Israël s'enfonce dans une guerre sans horizon de sortie, alors que le premier ministre Benjamin Netanyahou érige désormais en doctrine un modèle de résilience inspiré de Sparte. À l'heure où l'Union européenne envisage pour la première fois de suspendre certains avantages commerciaux à l'Etat hébreu, le chef du gouvernement assume une stratégie de confrontation durable, quitte à isoler son pays. Pour Netanyahou, Israël c'est de Masada à Sparte. L'armée israélienne a lancé cette semaine une nouvelle opération terrestre à Gaza, visant à reprendre le contrôle de la ville au cœur de l'enclave palestinienne. La manœuvre intervient après des frappes aériennes massives qui ont anéanti des quartiers entiers. Alors que Tsahal a ordonné l'évacuation des habitants, de nombreuses ONG soulignent l'absence de zones véritablement sûres. « On nous demande de fuir, mais vers où ? La mort nous poursuit même dans les soi-disant zones humanitaires », témoigne une chercheuse locale, citée par la presse internationale. Lire aussi : Les dirigeants arabes et musulmans appellent à réexaminer les liens avec Israël Cette offensive marque une nouvelle étape d'un conflit qui dure depuis bientôt deux ans, déclenché après l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Les conséquences humanitaires sont d'une ampleur inédite : un rapport onusien publié cette semaine a conclu à des faits de génocide, aggravant l'isolement diplomatique d'Israël. Si Washington demeure le principal allié de Tel-Aviv, l'érosion du soutien occidental devient palpable. La Commission européenne a confirmé qu'elle proposera la suspension partielle des facilités commerciales accordées à Israël. Une mesure encore incertaine, car elle requiert l'aval d'une majorité qualifiée au sein de l'UE. Mais le simple fait que cette hypothèse soit discutée alerte : près d'un tiers des exportations israéliennes sont destinées au marché européen. L'annonce a d'ores et déjà eu des répercussions économiques. Le marché de Tel-Aviv a fléchi à l'évocation par M. Netanyahou d'une transformation structurelle de l'économie israélienne pour la rendre plus « autonome ». Vers une « super Sparte » C'est dans ce contexte que le premier ministre a explicitement revendiqué une nouvelle orientation : « Israël doit devenir une super Sparte, une puissance high-tech autosuffisante et prête au combat permanent », a-t-il déclaré. La référence est loin d'être anodine. Sparte, cité guerrière de la Grèce antique, incarne une société centrée sur la guerre, capable de survivre dans un environnement hostile au prix d'une austérité extrême et d'un repli sur soi. Cette comparaison illustre la vision d'un Israël désormais résigné à l'isolement international, mais elle soulève une inquiétude croissante à l'intérieur du pays. Le Forum des entreprises israéliennes, qui regroupe les 200 plus grandes sociétés, a immédiatement réagi : « Israël n'est pas Sparte, une telle vision condamne notre économie dans un monde interdépendant », a-t-il averti. Les milieux d'affaires réclament la fin des hostilités, la libération des otages et un calendrier électoral. La doctrine spartiate du premier ministre se heurte aussi à une contestation populaire inédite. Les manifestations pour exiger un cessez-le-feu et des élections anticipées ont rassemblé des centaines de milliers de personnes. Les familles des otages craignent que la poursuite des offensives n'anéantisse tout espoir de retrouver leurs proches vivants. Le contraste est saisissant : là où Netanyahou prône la guerre permanente comme horizon stratégique, une large partie de la société réclame un retour à la normalité et une réintégration d'Israël dans l'économie mondiale. La « doctrine spartiate » avancée par M. Netanyahou traduit moins une vision cohérente qu'une fuite en avant face à l'impasse militaire et diplomatique. Elle interroge sur la capacité d'Israël à maintenir son modèle d'innovation et de prospérité dans un contexte d'isolement croissant. À terme, la question est moins de savoir si Israël peut se transformer en « super Sparte », que de mesurer combien de temps ses citoyens accepteront d'en payer le prix : un appauvrissement relatif, un isolement diplomatique accentué et une guerre interminable.