C'est aujourd'hui à Rabat qu'aura lieu le lancement officiel du Programme «Archives, Histoire et Mémoire», une recommandation de l'Instance Equité et Réconciliation (IER). L'événement sera présidé par Ahmed Herzenni, président du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) et Eneko Landaburu, Chef de la Délégation de l'Union Européenne au Maroc, qui finance ce programme par une enveloppe de 8 millions d'Euros. La démarche européenne est d'«accompagner le processus de transition démocratique et de renforcement de la démocratie et des droits humains». Le programme sera décliné lors de l'organisation de trois tables thématiques sur les axes : Archives, Histoire et Mémoire. Selon le CCDH, ce Programme se caractérise aussi par l'approche genre qui permettra de faire participer les hommes et les femmes aux mécanismes de décision et aux activités». Ces trois questions - épineuses, mais surmontables tant que la volonté politique existe – contribuent en fait à la réparation des préjudices, à la réconciliation du Maroc avec son passé et représentent également un moyen d'éducation et de connaissance pour les générations passées et à venir. Il est vrai que durant ce que l'on a pris l'habitude d'appeler communément «années de plomb», le peu de textes historiques consacrés aux violations des droits de l'homme, entre 1956 et 1959, ne permettent pas une appréciation globale et objective. Pas plus que les articles de journaux, souvent sectaires et donc ignorant totalement bien des cas politiques d'atteinte aux droits de l'homme.Certes, les archives publiques, notamment du Ministère de l'Intérieur peuvent être d'un grand secours. Mais un travail en profondeur devra se poursuivre afin qu'il soit le plus complet possible. Les témoignages publics de 2004 sont encore en mémoire pour redire l'intérêt suscité au niveau de l'opinion publique nationale et internationale. Il faudra, cependant, que la démarche soit marquée par la confrontation des témoignages contradictoires et le recours à des historiens et à des politiques qui n'ont aucun conflit d'intérêt pour que seule la vérité puisse jaillir. Il est évidemment souhaité que l'occasion du lancement de ce programme puisse être exploitée pour poursuivre le travail déjà entamé sur les cas de disparitions forcées non encore élucidées. Nul doute que les acteurs associatifs intervenant sur la question des droits de l'homme seront associées dans cette œuvre qui ne manquera pas de conforter les avancées du Maroc dans ce domaine très crucial. Le point de vue des ONG humanitaires suUne «initiative salutaire» à compléter : Une «initiative salutaire» à compléter Le Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH) lancera à partir d'aujourd'hui à Rabat son programme «Archives, Histoire et Mémoire», une initiative salutaire mais jugée insuffisante. Selon l'AMDH et le Forum Vérité et Justice, l'Etat doit respecter ses engagements en mettant en œuvre les recommandations de l'IER. Tout en saluant cette initiative, Khadija Riyadi, présidente de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH), estime que l'Etat doit honorer ses engagements en mettant en œuvre les recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (IER). « Nul doute que les débats, les colloques et le fait de faire participer les hommes et les femmes dans la question de la mémoire et des archives liée aux droits de l'Homme sont importants, seulement, nous avons les recommandations de l'IER qui sont plus concrètes et qu'il faut mettre en application. Cela requiert une réelle volonté politique », souligne la présidente de l'AMDH. L'AMDH estime, à ce propos, que la question des droits de l'Homme au Maroc et la volonté de clore définitivement le dossier des violations des droits de l'Homme requièrent des mesures politiques et juridiques tangibles, notamment en matière d'accès aux archives, la préservation des lieux de détention qui doivent garder la mémoire de ce qui est arrivé dans le passé et la mise en place des garanties pour ne plus reproduire les mêmes violations. Toujours sur le même registre, Khadija Riyadi rappelle que plusieurs dossiers sont toujours en suspens et que beaucoup reste encore à faire en la matière à part l'indemnisation matérielle. « Le fait que le CCDH annonce, dans son rapport final de janvier 2010, avoir tout réglé, est une tentative de se dérober de ses engagements en matière de la mise en œuvre des recommandations de l'IER », fait-elle remarquer. Dans la même optique, K. Riyadi met l'accent sur les principales réformes recommandées dans le cadre de l'IER et qui sont toujours en instance. Il s'agit, de prime abord, de la réforme constitutionnelle et de l'harmonisation de la législation nationale avec les dispositions des conventions internationales des droits de l'Homme. «La révision de la constitution devra garantir la non répétition des violations des droits de l'Homme et la souveraineté des conventions internationales sur le droit marocain». L'abolition de la peine de mort est aussi à l'ordre du jour dans le registre des droits de l'Homme. L'adhésion du Maroc au Statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale est aussi souscrite dans les recommandations de l'Instance. L'IER exhorte l'instauration de la bonne gouvernance en matière de sécurité et le droit d'accès à l'information. Tout en mettant l'accent sur la portée positive de cette initiative, Me Sebbar, membre du Forum Vérité et Justice souligne, de son côté, qu'elle intervient dans un contexte marqué par l'absence d'une loi moderne sur les archives. « Il aurait été plus judicieux que le CCDH, chargé de mettre en application les recommandations de l'IER, prépare un projet de loi sur la question des archives. Le ministère de la Culture a fait passer un projet sur le sujet mais les décrets d'applications sont toujours inexistants. Notons aussi que le plus dangereux dans ce texte, ce sont les délais trop longs qui y sont prescrits.», précise Me Sebbar. Pour lui, ce travail de mémoire entrepris par le CCDH ne doit pas rester isolé mais il doit être réalisé en concertation et avec l'implication de la société civile et des victimes des violations. « Le travail de mémoire intéresse, certes, les historiens et les sociologues. Mais, il nécessite aussi l'adhésion de la société civile et des victimes des atteintes aux droits de l'Homme. La mémoire constitue le passage à l'histoire », note-t-il. Et de conclure que la recette de la transition d'un Etat de répression à celui démocratique implique la combinaison de deux facteurs : celui de la restitution de la mémoire et de la mise en application des réformes politiques et juridiques telles que recommandées par l'IER. « On ne peut pas rétablir la mémoire sans déclencher, en parallèle, la mise en œuvre des recommandations de l'IER. L'un est tributaire de l'autre ». Soumia Yahia Le CCDH se concerte avec les acteurs associatifs : Lutte contre la traite des personnes Le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) a tenu lundi 4 Octobre à Rabat au siège du CCDH, une rencontre de concertation avec les acteurs de la société civile sur le phénomène de la traite des personnes. Cette rencontre, qui fait suite à une première réunion tenue en septembre par le Conseil avec les secteurs gouvernementaux et les institutions nationales concernées, s'inscrit dans le cadre de la finalisation d'un projet d'étude que prépare le Conseil sur le phénomène de la traite dans le cadre de la mise en œuvre de ses prérogatives dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l'Homme. La première mouture du projet a été présentée lors de la dernière session du Conseil, tenue en juillet dernier. Cette étude a permis l'implication des différents acteurs gouvernementaux, institutionnels, politiques et de la société civile. Ainsi lors de cette rencontre, les participants ont approché le thème à travers différents axes : les données et les informations disponibles sur ce phénomène au Maroc à travers les documents et les études publiées par les organes gouvernementaux, non gouvernementaux, et les institutions et organisations internationales et, enfin, les dispositions législatives adéquates à même de lutter contre ce phénomène, en prenant en considération les engagements internationaux du Maroc en vertu des conventions internationales spécifiques à la traite des personnes d'un côté, et les conventions internationales relatives aux droits de l'homme d'un autre. La rencontre s'est également penchée sur le rôle des ONG dans la lutte contre ce phénomène, mettant en exergue les orientations les plus adéquates en matière de coordination entre les acteurs dans la perspective d'achever cette étude. Sur l'agenda du CCDH, la traite des personnes est inscrite en lettres rouges. Dans le cadre de la préparation de cette étude, le conseil a participé à plusieurs rencontres internationales sur la question de la traite des personnes et a pris connaissance des expériences réussies et des bonnes pratiques dans le domaine. Il a ainsi étudié les conventions internationales relatives à la question et considéré les statistiques et données existantes. Meryem Salmi