La santé est encore à la marge du débat des forums politiques et sociaux tonifiés par le discours sur la réforme constitutionnelle. Pourtant, mettre à la disposition de la population des soins disponibles, acceptables et appropriés sur le plan culturel et éthique, réceptifs aux exigences spécifiques liées au sexe et aux différents stades de la vie, répondant aux normes de qualité, et surtout accessibles sur le plan physique, économique et informationnel est «un droit naturel». L'OMS estime que les pouvoirs publics ont à créer des conditions telles que chacun puisse jouir du meilleur état de santé possible. Sur le plan opérationnel, notre système de santé aura à relever le défi dans de lisser les difficultés d'accès aux soins sur leurs deux dimensions géographiques et économiques tout en s'adaptant aux perspectives de la médecine. Ces enjeux deviendront, sous le climat que vivons actuellement et à l'orée des élections 2012, des ingrédients de stabilité sociale et de réussite du projet de la régionalisation. Mieux Soigner local, bien réguler global ! La principale question pour redonner à la santé une importance politique est celle de la place de la régionalisation des soins. Certes, le débat sur la carte sanitaire couve depuis plus d'une dizaine d'années, pourtant à ce jour notre système de santé souffre d'une centralisation excessive, d'une faible mobilisation des ressources humaines comparativement à des pays voisins et de la persistance de «déserts médicaux», cédant le terrain au dérapage conventionnel, faisant de l'assurance maladie obligatoire une contribution «complémentaire» aux frais de soins, et remettant en cause toute la philosophie de l'AMO. Comment peut-on accepter à ce que la vie de nos concitoyens, soit menacée, faute d'un établissement de soins, d'une discipline médicale ou même à cause d'une pénurie médico-paramédicale. Personne ne peut nier que la régionalisation constitue actuellement la pierre angulaire d'une véritable réforme du système de santé et de l'assurance maladie et que la solidarité interrégionale est un principe qu'il faut instaurer pour que la carte sanitaire réponde au mieux aux attentes de la population hors l'axe Kénitra-El Jadida. La deuxième problématique, est liée au champ d'intervention de l'assurance maladie qui ne concerne encore que 34% des Marocains 9 ans après la promulgation de la loi 65.00, et qui emprunte déjà un virage dangereux voilà quelques mois et qui risque de s'aggraver avec la demande croissante sur les soins de santé. Même si le RAMED sera généralisé fin 2011 et que l'on se s'interroge sur son financement vu les engagements au titre du dialogue social, force est de constater que même les acquis sont menacés. En pratique, d'innombrables décisions techniques ont réaménagé en permanence le champ des soins dits « de prise en charge » dans le cadre l'assurance maladie en dehors de tout débat public voir d'une discussion politique. Il en est ainsi de l'inscription de nouvelles molécules au guide des médicaments remboursables, de l'inscription d'autres actes médicaux dans la nomenclature générale des actes , de l'extension de la liste des dispositifs médicaux admis au remboursement, de l'inexistence d'un référentiel des affections transférables à l'étranger permettant l'implication de tout un chacun dans la répression des tentatives anti-déontologiques, visant à financer à travers les trésoreries des caisses de l'assurance maladie des pays du tiers monde la recherche médicale dans les pays développés. Nul ne peut remettre en cause l'importance de s'ouvrir sur les nouveautés thérapeutiques, mais en s'assurant qu'elle est saine et raisonnable, basée sur l'objectivité et l'expérience, loin de l'obsession «no risk», et évitant le conflit d'intérêt. Le débat sur le périmètre d'intervention de l'assurance maladie est jusqu'à ce jour largement demeuré implicite, confiné dans les salles de réunions des organismes de l'AMO. Il repose essentiellement sur des considérations scientifiques importées souvent d'institutions étrangères (HAS, AFSSAPS, ANAES..), mais il vire graduellement vers une prospective uniquement actuarielle. Pour une entité de prospective Les perspectives scientifiques rendent les résultats de cet exercice très aléatoires. Les évolutions prévisibles de la médecine prennent des dimensions dangereuses, menaçant l'avenir d'une assurance maladie à ressources limitées. Partant du principe qui dit que « la nécessité est la mère de l'invention », la création d'une entité de prospective et de préfiguration des métamorphoses du système de santé serait particulièrement bienvenue. Voici quelques aspects à titre d'illustration. D'ores et déjà, l'avènement de l'assurance maladie a eu des conséquences positives sur les finances des établissements de soins, ceci s'est traduit par l'ouverture de ces derniers sur l'innovation en médecine, et l'avènement de thérapeutiques émergentes tels que la chirurgie au Gamma-Kniffe et le PET-SCAN. La question qui s'impose, c'est comment pourra t-on gérer l'effet inflationniste de cette nouvelle médecine ? Pourquoi ne pas s'interroger en premier lieu sur la gériatrie, une médecine ignorée, ou du moins négligée, dans les budgets de l'assurance maladie. Or, l'inversion de la pyramide des âges, l'augmentation de l'espérance de vie, la modernisation de la vie, le développement psychologique et culturel, sont tous des indices en faveur du développement de cette médecine. Les innovations médicales laissent entrevoir l'émergence d'une médecine d'anticipation outillée par le développement incroyable des capacités de dépistages et des moyens de prévention. Dorénavant, on aura la capacité de dépister d'autres cancers, voir même d'autres maladies dégénératives tel que la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer. Et rien n'empêche d'inclure dans notre projection dans l'avenir, l'avènement de la médecine prédictive permettant de maîtriser les facteurs prédisposant au développement de certains pathologies en étudiant le profil génétique ( cancers, maladies systémiques..), justifiant un suivi médical particulier et des traitement préventifs. La formalisation et le développement de l'activité de greffe d'organes et de tissus, l'émergence de nouvelles thérapies géniques et pharmacogénomiques. Dernier type d'interrogations, c'est comment peut-on assurer une maîtrise médicalisée des dépenses devant le développement de ce que l'on pourrait appeler une «médecine borderline» où la gestion des frontières empiriquement fixées entre l'addictologie et la psychiatrie, entre chirurgie réparatrice et chirurgie esthétique, médecine de nécessité et médecine de confort, entre un médicament et un placebo deviendra aussi difficile qu'impossible. L'avenir de l'assurance maladie parait trop menacé devant les défis imposés par la définition de la santé retenue par l'OMS, «l'état complet de bien-être physique, mental et social». Sa satisfaction dépasse tous les plans de la gestion des risques, il nécessite un débat social, voire une consécration constitutionnelle, concrétisée sur le terrain par des stratégies et des plans d'actions qui répondent aux préoccupations de l'ensemble de la population dans le domaine de la santé, par l'implication de tous les acteurs( gouvernement, ONG, professionnels de santé , et citoyens) , par la mise en place de politiques de financement mises au point et périodiquement examinées dans le cadre d'un processus participatif, positif et transparent. Elles doivent s'appuyer sur des indicateurs et des critères permettant de surveiller de près les progrès accomplis, sanctionner les résultats et accorder désormais une attention particulière au bien être des populations vulnérables ou marginalisés. Le temps de la délibération collective est plus que jamais urgent.