Le dernier discours prononcé par le Roi Mohammed VI du Maroc constitue une surprise non seulement pour les Marocains eux-mêmes, mais aussi pour de nombreux observateurs et analystes à travers le monde, plus particulièrement ceux qui, au cours des dernières années, tentaient de propager l'idée fallacieuse selon laquelle le Maroc serait un Etat totalitaire, où les libertés fondamentales seraient réprimées. De nombreux observateurs dénués de toute objectivité, comme les professeurs espagnols Carlos Ruiz Miguel et Ana Camcho, ont eu tendance à faire du manque supposé de démocratie et des libertés fondamentales au Maroc leur cheval de bataille dans leurs attaques destinées à discréditer la légitimité de la présence marocaine dans le Sahara et le la crédibilité du Plan d'Autonomie présenté par le Maroc en 2007. Même après que le gouvernement marocain ait proposé ledit Plan d'Autonomie en 2007 en vue de mettre fin à l'impasse dans laquelle se trouve cette question depuis 36 ans, ces auteurs n'ont pas ménagé d'efforts pour montrer au monde que la proposition marocaine ne pouvait pas être pleinement appliquée dans un pays où “il n'y a pas de véritable démocratie”, et que la communauté internationale ne devrait pas faire confiance à un “régime despotique” qui ne respecterait pas ses engagements internationaux. Or les derniers développements qui ont eu lieu au Maroc et dans le monde arabe dans son ensemble, ont porté un coup dur aux fondements de la «thèse» du Polisario et battent en brèche les élucubrations de ceux qui le soutiennent moralement, politiquement et financièrement. Après les manifestations qui ont eu lieu dans plus de 50 villes et provinces du Maroc le 20 Février dernier et les turbulences politiques qui ont suivi, de nombreux observateurs ont retenu leur souffle de peur que les autorités marocaines réagissent d'une main de fer aux exigences de la jeunesse marocaine. Beaucoup craignaient, en effet, une répétition des scénarios tunisien et égyptien, où les autorités ont réagi dans la panique aux soulèvements, ce qui a précipité leur chute. Toutes les spéculations et les commentaires qui ont été faits sur l'avenir politique du Maroc au milieu des bouleversements politiques dans lesquelles ses voisins immédiats étaient embourbés, ont raté un point essentiel: contrairement à d'autres pays arabes, le Maroc est déjà engagé dans l'ouverture politique depuis l'avènement du roi Mohamed VI, bien que cette ouverture politique ait subi un revers depuis 2003, dans le sillage des attaques terroristes de Casablanca. Par ailleurs, il ya un large consensus parmi les Marocains que le Maroc n'a pas besoin d'un changement de régime, mais plutôt de réformes qui permettraient à tous les citoyens d'avoir droit au chapitre dans la vie politique marocaine et de participer pleinement dans la construction d'un avenir meilleur, à travers un gouvernement élu démocratiquement. En fait, les Marocains aspirent principalement à mettre fin à toutes les tares qui caractérisent le paysage politique marocain, qu'il s'agisse de l'injustice, le népotisme, la corruption, ou l'absence totale de reddition de compte (accountability). Tel est le message qui fut transmis par les manifestants le 20 Février dernier à travers tout le Maroc, et qui, apparemment, a été bien reçu par l'autorité suprême du pays. En prononçant son discours le 9 Mars, le Roi Mohamed VI s'est montré à la hauteur des attentes des Marocains et de l'espoir qu'ils caressent de voir leur pays s'engager dans une véritable réforme de la Constitution, un véritable processus démocratique et de bâtir un avenir meilleur pour tous les citoyens Marocains. le Roi Mohamed VI a non seulement réussi à mettre en branle une réforme politique susceptible de consolider les gains démocratiques réalisés par le Maroc au cours de la dernière décennie, il a également marqué des points importants sur la scène internationale en se positionnant comme un chef d'Etat moderne et démocrate. En effet, outre les gains politiques obtenus par le Roi Mohamed VI au niveau national, en termes de maintien de la stabilité politique au Maroc, l'ouverture politique qui fut annoncée dans son discours va très probablement renforcer la position politique du Maroc sur la scène internationale et améliorer son image en tant que pays démocratique et ouvert. Une vue d'ensemble des journaux et des reportages télévisés qui ont été réalisés après le discours, donne une idée claire sur l'écho positif que les réformes annoncées dans le discours ont eu sur le plan international, incitant de nombreux leaders mondiaux, tels que le Président français, le Roi et le Premier Ministre d'Espagne, le porte-parole de la Maison Blanche, ainsi que le Secrétaire Général des Nations Unies à saluer le « courage, la sagesse et la clairvoyance » du Roi Mohamed VI, considéré comme un atout majeur pour la stabilité de toute la région du Maghreb. 1- Impact de la réforme constitutionnelle sur la question du Sahara La question qui vient à l'esprit de tout observateur concerné par les derniers développements au Maroc est la suivante : quel impact la réforme politique aura-t-elle sur la question du Sahara. Le Maroc peut-il tirer parti de son statut politique par rapport à l'Algérie et le Polisario et faire un pas décisif dans le processus de mettre un terme à ce conflit? Une lecture attentive des derniers développements qui ont eu lieu récemment dans le Maghreb, démontre que la position du Maroc sur la question du Sahara est plus forte que jamais. Ces développements ont à faire, à la fois, avec des erreurs stratégiques commises par le Front Polisario et aussi avec la tournure des événements en Afrique du Nord, à la suite des soulèvements politiques en cours dans cette région. Alors que, par le passé, le Front Polisario s'est constamment servi de la carte des droits de l'Homme pour tenter d'affaiblir la position de négociation du Maroc, l'arrestation de Mustapha Salma Oueld Sidi Mouloud en août 2010, a affaibli sa position sur cette question. À la suite de cette bévue, le Polisario a perdu l'un de ses meilleurs atouts dans ses campagnes visant à discréditer le Maroc au niveau international. Bien plus, au cours des derniers mois, le Polisario a systématiquement étouffé les voix de ceux, dans les camps de Tindouf, représentés par Khat Al-Chahid, exigent plus de liberté politique dans les camps. En outre, au milieu du soulèvement politique qui se déroule actuellement dans le monde arabe, le Polisario a réprimé les manifestations qui ont eu lieu à Tindouf, le 5 Mars pour dénoncer la corruption de ses dirigeants et exprimer leur rejet de la perpétuation de la situation actuelle. Les développements mentionnés ci-dessus sont en faveur de la position marocaine et prouvent la futilité des revendications “démocratiques et progressistes” du Polisario. L'image du Polisario en tant que mouvement progressiste enclin à la démocratie a subi un revers majeur après les accusations dirigées à son encontre par l'ancien ministre libyen de l'Immigration et des Expatriés, M. Ali Errishi. Ce dernier a affirmé que le Polisario a envoyé ses mercenaires afin d'aider Kadhafi à réprimer et tuer ses adversaires. Et M. Errishi de condamner les membres du Polisario pour leur “hypocrisie dans la mesure où ils prétendent se battre pour la liberté et l'idéal progressiste, tout en se joignant à l'armée de mercenaires que Kaddafi a payé pour attaquer les manifestants libyens et s'accrocher au pouvoir”. D'autre part, le fait que la délégation du Polisario ait refusé d'aborder les questions relatives aux droits de l'Homme au cours du sixième round de réunions informelles parrainées par l'ONU, qui s'est tenue à Malte entre les 7 et 9 mars, tandis que dans le passé, ils remuaient ciel et terre pour inclure les questions de droits de l'Homme dans les négociations, ainsi que dans les résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée Générale, est un signe que la position du Polisario sur ce sujet est plus faible que jamais. Dans l'état actuel des choses, il est peu probable que le Polisario réussisse dans sa tentative d'inclure les droits de l'Homme dans le mandat de la MINURSO en avril prochain, lorsque le Conseil de Sécurité entendra le rapport annuel du Secrétaire Général des Nations Unies sur la situation au Sahara depuis le renouvellement du mandat de la MINURSO le 30 avril 2010. En outre, dans le passé, le Maroc s'est fortement appuyé sur les gouvernements de ses alliés occidentaux afin de renforcer sa position sur le Sahara, alors qu'il ne jouissait pas vraiment de la solidarité de la majeure partie de l'opinion publique internationale pour des raisons qui tiennent à sa réputation de “régime totalitaire” et aussi au manque d'efficacité de la diplomatie marocaine. Or l'annonce de la réforme globale de la Constitution marocaine, notamment l'approfondissement du processus de régionalisation, va très probablement laisser un écho favorable chez l'opinion publique internationale. Cette annonce de la réforme va témoigner du sérieux et de la crédibilité du Maroc à mettre en place le Plan d'Autonomie au Sahara conformément aux normes internationales sur les questions d'auto-détermination et à contribuer à un règlement fondé sur le consensus politique au conflit du Sahara. Si nous mettons le Maroc et le Polisario dans une balance, il y'a fort à parier que l'opinion publique internationale va renouveler sa confiance au Maroc, un pays dirigé par un monarque moderne et démocrate, aux antipodes du chef du Polisario, qui a dirigé le Polisario d'une main de fer depuis 36 ans et fait taire toutes les voix dissidentes qui appellent à l'adoption d'une nouvelle approche pour la solution du conflit. L'arrestation de Mustapha Oueld Sidi Mouloud et la répression de la manifestation du 5 Mars dernier à Tindouf sont révélateurs à cet égard. Demain : L'élan démocratique au Maghreb n'est pas favorable au Polisario * Samir Bennis est un analyste politique. Il est titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Université de Provence (France), un Master en sciences politiques, un Master en études diplomatiques et stratégique, un Master en études ibériques et une Maitrise en littérature espagnole. Il a publié de nombreux articles dans de nombreuses langues et est l'auteur du livre: “Maroc-Espagne : les relations politiques, économiques et culturelles: 1956-2005 “, publié en 2008. Il vit à New York.