Difficile de ne pas en parler. Le soulèvement populaire en Egypte a pris une telle ampleur qu'il suscite nombre de questions. Qu'adviendra-t-il demain si le régime Moubarak bascule ? L'Egypte risquera-t-elle de tomber entre les mains des islamistes ? Les puissances occidentales, en l'occurrence les USA, vont-elles tourner le dos à leur ami, considéré jusqu'ici, comme étant le vrai pivot de l'Occident dans la région ? Les changements annoncés par le Raïs et la nomination, pour la première depuis trente de pouvoir, d'un vice-président en la personne d'Omar Souleimane, vont-ils apaiser la rue et calmer les foules en colère ? S'agit-il réellement d'un effet domino ou simple révolte contre le mal vivre d'un peuple désabusé et fatigué de promesses qui ne sont jamais tenues ? Sinon, à quoi servirait cette révolte ? A qui incombe la responsabilité de ces morts et blessés, du pillage du musée historique du Caire, de la casse des vitrines des boutiques… Comme dans le cas tunisien, la révolte égyptienne manquait d'encadrement. On n'a pas vu de leader ou d'homme charismatique profiler à l'horizon. Et c'est là, encore, une autre tare des régimes militaires, qui ont tout muselé, tout cassé. Al Baradaï, ressurgi de nulle part, voulant se présenter comme l'homme providentiel, parviendra-t-il à cristalliser autour de lui ce mouvement de révolte et conduire la révolution contre les militaires ? Rien n'est jamais gagné d'avance. La Tunisie, qui n'a pas dit son dernier mot, tâtonne encore à retrouver le cours normal des activités. Son système financier a beaucoup souffert de la situation. Malgré les assurances données par la Banque centrale tunisienne, le FMI et les agences de notations ont revu à la baisse les prévisions de croissance. Dans le cas de l'Egypte, à l'image de ce qui s'est passé en Tunisie, la Bourse du Caire a décidé finalement de fermer, après le grave effondrement des valeurs cotées. Le principal indice a chuté de 16% en deux jours après le début du mouvement de contestation mardi. Les informations qui nous parviennent font état d'un « pays partiellement paralysé avec de nombreux distributeurs de billets vides et des banques fermées ». De même, les examens dans les universités et les écoles ont été par ailleurs reportés jusqu'à nouvel ordre. Si la situation continue, il y a fort à parier que le peuple égyptien manquera du pain dans les jours qui suivent. Et si les USA en viennent, en effet, à stopper leur aide (pas moins de 1,5 milliard de dollars), c'est toute l'économie égyptienne qui prendra un sacré coup. D'ores et déjà, le tourisme, qui rapporte quelque 12,5 milliards de dollars à l'économie du pays, est lourdement affecté. Tous les pays et tous les transporteurs sont en train de rapatrier les touristes étrangers. La France, l'Allemagne, la Grande Bretagne, la Turquie et même les Etats Unis et Israël ont recommandé à leurs citoyens d'éviter de se rendre en Egypte. Sur le fil de l'actualité, les observateurs craignent une « propagation des émeutes égyptiennes à d'autres pays du monde arabe et l'instabilité qui pourrait en découler. «Les tensions politiques en Egypte alimentent la crainte d'un scénario à la tunisienne et une déstabilisation du Proche-Orient». Il est vrai, des dizaines de milliers d'Egyptiens sont, de nouveau, descendus dans les rues pour exiger le départ de Hosni Moubarak, au pouvoir depuis près de trois décennies. Pour nombre d'observateurs, «il est trop tôt pour dire quelles seront les conséquences de tout ce qui se passe». Mais, il est sûr qu'un «effondrement du pouvoir en Egypte déstabiliserait l'Afrique du Nord et aurait un impact sur les cours de l'énergie et cela pourrait constituer un défi pour l'économie en 2011». C'est cela, sans doute, qui explique la prudence des diplomates aussi bien arabes qu'occidentaux. On verra plus clair demain. Abdelouahed Kidiss Lire spécial en p 3 et 4