Entretien avec la directrice de l'aménagement du nouveau port Dakhla Atlantique, Nisrine Iouzzi Propos recueillis par NES à Dakhla : Karim Ben Amar Le nouveau port Dakhla Atlantique est un projet structurant par excellence. Ce joyau permettra au Maroc de consolider sa position en termes de hub portuaire mondial. L'impact socio-économique sera tout aussi palpable pour les populations de la région, car il faut bien le dire, le port Dakhla Atlantique n'a pas une ambition marocaine mais plutôt africaine. Pour en savoir plus sur ce projet titanesque, l'équipe d'Al Bayane s'est entretenue avec la directrice de l'aménagement du nouveau port de Dakhla Atlantique, Nisrine Iouzzi. La lauréate de l'Ecole nationale supérieure des mines de Rabat et ingénieure d'Etat (Hydrologie géotechnique), également titulaired'un DESS modélisation numérique de l'environnement naturel de l'Ecole Mohammedia des ingénieurs (EMI), nous dit tout. 1-Dakhla Atlantique revêt une importance majeure pour la région et le Royaume. Pouvez-vous nous présenter le port en quelques chiffres ? Le Port Dakhla Atlantique est un projet royal structurant qui s'inscrit dans le cadre de la Stratégie Portuaire Nationale à l'horizon 2030 et du Nouveau Modèle de développement des Provinces du Sud. Le projet porte sur la construction d'un port en eau profonde, un port îlot constitué de trois bassins liés à la terre ferme par un pont maritime de 1330m. Les Ouvrages de protection s'étendent sur plus de 6700 mètres et les terre-pleins avoisinent les 70 hectares. Le bassin de commerce comprend différents types de postes et terminaux : Terminal à conteneurs, poste pétrolier, quai de service, poste Ro-Ro (Roll-On Roll-Off). La capacité portuaire s'élève à 35 Millions de tonnes : 1 million de conteneur EVP (Equivalent vingt pieds) ; 5 millions de tonnes d'hydrocarbures ; 20 millions de tonnes de vracs et de marchandises diverses. Le coût du projet de réalisation du nouveau port de Dakhla Atlantique de la première phase s'élève à 12.6 MMDH. 2-L'avenir du port est-il lié aux réseaux routiers, notamment la nouvelle voie express en cours, Tiznit-Dakhla ? Effectivement, une voie de raccordement de 7 km de long relie le site du port à la Route Nationale N°1 (Voie Express). Effectivement, une voie de raccordement de 7 km de long relie le site du port à la Route Nationale N°1 (Voie Express). La voie express Tiznit-Dakhla connecte le centre du Maroc à Dakhla sur une distance de 1 050 kilomètres. Ce projet fluidifie désormais les flux de circulation, réduisant significativement la durée des trajets, ce qui est particulièrement bénéfique pour les professionnels du transport international routier. La voie express est pratiquement achevée, et nous œuvrons actuellement à son extension jusqu'à la frontière avec la Mauritanie, tout en maintenant les mêmes standards de qualité et de sécurité pour les usagers. Nous comprenons parfaitement que la connectivité du port aux sites de production et aux zones logistiques est un prérequis essentiel pour le développement économique de l'arrière-pays. Nous veillerons à instaurer un système de transport multimodal moderne et efficace. 3-Quelles sont les attentes de ce port en matière d'emploi direct et indirect ? Dans cette phase de construction, les emplois créés concernent principalement les métiers du bâtiment et des travaux publics. Le chantier emploie aujourd'hui environ 1 600 personnes, tous profils confondus. Quant à l'emploi local, nous sommes fiers d'annoncer que le taux d'intégration de la main-d'œuvre locale, exigé par la réglementation, est largement dépassé. L'impact socio-économique du port en phase d'exploitation, combiné à celui des zones d'activité économique adjacentes, contribuera à la création de dizaines de milliers d'emplois ainsi que l'attrait de plusieurs investissements. 4-Dans cette phase de construction, quel est l'impact sur le tissu économique local notamment les PME et les TPE ? Un investissement public de cette envergure ne peut être considéré comme réussi que si son impact dépasse les entreprises directement concernées pour profiter également aux opérateurs économiques locaux. En effet, le groupement d'entreprises chargé des travaux fait appel aux services des PME locales, en ce qui concerne les activités annexes liés à l'exécution des travaux (approvisionnement en matériaux, transport et logistique,..). 5-Dakhla Atlantique comporte-t-il des activités annexes liées à la pêche ? La conception des projets portuaires tient compte des atouts, des besoins et des opportunités spécifiques à chaque région. La région de Dakhla-Oued Eddahab est l'une des zones les plus poissonneuses du Maroc. Les activités économiques liées à la pêche maritime représentent une part importante du PIB régional. Les activités économiques liées à la pêche y compris l'industrie halieutique sont prises en compte dans le projet du port Dakhla Atlantique et de la zone d'activités économiques de 1000 hectares voisine. 6-Quelles sont les perspectives d'avenir et les défis du port Dakhla Atlantique ? Le chantier du Port Dakhla Atlantique est gigantesque et les défis y sont nombreux et variés. Les défis d'ordre technique, par exemple, ne sont pas rares, mais grâce aux ressources humaines hautement qualifiées des différentes parties prenantes, nous parvenons à les surmonter. C'est l'occasion de saluer l'engagement infaillible des ingénieurs, techniciens et ouvriers marocains pour la réussite de ce projet national. Les perspectives d'avenir sont très positives et nous abordons cette aventure avec beaucoup d'enthousiasme. Il est clair que le contexte national et régional évolue, confirmant la justesse de la décision de construire ce port ainsi que la pertinence du timing choisi : L'initiative Royale en faveur des pays du Sahel renforcera les flux transitant par le Port Dakhla Atlantique. L'offre marocaine en matière d'hydrogène vert consolidera la position du Port Dakhla Atlantique comme infrastructure clé pour l'exportation des énergies vertes. L'avenir s'annonce donc prometteur, et les opérateurs économiques manifestent un intérêt croissant pour ce projet. 7-Des investisseurs nationaux et étrangers manifestent un intérêt grandissant pour le Port Dakhla Atlantique, quelles sont les principales activités économiques concernées ? Effectivement, nous recevons de nombreuses sollicitations de la part d'investisseurs potentiels. Ces derniers opèrent dans divers secteurs d'activité, allant des énergies renouvelables, l'agroalimentaire, l'industrie extractive, en passant par la métallurgie, pour n'en citer que quelques-uns. 8-Le Maroc s'est engagé dans un ambitieux processus de transition énergétique, quels rôles pourra jouer le port Dakhla Atlantique pour la réussite de ce chantier écologique ? Suite à la publication de « l'Offre Maroc » visant à développer la filière de l'hydrogène vert, les ports de Dakhla Atlantique, le nouveau port de Tan-Tan et Nador West Med ont été désignés comme infrastructures clés pour la mise en œuvre de cette offre. Il convient de rappeler le potentiel immense des provinces du sud en énergies renouvelables, notamment le solaire et l'éolien. Ce potentiel constitue un atout majeur qui permettra au Port Dakhla Atlantique de se positionner à l'international dans ce secteur. 9- Le Port Dakhla Atlantique semble être un élément incontournable de la mise en œuvre de l'Initiative de Sa Majesté le Roi Mohammed VI visant à donner plus d'accès à l'Atlantique aux pays enclavés du Sahel. Comment voyez-vous la mise en œuvre de cette initiative Royale et en quoi elle sera profitable au Port Dakhla Atlantique et aux zones logistiques adjacentes ? L'initiative royale en faveur des pays du Sahel, visant à renforcer l'accès des nations sahéliennes à l'océan Atlantique, renforce les relations fraternelles que le Maroc a toujours entretenues avec ces pays. Cet événement est majeur en raison de l'impact socio-économique escompté pour les populations de la région. La concrétisation de cette initiative nécessite la mise en œuvre d'infrastructures de transport répondant aux exigences de qualité et d'efficacité. Ces infrastructures routières ou ferroviaires permettront l'acheminement des marchandises en provenance du Sahel vers leurs destinations dans le monde entier, via le port de Dakhla Atlantique. Cela impliquera naturellement une augmentation du trafic pour le port et au niveau des zones logistiques de Dakhla, jusqu'au poste frontalier d'El Guerguerat. 10-Des pays de l'Afrique de l'Ouest se sont lancés dans des projets d'extension portuaire ou de construction de nouveaux ports. Comment la complémentarité entre les ports africains sera-t-elle assurée ? Nous sommes convaincus que le développement des infrastructures de transport, notamment des ports dans les pays d'Afrique de l'Ouest, constitue une opportunité majeure pour l'ensemble des opérateurs économiques de la région. Ces différentes infrastructures permettront de faciliter les échanges commerciaux et d'accélérer l'intégration économique régionale, en offrant ainsi au marché international du transport maritime une offre portuaire compétitif basée sur la diversification et la massification des flux. Il est à noter que la part de l'Afrique dans le marché du transport maritime ne constitue que 5% du trafic maritime mondiale. Il y'a tout à faire pour augmenter cette part grâce à la réalisation de nouvelles infrastructures africaines compétitives et durables. Sans parler des potentialités innombrables que recèlent les pays d'Afrique constituant ainsi une vraie niche d'export vers les autres continents.