Three Mile Island aux Etats-Unis en mars 1979, Tchernobyl en Ukraine en avril 1986 et Fukushima au Japon depuis samedi constituent désormais les trois grands désastres de l'ère nucléaire. Dans quelles circonstances et avec quelles conséquences ? A Three Mile Island, en Pennsylvanie, l'accident débute le mercredi 28 mars à 4h00 sur le réacteur numéro 2 par une simple défaillance de l'alimentation en eau des générateurs de vapeur. Les systèmes automatiques de sécurité arrêtent la réaction nucléaire du réacteur et déclenchent les pompes de secours, qui restent inopérantes, une vanne ayant été laissée ouverte par erreur. Une série de défaillances humaines et techniques aboutit à la fusion d'une partie du combustible du réacteur, qui est entré en surchauffe après avoir été privé d'eau pendant quatre heures avant que le circuit de refroidissement ne soit rétabli. Environ dix heures après le début de l'accident, plus de 300 kg d'hydrogène émis par le combustible en fusion explosent dans le bâtiment du réacteur, sans provoquer de dégâts majeurs. Il faudra attendre six ans pour mesurer l'ampleur des dégâts et le risque encouru: 45 % du combustible a fondu, se mélangeant avec des gaines et autres éléments de structure pour former un magma appelé "corium". Une partie de ce corium, 20 tonnes environ, s'est écoulée sous forme liquide dans le fond de la cuve, sans heureusement la traverser. L'enceinte de confinement a tenu bon et n'a pas exposé directement l'environnement aux matières radioactives. Tchernobyl, le réacteur à eau bouillante A Tchernobyl, en Ukraine, le réacteur numéro 4 de la centrale en service depuis 1983 explose le 26 avril 1986 à 01h23. La première cause de l'accident est le réacteur lui-même: les autorités soviétiques n'ont pas assez pris en compte les problèmes de sûreté lors de la conception du réacteur à eau bouillante, de type RBMK. La seconde cause est la mauvaise maîtrise de l'essai d'un nouveau système de refroidissement de secours du coeur. Lors de cet essai, les opérateurs n'ont pas respecté des consignes de sécurité et ont désactivé certains systèmes d'arrêt et de refroidissement. Enfin, le personnel n'a pas su anticiper et stopper à temps le processus destructeur. Il l'a même amplifié par des actions inappropriées. Un engrenage fatal qui aboutit en quelques secondes à un pic de puissance dépassant de plus de 100 fois la puissance normale du réacteur. Les crayons de combustible se fragmentent, les pastilles d'uranium qu'ils contiennent explosent sous l'effet de la chaleur. Une déflagration telle qu'elle soulève la dalle supérieure du réacteur, d'un poids de 2.000 tonnes. La centrale étant dépourvue d'enceinte de confinement, contrairement à Three Mile Island ou Fukushima, le cœur du réacteur est désormais à l'air libre, en contact direct avec l'atmosphère. Fukushima, un séisme de magnitude 9 A Fukushima, c'est un séisme de magnitude 9, le plus fort jamais enregistré au Japon, et le tsunami qu'il a généré, qui ont déclenché l'accident, le vendredi 11 mars. Le séisme coupe l'alimentation électrique externe de la centrale et de ses six réacteurs, dont trois sont à l'arrêt pour maintenance, la privant de son système de refroidissement principal. Le système de secours se déclenche, mais très vite, le raz-de-marée l'endommage et le stoppe. Les réacteurs 1, 2 et 3, bien qu'arrêtés automatiquement lors du séisme, continuent de chauffer, jusqu'à une fusion partielle. Ils subissent des explosions provoquées par l'accumulation d'hydrogène, comme à Three Mile Island, dont l'une pourrait avoir endommagé l'enceinte de confinement du réacteur numéro 2. Parallèlement, un incendie survient dans le réacteur numéro 4, touchant une piscine d'entreposage du combustible usé, avec un risque de rejet radioactif directement dans l'atmosphère. Les rejets dans l'environnement A Three Mile Island, l'enceinte de confinement a joué son rôle et seule une contamination du bâtiment auxiliaire de la centrale a été à l'origine de faibles rejets dans l'environnement. A Tchernobyl, les rejets les plus importants se produisent au moment de l'explosion du réacteur, qui projette des produits radioactifs jusqu'à plus de 1.200 mètres de haut. Les rejets se poursuivent jusqu'au 5 mai, sous l'effet de l'incendie consécutif à l'accident puis de l'énergie dégagée en continu par le cœur détruit du réacteur. Au total, ce sont près de 12 milliards de milliards de becquerels qui, en 10 jours, partent dans l'environnement, soit 30.000 fois l'ensemble des rejets radioactifs atmosphériques des installations nucléaires dans le monde en une année. Des débris d'uranium et des morceaux de réacteur sont projetés aux abords de la centrale tandis que les poussières, les nuages de particules (aérosols) et les gaz partent en altitude pour former un panache radioactif. Entre le 26 avril et la mi-mai 1986, ce panache dissémine des éléments radioactifs (iode, césium, etc) sur la plupart des pays d'Europe. A Fukushima, les données précises manquent encore mais des niveaux entre 30 et 400 millisieverts (mSv) ont été relevés autour des réacteurs. A partir d'une dose de 100 millisieverts reçue par le corps humain, les observations médicales font état d'une augmentation du nombre des cancers. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français redoute des rejets "permanents" compte-tenu des dégâts sur l'enceinte de confinement du réacteur numéro 2. Les conséquences sanitaires Selon les autorités américaines, l'accident de Three Mile Island, qui n'a fait aucun mort direct, a exposé quelque deux millions de personnes dans la zone à une dose de rayonnements très faible, de l'ordre de 0,01 millisievert (mSv) en moyenne. La dose maximale d'une personne située à la limite du site aurait été inférieure à 1 mSv, estime l'Autorité de sûreté nucléaire américaine. A titre de comparaison, un examen scanner du thorax peut atteindre 10 mSv. A Tchernobyl, parmi les 600 intervenants du premier jour, qui reçoivent les doses les plus élevées, deux sont morts immédiatement de brûlures et 28 autres décèdent dans les semaines qui suivent. De 1987 à 2004, 17 autres intervenants meurent. Quelque 600.000 "liquidateurs", militaires et civils, se sont succédé dans les années suivantes mais, faute de suivi précis, l'impact sur leur santé est difficile à évaluer, comme pour les cinq à six millions de personnes qui vivaient sur les territoires les plus touchés par les retombées radioactives. Selon les Nations unies, l'accident a fait 4.000 morts. Mais le bilan serait de plusieurs dizaines de milliers selon les évaluations officieuses de diverses ONG. A Fukushima, un technicien a trouvé la mort et onze autres ont été blessés à la suite de l'explosion survenue samedi. Le niveau de radioactivité relevé autour du site, évacué dans sur un rayon de 20km, présente de sérieux risques pour la santé.