent que la fronde des facebookistes qui sentait venir l'essoufflement est en train de changer le fusil d'épaule. On la dit y être obligée depuis que le Discours Royal du 9 mars l'a mise en situation de porte- à -faux pour ce qui est de son volet politique. Ce fait est si bien établi qu'on ne s'explique pas autrement la raréfaction des grands thèmes virulents qui avaient frappé les esprits en demandant la dissolution du Parlement, la démission du gouvernement, le refus d'une constitution octroyée et la création d'une assemblée constituante…. Par une sorte d'actualisation de ses demandes, le mouvement est en passe de se focaliser sur des sujets non explicitement déclarés dans la feuille de route du 9 mars. Au vrai, on s'attendait à cette mise à jour plus tôt, quand en mars déjà le mouvement avait donné l'impression de rouler à contre-courant de l'histoire récente en continuant à revendiquer ce qui avait déjà été accordé. Le changement a été particulièrement visible à Rabat où les marcheurs ont affiché leurs différences en proclamant autant leur identité que leurs attentes spécifiques. Mais cependant, c'est au niveau de l'organisation que le mouvement a semblé innover le plus. Car le 24 avril a établi nettement que les marcheurs sont en train de maîtriser les techniques de l'action de masse. Mais surtout, il a montré des velléités identitaires qui indiquent que le mouvement a pris en compte les rumeurs le présentant comme inféodé à des organisations aux buts moins avouables. En séquençant le flux des marcheurs de manière à permettre l'identification des groupes auxquels ils appartiennent, le mouvement du 20 février a donné l'impression de vouloir se défaire des liens occultes dont lesquels cette rumeur le dit empêtré. De fait, si çà et là certains anciens thèmes de revendication sont restés visibles ou audibles, un sérieux toilettage a été opéré sur l'ensemble. De sorte que sur le plan politique, ce ne sont plus les réformes qui sont mises en avant, mais la moralisation de la vie publique au moyen, en particulier, de la lutte contre la corruption dont du reste il a vilipendé ceux qu'il tient pour ses figures notoires. Organisation autre, thèmes reliftés, le mouvement du 20 février a encore innové quand il a organisé sa marche dans les quartiers dits populaires. A Rabat, c'est, entre autres, ce qui explique qu'il ait manifesté l'après-midi plutôt que le matin laissant du coup le centre-ville à des groupements mineurs. Cependant, la grande nouveauté en ce qui concerne la marche organisée à partir de Yacoub Elmansour en direction de Qamra –la gare routière- aura été de renseigner sur la volonté des facebookistes de mieux cerner le récepteur de leur nouveau message. Qu'ils aient réussi à mobiliser un nombre de participants sensiblement égal à celui qu'avaient attiré leurs précédentes marches indique qu'ils y ont réussi.