Auteur à succès traduit en plusieurs langues, Lotfi Akalay a prêté sa plume à moult thèmes. Pour assurer sa croûte quotidienne, il fait dans le tourisme. Profil d'un écrivain touche à tout. Un électron libre. C'est ainsi que se définit l'auteur des Nuits d'Azed, d'Ibn Batouta, prince des voyageurs et des Nouvelles de Tanger. A 66 ans, Lotfi Akalay n'a pas d'autre patron que lui-même puisqu'il a toujours eu une aversion envers toute forme d'autorité ou de hiérarchie. Il n'apprécie pas l'ambiance qui règne dans tel ou tel hebdomadaire; il claque la porte. On lui censure tel passage d'un article, jugé irrévérencieux, il démissionne en faisant savoir haut et fort son mécontentement. Sa taille et sa corpulence modestes ne l'empêchent pas d'user de sa langue acérée contre l'injustice et de sa plume vengeresse contre l'ingratitude des hommes. Parcours Il suffit de partager un moment avec ce Tangérois au brillant parcours et de l'écouter pour deviner que sa plume n'a d'égal que son verbe haut. Entre Al Bayane du temps de feu Nadir Yata et Jeune Afrique de Béchir Ben Yahmed, en passant par la Vie Economique, Femmes du Maroc et Charlie Hebdo, Lotfi Akalay a prêté sa plume à tous les sujets. Selon lui, il n'y a pas plus de sots sujets dans le journalisme que de sots métiers et il relate avec fierté des articles traitant de l'assainissement urbain ou l'éclairage public que d'autres auteurs de son calibre n'auraient jamais condescendu à aborder au nom de l'ego. A propos de son passage au sein de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, qui a récupéré de façon fort controversée l'incident des caricatures, l'auteur s'explique en apportant une nuance entre la vieille garde dont il a fait partie, et dont plusieurs ne sont plus de ce monde, et le changement brutal de la ligne éditoriale sous Philippe Val, «devenu un porte-parole du sionisme» pour reprendre sa formule. Dans un autre ordre, on lui a fait savoir que sa carrière, ne serait-ce qu'au niveau de la sécurité financière, aurait pu prendre une autre dimension s'il avait jugé utile de s'établir à Rabat ou à Casablanca plutôt que de demeurer à Tanger. Réponse au style direct: «Peut-être est-ce parce que je manque d'ambition, en bon tangérois». Toutefois, il faut chercher ailleurs la motivation puisque, d'après lui, il existe deux catégories d'écrivains: ceux qui s'adressent à un public et ceux qui s'adressent à des clients, histoire de bien indiquer que son public demeure son principal capital. Mais il précise qu'il s'attache beaucoup plus aux Tangérois qu'à la ville en tant que telle. Avec les premiers, il parle de relation d'amour, et avec ceux qui viennent d'ailleurs et qui ont peuplé la capitale du Détroit, il évoque un «respect». Dans cette même ligne, il soutient que la question de savoir si les chantiers en cours que connaît la région et qui se traduisent par un exode massif ne risquent pas d'affecter l'âme de la médina, ne revêt pas un caractère prioritaire et qu'il ne conviendrait d'aborder le sujet qu'une fois que les Tangérois auront le ventre plein. La loi de l'estomac a préséance sur celle de l'urbanisme et des plans d'aménagement, reconnaissant toutefois que plusieurs changements ont été apportés dans le bon sens. Episode Lotfi Akalay s'attarde également sur la principale figure historique de la ville: Ibn Batouta, à qui il a consacré un livre en hommage à tout ce qu'il représente pour Tanger et pour le Maroc. Un épisode sur lequel il s'attarde en rappelant le peu d'empressement manifesté par les autorités pour l'organisation des festivités marquant dignement le 700ème anniversaire de la naissance du grand voyageur, en 1304. Il affirme avoir été l'inspirateur des célébrations après qu'il ait usé de ses relations personnelles auprès d'un conseiller du Roi Mohammed VI. C'est ainsi, d'après lui, que des consignes ont été données pour que tout soit organisé dans les règles de l'art. Comment se fait-il que cet auteur à succès dont les œuvres ont été traduites dans plusieurs langues se soit recyclé en tant qu'agent de voyages? Réponse toute simple apportée par l'intéressé: «Mon agence date d'avant l'écriture; et, de toute façon, il faut bien vivre», une façon comme une autre de rappeler que les lettres ne nourrissent pas leur homme à moins de sombrer dans une littérature commerciale, perspective qui n'enchante pas vraiment ce sexagénaire alerte. Bon sens C'est sa fille, diplômée de tourisme, qui s'occupe de l'agence au moment où le fils, spécialisé en médecine du travail, donne également un coup de main au niveau de la gestion. Dernière publication de l'auteur. Un recueil de livres de poche en 3 tomes, confié à une maison d'édition marocaine plutôt que française, a-t-il tenu à préciser. La raison de ce choix? «Tout simplement parce que je me fais mieux connaître par les Marocains que par les Français», ajoutant qu'il ne s'agit pas là de patriotisme étriqué, mais de bon sens, insistant sur la «complicité» qui le lie au lecteur marocain. Une relation qui n'a jamais pris une ride, nonobstant l'emprise du temps. Elémentaire, du moment que ce rapport est basé sur la spontanéité et la confiance, sachant pertinemment qu'on ne trompe pas impunément un lecteur avisé. (Portrait paru en 2009 dans le magazine Maroc Hebdo) Biographie Le 7 novembre 1943, à Tanger, Lotfi Akalay a poussé son premier cri. Bien d'autres cris suivront. Lotfi Akalay est un écrivain et journaliste marocain né en 1943 dans une famille tangéroise de père en fils, sa parole libre en fait une figure de Tanger dont il sait aussi se moquer. Akalay a poursuivi ses études universitaires à Paris et a obtenu une licence en économie politique, puis une maîtrise en sciences politiques. Depuis 1990, Akalay rédigeait des chroniques humoristiques pour le quotidien ‘Al Bayane', puis à ‘ La Vie Economique'. En 1997, il écrivit des chroniques au mensuel ‘Femmes du Maroc', ainsi qu'à Charlie Hebdo et Jeune Afrique. Son premier livre édité fut ‘Les Nuits d'Azed' aux éditions du Seuil et qui sera traduit en plusieurs langues. En 1998, Lotfi Akalay publia ‘Ibn Battouta, Prince des voyageurs'. Son nouveau recueil de chroniques ‘Les nouvelles de Tanger' a été publié en 2006. Akalay est le fondateur de l'association ‘Maghreb sans frontières', qui vise à travers le tissu associatif d'instaurer une meilleure communication des peuples du Maghreb.