La rentrée scolaire s'ouvre sous de mauvais auspices. C'est ce qui ressort des déclarations des professionnels du secteur. «Comment puis-je remplir ma mission dans une classe avec 40 élèves », déclare un professeur des SVT à Casablanca. Le constat est d'autant plus amer que la réalité sur le terrain est on ne peut plus explosive et le terme n'est point exagéré «gérer une classe avec un tel nombre devient pour moi un vrai calvaire et cela se répercute négativement sur la qualité de l'enseignement». Il s'avère, cependant, qu'en dépit des efforts fournis par le ministère de l'éducation nationale pour l'extension de l'offre scolaire, le problème de l'entassement des classes se pose avec acuité. Les chiffres des récentes statistiques du ministère sur le dispositif de la rentrée scolaire indiquent, entre autres, que l'infrastructure scolaire a été renfoncée par la construction de 359 nouveaux établissements dont 125 écoles primaires, 145 collèges et 89 lycées. Le département d'Ahmed Akhchichine fait savoir que le nombre total des enseignants s'élève à 217.336 dont 125. 357 enseignants du primaire. Mais au-delà du langage des chiffres, la rentrée scolaire est empreinte cette année par des problèmes jugés graves par Abdelaziz Ioui, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement (FDT) : « Tout le monde est d'accord sur le fait que la qualité de l'enseignement dans l'école publique ne cesse de se détériorer » affirme Ioui dans une déclaration à Al-Bayane. Et pour cause, le système scolaire accuse un déficit de 5000 enseignants, souligne-t-il. Casablanca, à elle seule, a un déficit estimé à 1000 professeurs dans le secondaire qualifiant et 600 dans le secondaire collégial. En fait, le ministère a procédé à l'extension de son offre et le redéploiement des ressources humaines sans réfléchir à se doter de ressources compétentes. Pire, l'actuelle année scolaire a été marquée par l'annulation de certaines matières dans le tronc commun, comme c'est le cas pour la matière de philosophie. Combler le déficit constaté au niveau des professeurs dans certains lycées est une mesure jugée prioritaire par le ministère qui a fait appel à des enseignants du primaire ayant passé des années dans ce cycle. Cela dit, cette intégration s'est faite directement sans procéder à une formation d'adaptation ne serait-ce que sur le plan des techniques pédagogiques. Ce constat est largement partagé par Abdelmajid Al-Gharsse, membre du secrétariat national de la Fédération nationale de l'enseignement (UMT). Pour lui, l'annulation de la répartition des groupes pour certains niveaux scolaires a contribué à l'augmentation des effectifs dans les classes : « On ne peut point parler de la qualité d'un enseignement fiable, alors qu'on se retrouve avec plus de 46 élèves dans certaines écoles», signale Al-Gharsse. Il affirme par ailleurs que «cela entrave la concrétisation des objectifs du programme d'urgence de la réforme de l'enseignement ». Parmi les points soulignés par Al-Gharsse, celui des conditions matérielles du corps des enseignements. Une réforme en bon et due forme de l'enseignement est tributaire en prime abord de l'amélioration de la situation des enseignants à l'instar d'autres secteurs, note ce syndicaliste, tout en mettant l'accent sur le fait que l'accord signé avec Habib El Malki, ex-ministre de l'éducation nationale, en 2007 est toujours en stand-by. Quant au chiffre dévoilé par le ministère, celui de 1,6 million de jours de formation continue, Abdelaziz Ioui a indiqué que le plan de formation établi par le ministère ne répond pas aux nouveautés pédagogiques. Il poursuit en affirmant que «la plupart des formations restent formelles et ne répondent pas aux besoins des enseignants, parfois même les formateurs ont besoin eux mêmes d'être pris en charge». Ce cas de figure peut s'appliquer que ce soit au niveau de la formation principale ou continue a confirmé notre interlocuteur. Reste à savoir que des millions de dirhams sont dépensés dans la formation. Dans le même ordre d'idées, Abdlemajid Al-Gharsse nous a confirmé que, l'année précédente, plusieurs professeurs ont contesté les contenus de la formation, certains ont même observé une grève déplorant le caractère misérable des programmes destinés à ce volet. Il reste que le ministère n'a pas encore réagi de manière officielle à tous ces signaux qui viennent du terrain. La sortie du ministre de l'Education Nationale est plus qu'attendue. Il devra particulièrement révéler les mesures d'ajustement préconisées par son département afin de rattraper ce genre de déficits, qui se sont accumulés, par ailleurs, des années durant. Une rentrée scolaire peut certainement en cacher une autre.