Malgré la baisse du nombre des cas enregistrés des femmes battues entre 2008 et 2009, la violence fondée sur le genre garde toujours son essence. Selon le 2ème rapport de l'Observatoire marocain des violences faites aux femmes, l'agression psychologique, corporelle et sexuelle ainsi que la menace d'assassinat sont les formes de violence qui trouvent un terrain fertile dans notre société. Le rapport, le second du genre, fait montre de la proportion inquiétante que prend la violence fondée sur le genre. La gangrène des stéréotypes sur la femme, réconfortée par l'absence d'un cadre juridique qui la prohibe, favorise, de facto ce phénomène. En 2009, 26077 actes de violence, tous types confondus (physique, juridique, sexuel, économique et psychique), ont été perpétrés sur 4044 femmes, soit un taux de 6 faits d'agression différente exercée sur chacune des femmes. L'on peut déjà souligner qu'à ce niveau une baisse importante est remarquée comparativement à l'année 2008 (34242 cas). N'empêche que cet indice dégage le voile sur une réalité toujours dure qu'est la résistance de la violence du genre. Ceci, tout en sachant, que les cas non recensés sont plus importants, vu que peu de femmes osent encore dénoncer la violence surtout celle à caractère conjugal ou au sein du foyer familial. La violence prend pour principales victimes (les femmes âgées entre 18 et 40 ans 70% des cas recensés. Les mariées représentent 55,32% des cas, suivies par les mères célibataires (29,9%.) La violence fondée sur le genre n'a pas de limites. Elle touche tous les profils des femmes mais à des proportions différentes. Le rapport fait ressortir que les femmes analphabètes sont la principale cible de violence (27,61%). Plus les femmes sont avancées dans le niveau scolaire, moins elles sont victimes de la violence. En effet, les femmes battues à niveau scolaire primaire sont de 22,33% des cas recensés, le secondaire (19,19%), le lycée 14,22% et le supérieur (6,65%). L'agression sur le genre est aussi synonyme de fragilité économique de la femme, explique le rapport. La dépendance financière de la femme la rend plus exposée à la violence. Les femmes au foyer constituent ainsi le plus grand nombre des victimes (43,62%), talonnées par celles en chômage (16%). Par contre, les femmes qui travaillent représentent 13,67%. Si les actes de violence sur le genre sont nombreux et divers, celui psychologique est classé au premier rang avec un nombre de 13174 cas. Cette forme de violence a augmenté par rapport au chiffre de 2008(9741 cas). L'on constate, par ailleurs, la recrudescence remarquable de la menace d'assassinat à l'encontre des femmes (1064 cas).En 2008, elles étaient 549 cas à l'avoir déclaré. La violence physique se situe au deuxième rang (5539). Les statistiques recueillies par les centres d'écoute montrent par, ailleurs, que la violence sexuelle est aussi de mise quoi qu'elle se positionne en dernier (1282cas). Le tabou qui enveloppe ce genre de violence n'encourage pas les femmes à le dénoncer. Par ailleurs, Le rapport démasque pour la première fois le viol conjugal qui représente 170 cas de l'ensemble de la violence sexuelle. Impact à plusieurs degrés La violence fondée sur le genre a, de prime abord, des conséquences dramatiques sur l'intégrité corporelle. 47 femmes battues sont devenues invalides. La violence fondée sur le genre entraîne, par ailleurs, la transmission des maladies sexuelles (80 cas).L'avortement constitue aussi l'une des répercussions de l'agression physique sur la femme (53 cas). L'impact est également d'ordre économique et touche la stabilité de la famille et des enfants. Ainsi, 33,01% des cas recensés perdent leur domicile conjugal.38, 7% des femmes doivent faire face seule aux dépenses quotidiennes de leur famille. L'impact social de la violence est aussi important. 32,6% des femmes victimes sont condamnées à l'isolement. La grossesse non désirée constitue également l'un des résultats de la violence (18,73%). Les enfants se trouvent, par voie de conséquences, victimes de la violence exercée à l'encontre de leur mère. 20,62% enfants souffrent de l'instabilité familiale. Les séquelles sur leur scolarité sont non des moindres. Ainsi, 14,65 enfants sont exposés à l'échec et 8,51% des cas à la déperdition scolaire. Le rapport a présenté une série de recommandations afin de stopper la violence fondée sur le genre. Il appelle, entre autres, à l'intégration de la lutte contre la violence du genre dans les politiques publiques, l'harmonisation de la législation marocaine avec les dispositions de la Convention internationale de lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes (CEDAW), l'affectation d'un budget au programme de lutte contre cette violence. Sur le plan juridique, l'observatoire appelle à la mise en place d'un cadre juridique spécifique à la violence fondée sur le genre et la réforme du code pénal. Violence contre les femmes Le crime le plus répandu et le moins puni En temps de guerre comme de paix, les viols et violences sexuelles restent le plus souvent impunis à travers le monde, dénoncent mardi les Nations Unies, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence contre les femmes. «La violence contre les femmes est le crime le plus répandu et le moins puni à travers le monde», a déploré la directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), Thoraya Ahmed Obaid. Une analyse partagée par la Haut Commissaire auxdroits de l'homme, Navi Pillay, pour qui les viols en temps de guerre sont encore «manifestement négligés par tous les acteurs». «Le viol est un crime qui doit être puni et ce aux yeux de tous, si l'on veut mettre fin au cycle de la violence sexuelle», a-t-elle ajouté. Elle a aussi fustigé l'impunité qui protège les hommes contre les sévices infligés aux femmes en temps de paix. «Dans certaines sociétés, les hommes savent parfaitement que s'ils battent, blessent ou même tuent leurs femmes ou leurs filles, ils ne seront pas jugés», a-t-elle déploré. Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dans un message à l'occasion de la Journée, souligne que « le nombre effectif de cas de violence sexiste commis est bien supérieur au nombre d'infractions signalées », en partie parce que « le viol suscite le mépris » et parce que dans certains cas les femmes seront punies deux fois, une fois par le viol, une fois par le système judiciaire qui les accusera «faussement de crimes d'adultère». Ban Ki-moon a mis en lumière aussi l'âge des victimes : une victime sur trois qui porte plainte en Haïti a moins de 13 ans, au Libéria la majorité des cas concerne des filles de 12 ans et même certaines de moins de 5 ans. La violence contre les femmes, souvent sous-estimée, est rarement punie. Les femmes et les fillettes subissent des violences de façon disproportionnée, en temps de paix comme en temps de guerre. Ces actes peuvent être le fait de l'Etat, du groupe social ou de la famille. Le droit de vivre à l'abri de la violence est un droit humain fondamental. De son côté, l'actrice Nicole Kidman, ambassadrice itinérante de l'UNIFEM, était présente lors d'une conférence de presse à New York. En réponse à la question d'une petite fille écrivant pour le journal de son école, elle a espéré que cette Journée serait l'occasion pour les enfants et parents de tous âges de réfléchir aux diverses formes que pouvaient prendre les comportements abusifs contre les femmes. Pour sa part, le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) a annoncé le financement de 23 projets dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes pour un montant de 19 millions de dollars. Le total des fonds alloués à de tels programmes a quadruplé depuis l'année dernière et il s'agit donc d'une tendance très encourageante, selon la directrice exécutive de l'UNIFEM, Inès Alberdi, qui a estimé que la campagne lancée par le Secrétaire général, «Unis pour mettre fin à la violence contre les femmes» [UNiTE to End Violence against Women] a créé un élan. Mais les fonds peinent encore à répondre à la demande : les demandes de bourses se sont élevées à 525 millions de dollars cette année, notamment pour des projets dans les pays en développement et dans ceux où la violence sexuelle est devenue une arme de guerre.