La proximité géographique, la nécessité de délocaliser une partie de l'activité industrielle et agronomique espagnole et les énormes potentialités qu'offre le marché marocain en termes de coût de production et de facilités fiscales et bureaucratiques, étaient des raisons suffisantes pour l'entrepreneur espagnol de venir fructifier ses investissements au Maroc. Cette doctrine avait duré jusqu'à l'arrivée au pouvoir du conservateur José Maria Aznar, qui avait opté pour une politique de déséquilibre au Maghreb favorisant les intérêts de l'Algérie au détriment de ceux du Maroc. Les désaccords entre les gouvernements de Madrid et Rabat, qui furent la note dominante dans les relations bilatérales, ont atteint un degré insoutenable de crispation durant le deuxième mandat de Aznar comme président du gouvernement espagnol (2000-2004). Les classiques conflits bilatéraux tels la pêche, l'immigration, le dossier du Sahara et les possessions espagnoles dans le nord du Maroc avaient repris des forces plaçant les deux pays au bord de la rupture totale. Néanmoins, les relations sociales sont restées hors de portée des chocs que connaissaient les relations diplomatiques et politiques et aucun incident raciste ni xénophobe contre le collectif marocain ne fut enregistré en Espagne, par exemple, en dépit de l'implication en mars 2004, de leurs concitoyens dans les attentats terroristes contre le train de banlieue de Madrid (11-M). Le mécontentement du gouvernement du Maroc, durant le mandat de Aznar au pouvoir, ne cessait d'augmenter à cause surtout du traitement médiatique qui se faisait des informations et thèmes relatifs aux institutions nationales, particulièrement la monarchie. Dans la littérature diplomatique, les termes « collaboration » et «coopération» occupent un espace symbolique dans les discours des responsables des deux pays quant ils évoquent la lutte contre les flux migratoires clandestins. Lorsqu'il s'agit des possessions territoriales espagnoles dans le nord du Maroc, la position officielle du gouvernement de Rabat paraît, depuis les années 80, déterminée par le pragmatisme et l'évolution des négociations entre Madrid et Londres au sujet de l'avenir de Gibraltar. Dossier constamment présent dans l'agenda politique des deux pays, la persistance du conflit du Sahara. Malgré les multiples résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies, les divergences sur cette question conduisent à une évidence selon laquelle la diplomatie espagnole se trouve dans une délicate situation à cause de son incapacité d'opter ouvertement pour une solution définitive du contentieux en appuyant une autonomie élargie au territoire. L'analyse de l'actuelle étape que traverse les relations maroco-espagnoles, avait commencé avec la victoire du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) aux élections du 14 mars de 2004. Le retour au pouvoir des socialistes atteste de la volonté des deux parties de donner une nouvelle orientation de leurs rapports et inaugurer ainsi des relations dont les protagonistes sont le roi Mohamed VI et le président du gouvernement espagnol, M. José Luis Rodriguez Zapatero. C'est une option claire qui se démarque totalement de la doctrine de confrontation de Aznar qui avait retiré au Maroc le statut de partenaire privilégié au Maghreb au profit de l'Algérie. Les tentatives d'assainir pendant les deux dernières décennies les relations bilatérales des résidus de conflits hérités du passé ne cessent d'éreinter diplomates, société civile et opérateurs économiques. Désormais, le désastre de l'armée espagnole dans la bataille d'Anoual (juillet 1921) encore vivace comme une cicatrice incurable dans la mémoire collective des Espagnols, est à peine cité dans les manuels scolaires du Maroc alors que les perceptions négatives de l'image du collectif marocain en Espagne se volatilisent progressivement grâce au processus d'intégration sociale des immigrés et la multiplication des échanges culturels entre les deux peuples. Jusqu'à 1956, le Marocain avait été identifié dans le jargon populaire en Espagne comme l' « indigène », le « colonisé » ou l' « infidèle ». Actuellement, l'image du marocain se mesure à travers le legs culturel, les médias, les enquêtes sociologiques et baromètres d'opinion. Malheureusement, dans aucun de ces canaux, celui-ci ne jouit guère de grande sympathie auprès de certaines catégories de la population espagnole. Ceci a des origines; mais grâce à la régénération de la société et la diffusion de la culture des droits humains et des concepts de la nouvelle civilisation, les stéréotypes et préjugés finiront par disparaître dans les rapports entre les deux sociétés. Le voisinage, qui n'est pas dispensé d'éventuels conflits d'intérêt, a toujours été un thème de prédilection dans les commentaires, chroniques et éditoriaux de la presse espagnole, et souvent, occupe une exceptionnelle surface rédactionnelle dans les éditions des grands journaux en Espagne. Pour ces médias, cet inusuel intérêt se justifie par la préoccupation d'informer leurs lecteurs de tout ce qui affecte son environnement géographique. La même observation s'applique également aux centres démoscopiques qui ont diffusé une série de baromètres d'opinion durant les crises survenues entre le Maroc et l'Espagne entre 2000 et 2004, à l'époque du gouvernement conservateur de Aznar. Il est surprenant de constater qu'à chaque fois que les relations bilatérales traversent une crise, l'hostilité substitue immédiatement aux tentatives de rapprochement. De nouveau ressurgissent les divergences entre les deux capitales et les éternels conflits reprennent surface: possessions territoriales, espaces maritimes, parachèvement de la décolonisation des territoires marocains, dossiers des agrumes et de pêche, flux migratoires, etc. Dans ces conditions, le système politique du Maroc devient un thème central des commentaires de la presse et des réactions de la classe politique en Espagne. Ce système est uniquement analysé à travers le déficit en infrastructures, des flux migratoires, du rythme des chantiers de réforme en cours et du caractère de ses institutions. L'ignorance dans ces commentaires et discours de ce qui se réalise à l'autre côté du Détroit de Gibraltar, relègue forcément à un second plan la labeur de la classe politique, les résultats des réformes entreprises depuis 1998 et les efforts déployés pour progresser sur la voie de l'entente entre les deux sociétés. A ce stade, les médias et la classe politique, surtout la droite, accusent un grand déficit pour leurs regards biaisés en direction d'un indispensable partenaire et un voisin en plein essor dans différents domaines du savoir, de l'économie et de la culture. A cause précisément de ce comportement, les deux pays sont interpellés à reconstruire immédiatement la confiance mutuelle sur la base, bien entendu, du respect réciproque, l'entente sur les problèmes en suspens et la solidarité entre les acteurs de la société civile.