Pour parer à d'éventuels effets d'une nouvelle crise mondiale des céréales qui se profile à l'horizon, le gouvernement marocain a décidé, jeudi, la suspension du droit d'importation applicable au blé tendre, pour la période allant du 16 septembre au 31 décembre 2010. Réuni en Conseil sous la présidence du Premier ministre, M. Abbas El Fassi, le gouvernement a justifié cette décision, qui a fait l'objet d'un décret, par le souci "d'assurer un approvisionnement régulier du marché intérieur en blé tendre". La démarche gouvernementale a été dictée par deux facteurs : la baisse de la production nationale en blé tendre et la tendance haussière des prix de cette matière sur le marché mondial, à cause de la réduction de près du quart de la récolte céréalière de la Russie, l'un des plus gros exportateurs de cette denrée. Cette mesure tant attendue par les professionnels marocains, notamment les importateurs, les minotiers et les propriétaires de boulangeries, devra contribuer à l'allégement du fardeau des différents opérateurs et mettre le citoyen à l'abri de la flambée des prix, surtout que les observateurs craignent la reproduction du scénario de 2007/2008 avec une crise alimentaire mondiale. Dans une déclaration à la presse, au terme du Conseil de gouvernement, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, M. Aziz Akhannouch, a jugé qu'il "est temps d'ouvrir la voie devant l'importation et la suppression des taxes douanières durant les quatre mois à venir". Le ministre a indiqué que le stock national en blé peut couvrir plus de trois mois, assurant que le gouvernement a prévu une panoplie de mesures pour garantir l'approvisionnement normal du marché local. Selon des estimations, le Maroc a besoin d'importer quelque 2,3 millions de tonnes de blé tendre dans le sillage d'une production 2009-2010 en régression de 11,6 pc par rapport à la précédente campagne. A cause d'un important taux de pluviométrie qui a détruit des dizaines de milliers d'hectares, la production, même si satisfaisante, a été moins bonne que prévu. Les prévisions du gouvernement tablent sur un cru de 7,5 millions de tonnes, alors que la campagne 2009 a connu une récolte record avec 10,2 millions. La situation a été compliquée par les incendies et la sécheresse qui ont frappé cet été la Russie qui a décidé d'interdire l'exportation du blé pour assurer l'approvisionnement de son marché local, d'où un renchérissement des prix de cette denrée. Techniquement, des sources du ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime expliquent que le blé tendre acquitte, depuis le 1er juin 2010, un droit d'importation de 135 pc. Cette quotité a été instituée pour assurer une protection à la production nationale et garantir un prix rémunérateur à l'agriculteur. Or, le maintien de cette quotité se traduirait par des prix prohibitifs à l'importation compris dans une fourchette entre 402 et 415 Dh/Ql qui sont supérieurs au prix de revient moyen cible de 260 Dh/Ql. Début août, la FAO avait exprimé de vives inquiétudes suite à la flambée des cours du blé sur les marchés mondiaux, parce que la sécurité alimentaire des pays pauvres pourrait être menacée. L'organisation mondiale se voulait, toutefois, rassurante en rappelant que les réserves restent élevées. "Après deux années consécutives de récoltes record, les stocks mondiaux ont été suffisamment reconstitués pour couvrir le déficit prévu de la production actuelle", avait souligné la FAO dans un communiqué. La FAO a revu à la baisse les prévisions de production mondiale de blé pour 2010. Elles sont passées à 651 millions de tonnes contre les 676 millions annoncés au mois de juin.(MAP).