Cheikh Imam est l'un des plus populaires chanteurs arabes dans le monde arabe. Militant engagé, il a choisi la musique pour dénoncer les injustices, le sionisme et dictature. Durant deux décennies, Cheikh Imam a représenté le parfait chanteur engagé, martyr intransigeant de la gauche arabe souvent marxiste et massivement antisioniste. Le prolongement par l'exil plus ou moins volontaire de cette contestation en France fera connaître Cheikh Imam aux milieux de la gauche française notamment. Cheikh Imam ‘Issa est né le 2 juillet 1918 dans le village d'Abu Namrs (Gouvernorat de Ghizeh) en Haute Egypte, d'une famille très pauvre. Il perdit la vue à l'âge d'un an. Très tôt, il rejoignit l'orchestre du village en raison de la beauté de sa voix. En 1930, titulaire d'une bourse de l'Université islamique, il se rendit au Caire pour y poursuivre des études de théologie à Alazhar, mais il ne tarda pas à se révolter, refusant les cours qu'il considérait comme abstraits, à mille lieues de la situation misérable que vivait le peuple arabe égyptien sous l'occupation anglaise. Devant ses absences répétées, il fut exclu de l'université, ce qui suscita la colère de son père qui le renia. Sans abri, sans famille, il connut la faim et le vagabondage jusqu'au jour où il apprit qu'il avait des parents dans le quartier de Ghouriya. Il les rejoignit et vécut dans une chambre sur la terrasse. Dans ce quartier populaire, Cheikh Imam se mit à l'école et étudia les racines de la musique de cette époque : Ali Mahmoud, Mahmoud Sabih, Hariri. En 1945, Cheikh Imam exerça la profession de chanteur ; très talentueux, sollicité pour les fêtes et les anniversaires, il lui fut conféré le titre d'«espoir de la radio-télévision». En 1962, il rencontra le poète Ahmad Fouad Nejm et tous deux vécurent une épopée artistique d'avant-garde dont les premiers fruits furent des chansons qui traduisaient la situation des masses populaires, incitaient à refuser l'oppression et à œuvrer pour des lendemains meilleurs. Ils furent en butte à des tentatives de récupération et de séduction, et devant l'échec de ces méthodes de séduction, en 1969, on les mit en prison jusqu'à la fin de 1971 ; jusqu'en 1979, ils firent plusieurs séjours en prison où ils composèrent les plus belles de leurs œuvres. Cheikh Imam et Nejm purent ensuite quitter l'Egypte pour se rendre en France, puis dans de nombreux pays où ils présentèrent une série de récitals, invités par les forces militantes et démocratiques dans ces pays. Le 6 juin 1995, Cheikh Imam mourut après un long combat contre la maladie. Cheikh Imam reste vivant 6 juin 2007 : douze ans se sont écoulées depuis la mort de l'immense artiste qu'a été Cheikh Imam ‘Issa. Il a laissé à ses admirateurs une multitude de chansons engagées, marquées par leur soutien à la patrie et la liberté, miroir qui reflétait les soucis, les peines, les espoirs de l'ouvrier, du paysan, du soldat, cri de protestation contre l'injustice sociale, la corruption galopante, le pillage de l'argent public, la mainmise de tel roi ou tel président sur son pays, transformé en propriété privée. Les chansons de Cheikh Imam, mêlant les techniques artistiques,-ironie, mélodie pathétique et raffinée, parole percutante,- s'adressent d'emblée au cœur et à l'esprit de tous les gens libres dans le monde, qui les reprennent à l'occasion des luttes étudiantes, syndicales, politiques. Malgré le blocus qui leur était imposé à son époque, les enregistrements de Cheikh Imam, considérés comme interdits, circulaient dans la clandestinité et celui qui en détenait risquait d'être arrêté, interrogé et jugé, tout comme l'avait été Cheikh Imam. Mais l'aveugle à l'allure frêle se mua en colosse de pierre sur lequel vinrent se briser toutes les tentatives de séduction et d'intimidation, au cours des longues années qu'il passa dans les ténèbres des prisons, en compagnie de son élève et ami, le poète Ahmed Fouad Nejm, auteur des textes de la plupart de ses chansons. A la fin des années 80, Cheikh Imam fut libéré et avec lui, ses chansons. Il y eut la deuxième Intifada, la guerre contre l'Iraq et les manifestations dans le monde dénonçant «le nouvel ordre mondial» et son cortège de souffrances et de dégâts sociaux, économiques et culturels. Avec le retour du mouvement mondial de protestation, l'espoir est revenu et Cheikh Imam, en tant que phénomène artistique, connaît un regain d'intérêt. Ses admirateurs organisent toujours des cérémonies annuelles pour commémorer sa mort et certains groupes engagés sont repris leur activité et suscité de nouveaux groupes, telle «la troupe Al ‘Ouda» (1) qui suit chemin tracé par Cheikh Imam et d'autres grands noms de la chanson. Que se passerait-il si les chansons de Cheikh Imam ‘Issa et celles des autres artistes et groupes engagés, bénéficiaient des mêmes conditions que celles des « stars » ? On peut se poser la question.... (1) « Le Retour », groupe musical tunisien. (ndt)