En une année, la Confédération générale des entreprises du Maroc a réussi de se hisser aux niveaux des attentes du patronat. Ce dynamisme, initié avec l'élection de Mohamed Horani à la tête de l'organisation patronale, s'est traduit aussi bien par la réorganisation interne de la CGEM que celui du renforcement du partenariat avec les pouvoirs publics qui est devenu selon les terme de Horani lui une partenariat exemplaire, sans confrontation ni complaisance. En atteignant l'âge de maturité, la CGEM est, ainsi, appelé à tirer vers le haut le patronat marocain. Pour faire le point sur une année de pleine activité, le patron des patrons, Mohamed Horani, a accepté de se livrer à Al Bayane. Le bilan est très positif, estime notre interlocuteur, arguments à l'appui. Al Bayane : Au mois de mai 2009, vous avez été élu à la tête de la Confédération générale des entreprises du Maroc. Quel est le bilan ? M. Horani : Effectivement, ça fait un an que j'ai été élu à la tête de la CGEM. C'est une année pleine d'activités. Si je dois faire un bilan, je peux vous dire qu'on a travaillé sur plusieurs dossiers allant de la gestion de la crise à travers le Comité de veille stratégique jusqu'aux stratégies sectorielles dont le dernier en date concerne le contrat de la logistique signé avec le ministère de l'Equipement et du Transport. Evidement, il serait difficile de dresser, très rapidement un bilan exhaustif car il y a beaucoup de chose à dire. Néanmoins, on peut survoler les principales réalisations durant cette année. Dès le départ, notre volonté était de ne pas arrêter la marche normale de la CGEM y compris au cours des premiers jours de notre élection. Des engagements étaient déjà pris et il ne fallait pas les arrêter. A peine arrivé à la tête de la CGEM, il y avait des réunions avec le Medef, le patronat français. Il y avait également d'autres délégations étrangères en visite au Maroc qu'il fallait recevoir. Quelques semaines après, on a participé à un événement sur l'innovation, organisé par la CGEM en partenariat avec le ministère du Commerce et d'Industrie. En parallèle, il fallait constituer les équipes, former les commissions et désigner leurs présidents. Il fallait également nommer les vice-présidents de la CGEM et compléter la liste des membres du conseil d'administration par des membres co-optés. Il fallait aussi impliquer les Unions régionales dans ce dynamisme. Alors un travail d'organisation énorme a été accompli grâce à l'implication de toute l'équipe que j'ai eu la chance d'avoir autour de moi. Il faut également rappeler que dès le mois de juin, il y avait des réunions avec le ministère de l'Economie et des finances inscrites dans le cadre de la préparation de la loi de finances 2010 qui a permis de mettre en place une kyrielle de mesures en faveur de l'entreprise. Puis, il ne faut pas oublier toutes les activités internationales auxquelles nous avons pris part. Bref, je peux vous dire que c'était une année pleine à l'image du dynamisme de l'économie marocaine. Plus l'économie nationale est dynamique, plus le rôle du patronat l'est aussi dynamique. Sinon encore plus. Le patronat est appelé à jouer un rôle d'accélérateur de ce dynamisme d'autant plus qu'on a tant de points de PIB à rattraper et de temps à perdre. Mais globalement, je pense que le bilan est très positif. Pour aller un peu plus dans les détails, le fer de lance de la nouvelle direction a été la nouvelle organisation de la CGEM. En quoi cela a-t-il été tant extraordinaire? Pour commencer, le changement est palpable, au niveau même du choix des commissions. Effectivement, à côté des commissions que nous avons reconduites, qui sont la commission fiscale, la commission Droit, et de la commission Economie, on a mis en place d'autres nouvelles. Il s'agit de celle du Commerce extérieur qui a été mise en place pour contribuer à solidifier notre économie d'autant plus que s'il y a vraiment une fragilité au Maroc, ce n'est pas seulement au niveau de sa balance commerciale mais aussi de sa balance de paiements. On a également créé la commission Innovation et relation avec l'Université. Il y avait avant une commission formation qui regroupait aussi bien le volet formation de base que le volet formation professionnelle. On a scindé cette commission en deux. La deuxième commission est celles de la formation professionnelle qui a fait un travail colossal. Aujourd'hui, on est en train de régler définitivement la question des contrats spéciaux de formation. On s'est mis d'accord sur une nouvelle formule que le conseil d'administration de l'OFPPT vient de voter. C'est un grand acquis qu'on peut énumérer dans le cadre de ce bilan. Evidemment, il y a des commissions auxquelles on a changé de noms pour marquer la nouvelle orientation. La commission Lutte contre la corruption est devenue, ainsi, Commission Ethique et déontologie. Car au-delà de la lutte contre la corruption, il y a également d'autres aspects comme la concurrence loyale et le respect des droits des travailleurs. Il y a également la commission protection de l'environnement devenue la commission développement durable. Bref, on a essayé de reconstituer ces commissions de telle manière qu'elles cadrent avec notre programme. Mais la grande nouveauté concerne l'organisation du bureau de la CGEM. Les vice-présidents ont désormais un rôle et chacun d'eux s'occupe d'un pôle bien spécifique. Il s'agit de pôles dynamiques à savoir le Pôle relations internationales, le Pôle Dynamisation de la PME, le Pôle Développement de l'investissement, le Pôle Vision CGEM 2020, le Pôle Développement durable, le Pôle de la Compétitivité et de la Croissance, le Pôle Responsabilité Sociale de l'Entreprise et le Pôle Environnement de l'Entreprise. Il y a également le pôle Développement régional que nous avons mis en place avant le discours de SM le Roi sur la régionalisation et qui traduit notre conscience de l'importance de l'aspect régional dans les activités des entreprises. Il faut que toutes les régions du Maroc participent à ce mouvement de développement de notre économie car on ne peut pas gérer tout à partir de Casablanca ni concentrer tout dans l'axe Casablanca - Kénitra ou même El Jadida - Kénitra. Quel est l'objectif recherché à travers la mise en place de cette nouvelle structure, notamment dans le cadre des Unions régionales ? Le but étant de dynamiser un peu plus les Unions régionales et également d'organiser le travail en commun en permettant le transfert des bonnes pratiques d'une union régionale à une autre. Il y a des expériences qui donnent des résultats satisfaisants dans une union, alors pourquoi ne pas les dupliquer dans les autres unions régionales ? On peut également imaginer que deux ou plusieurs unions peuvent coopérer sur un sujet ou plusieurs qui les intéressent pour la création d'une synergie féconde. On a essayé, ainsi, de développer un découpage double. En même temps que le découpage sectoriel, décliné à travers les fédérations, on a un découpage régional à travers les unions régionales. Nous cherchons à parvenir à mixer les deux pour pouvoir être efficace au niveau de notre plan d'action. Au cours de l'année passée à la tête de la CGEM, comment évaluez-vous le partenariat public-privé ? Je peux vous dire que nous avons un partenariat exemplaire basé sur la confiance et le respect mutuel, mais aussi sur une transparence dans la répartition des rôles. Chaque partie a un rôle à jouer dans un partenariat complémentaire avec l'autre partie. Dans ce cadre, nous travaillons avec le gouvernement sans confrontation, mais aussi sans complaisance. Le partenariat qui existe entre le patronat et le gouvernement se décline ainsi à travers les différentes stratégies que nous avons mises en place. On va citer les deux les plus récentes. Ainsi à l'occasion des Assises de l'Industrie qui a été l'occasion pour dresser le bilan d'une année de travail dans le cadre du plan Emergence industrielle, qui a été signé devant SM le Roi l'année dernière, nous sommes venus, patronat et gouvernement, devant SM le Roi et quelque 1200 participants pour dire ce que nous avons pu réaliser et ce qui nous reste à faire. Le deuxième exemple concerne le contrat de la logistique que nous avons signé également devant SM le Roi et qui a été élaboré en étroite collaboration entre le ministère de l'Equipement et du Transport et la CGEM par le biais de sa commission logistique et la fédération du transport, sans oublier les autres secteurs concernés et qui ont été représentés par Hakim Marrakchi, vice-président chargé de la croissance et de la compétitivité. Bref, je peux vous dire que nous travaillons la main dans la main avec le gouvernement pour l'élaboration des stratégies mais aussi pour les mettre en oeuvre. Mais quelle est, en fait, la place de la stratégie logistique dans le développement du pays ? L'objectif ultime de cette stratégie est de réduire le coût de la logistique qui représente aujourd'hui 20% de notre PIB à 15% à l'instar des pays à développement comparable. Après, j'espère qu'on va continuer à l'améliorer pour atteindre des ratios encore plus bas, c'est-à-dire de l'ordre de 10 à 11%, à l'instar des pays développés. J'espère également qu'en réduisant le coût de la logistique, on va permettre aux entreprises marocaines de devenir plus compétitives. En même temps, cette compétitivité va être possible grâce à un certain nombre de prestations à grande valeur ajoutée qui vont, elles-mêmes, contribuer à l'accélération de la croissance du PIB. La stratégie logistique est ainsi une clé incontournable si l'on veut réussir notre croissance optimale qui tourne aux alentours de 7%. On a le potentiel pour le faire. Question : L'un des événements majeurs de cette année était sans doute le sommet de Grenade, quel a été le rôle de la CGEM dans ce sommet ? Réponse : Au sommet de Grenade, il y en a avait 2 : un sommet entrepreneurial entre les patrons de l'UE et la CGEM et un autre au niveau politique. Une délégation conduite par le Premier ministre, Abbas El Fassi, a participé au sommet politique auquel ont pris part Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen, Jose Manuel Durão Barroso, Président de la Commission européenne et José Luis Zapatero, premier ministre espagnol qui assure la présidence tournante de l'union européenne. Dans ce sommet, la CGEM a joué son rôle et le gouvernement le sien. L'accord du statut avancé prévoit la reprise progressive de l'acquis communautaire de l'UE. En quoi ce processus peut-il être bénéfique pour le Maroc ? Franchement, aujourd'hui le Maroc a osé prendre ce statut avancé qui a certainement beaucoup d'avantages mais qui nécessite énormément de préalables dont la réalisation n'est pas simple mais, pas impossible. Le statut avancé «obligera» le Maroc à se mettre au niveau des standards européens. Ça ne peut que faire du bien à notre économie. Evidement, il faut être suffisamment fort pour ne pas subir cette ouverture. Il faut être capable aussi d'en saisir les opportunités. Mais, globalement, je pense que le Maroc a plus à gagner qu'à perdre. Accéder au marché européen est une opportunité extraordinaire pour notre économie, tenant compte de toutes les stratégies que nous avons mises en oeuvre. A ce niveau, je peux dire que le Maroc a une stratégie cohérente dans le sens où nous avons des stratégies sectorielles, intégrant également la problématique des PME. Ces stratégies sectorielles sont accompagnées d'une ouverture de notre économie à l'internationale. La cohérence vient du fait qu'avec ces stratégies, nous devrons être capables de renforcer la compétitivité des entreprises marocaines et avec cette ouverture, on va leur permettre d'accéder à des marchés extérieurs mais aussi d'être capables de faire face à la concurrence internationale qui nous touchera sur notre territoire. Car évidement cet accord qui va permettre aux entreprises européennes dans différents domaines d'accéder à notre pays. Le renforcement de la compétitivité ne peut pas se faire sans l'amélioration du climat général des affaires. Qu'est ce qui a été fait à ce niveau ? Il faut reconnaître que malgré tout ce qui a été fait, cela reste insuffisant et il reste beaucoup à faire. Mais le point positif c'est qu'aujourd'hui, il y a la mise en place d'une commission dédiée à l'amélioration du climat des affaires. Cette commission est présidée par le Premier ministre lui-même, et elle comprend les ministres concernés par ce chantier, ainsi que les présidents de la CGEM, de la Fédération des chambres des services et d'industrie et du GPBM. Le plan d'action 2010 de cette commission a été focalisé sur des points extrêmement importants. Il s'agit d'abord de la simplification des procédures administratives qui nous font énormément de mal. Il y a également le grand dossier de la justice dont la réforme est un travail de longue haleine. Le plus important, par rapport à ce sujet, c'est que la volonté politique y est et qu'on est en train de travailler pour aller dans le bon sens. Nous estimons, en tant que patronat, que la principale contribution que nous pouvons avoir par rapport à la réforme de la justice, c'est de promouvoir les modes de règlement des litiges basés sur la médiation et l'arbitrage. A ce niveau, il y a un effort colossal qui a été fait par la CGEM. Tout un programme de sensibilisation a été ainsi mis en place avec, à la clé, une enveloppe de 7 à 8 millions de dirhams, destinée uniquement à la sensibilisation et à la mise en place des procédures du mode alternatif de règlement des litiges qui permettent du travail en moins pour les tribunaux. Mais c'est un travail de longue haleine et on ne se fait pas d'illusion. La question de la compétitivité se pose avec acuité aux PME. Qu'est-ce qui a été fait pour celles-ci qui représentent le gros du tissu économique dans notre pays ? La question de la compétitivité concerne principalement les PME qui représentent la masse des entreprises avec 95% du tissu économique national. C'est justement à ce niveau que nous avons des fragilités. Sous-capitalisation, faiblesse de management, implication faible à l'international, absence de Recherche&Développement et des innovations, sont autant de problèmes que connaissent les PME. Mais pousser les PME à s'améliorer et se mettre à niveau est, ainsi, un travail commun entre patronat et gouvernement. On doit travailler main dans la main pour améliorer le climat des affaires mais ça revient à la CGEM de tirer les entreprises vers le haut. Car, quel que soit le climat des affaires, l'entreprise doit être performante dans son environnement. Toujours en terme de bilan, au mois de juin dernier, on a organisé un «business opportunities» en faveur des PME, en partenariat avec l'OCP qui a consacré un budget de 5 milliards de dollars à l'investissement dont 30% ont été consacrés à des PME marocaines. L'OCP a réservé 70% de ses engagements en matière d'acquisitions de biens d'équipement et services pour des projets d'investissement inférieurs à 50 millions de DH à des PME marocaines. La CGEM a fait le lien avec les PME avec le souci de vouloir améliorer leur niveau et leur performance. On peut citer un autre exemple qui est celui des incitations fiscales pour les opérations de fusion ou absorption prévues dans le cadre de la loi de finances 2010. C'est l'occasion pour nos entreprises de se constituer en groupes plus importants. Des entreprises ont profité de cette opportunité pour fusionner. Il s'agit de Distrisoft et Matel PC mais aussi de la SNI et ONA. Il faut reconnaître que nos entreprises ne sont pas suffisamment grandes pour aller prospecter des marchés à l'étranger ou faire de la recherche & développement. Mais à plusieurs, les entreprises vont pouvoir réduire leur coût et réaliser des investissements plus utiles. Il y a également une convention-cadre qui a été signée en marge des assises de l'Industrie pour la mise en place de plates-formes de notation conventionnées entre l'Etat et les banques, dans le cadre du programme «Compétitivité des PME », et ce pour l'amélioration de l'appui et du financement des PME. Ces opérations de notation vont permettre notamment aux PME d'être jugées de manière objective par rapport à la demande de crédit ou pour bénéficier des programmes comme Moussanada ou Imtiaz. Elles ne seront plus à la merci de la bonne ou mauvaise humeur ou des relations privilégiés des décideurs. Une telle mesure a, également, l'avantage de pousser les entreprises à chercher à optimiser leur score en améliorant leur performance, leur structure, leur vision et leur stratégie qui sont autant de critères qui entrent dans le calcul de la norme. On peut évoquer également la centrale des risques qui a été mise en place depuis octobre dernier. On n'en a pas encore beaucoup parlé mais c'est un acquis important pour les entreprises qui ont intérêt à améliorer leurs scores en ayant une stratégie. Un dernier problème des PME, et non des moindres, concerne la question de la trésorerie. A ce niveau, on a récemment soulevé avec les pouvoirs publics la question des délais de paiement. La réglementation des délais de paiement est indispensable pour permettre aux entreprises de se consacrer sur leur «corps business» au lieu de gaspiller leur énergie pour gérer leur trésorerie. Le gouvernement a répondu immédiatement à notre demande en nous faisant une proposition que nous sommes en train d'étudier à la CGEM. Au cours de cette année, les négociations pour la libéralisation des services ont franchi un pas important. Quelle est votre évaluation de ce processus ? Au mois de mars dernier nous avons présenté, comme prévu, notre vision sur le sujet au ministre du Commerce extérieur, Abdellatif Maazouz. Sur cette base, nous allons continuer les négociations en cours actuellement. On prévoit d'arriver de boucler les négociations vers la fin de l'année 2010. Mais je ne sais pas si c'est vraiment possible d'autant plus que nombre de questions n'ont pas encore été tranchées. A Grenade, j'avais attiré l'attention, dans mon discours lors du Sommet Maroc-UE, sur le problème de la mobilité des personnes. Car comment voulez-vous libéraliser les services si on est soumis à la merci d'un visa pour aller les livrer en Europe au moment où le problème ne se pose pas pour les ressortissants de l'Union européenne. Je ne dis pas qu'il faut supprimer le visa, mais il faut trouver une solution pratique. Concernant l'accord agricole, on a demandé à ce que son entrée en vigueur soit accélérée. On est en train de pousser pour que cela avance rapidement. Mais le plus important, à mon avis, c'est qu'à un moment donné, on a pris conscience, à la CGEM en particulier, que la libéralisation des services a un impact sur l'ensemble des secteurs économiques du pays. Paradoxalement, la plupart des dirigeants des entreprises n'étaient pas conscients des enjeux de la libéralisation des services et ne savaient même pas, parfois, de quoi il s'agissait. Pour renverser la vapeur, on a créé une cellule permanente au sein de la CGEM dédiée à ce dossier et, surtout, on a fait appel à un expert pour faire de la sensibilisation sur les enjeux de la libéralisation des services. Un travail d'écoute a également été effectué constituant, ainsi, une vision qui a été communiquée au ministère du Commerce extérieur. Quels sont les secteurs les plus fragiles et ceux qui le sont moins, et peut-on dire que le secteur bancaire est à l'abri de la concurrence étrangère ? On ne peut pas, préalablement, faire la distinction entre un secteur et un autre. Tout est important et doit être négocié avec intérêt. Même en ce qui concerne le secteur bancaire, dont on peut être fiers, on doit faire très attention pour bien négocier les conditions de l'ouverture même si nos banques sont très bien organisées très performantes et ont une présence internationale remarquée notamment en Afrique. Mais globalement, nous pensons à la CGEM que nous avons plus à gagner qu'à perdre dans cette ouverture.