Charafat Afailal à l'Université Populaire du Maroc Charafat Afailal était, samedi dernier, l'invitée de l'Université Populaire du Maroc, lors de la conférence inaugurale au titre de l'année universitaire2024-2025, organisée, avec le soutien de la Fondation Karima Namiri, au Complexe éducatif « Label Excellence » à Meknès. L'ex-ministre déléguée auprès du ministre de l'énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement, chargée de l'eau (entre 2013-2018) et experte internationale en matière de gestion de la question hydrique est intervenue sur « La crise de l'eau au Maroc : Quelle réforme ? ». Charafat Afailal a situé, dès l'entame de son intervention, l'eau, en tant que bien commun de l'humanité, notamment en termes de santé publique, de production alimentaire et énergétique, d'équilibre des écosystèmes, de croissance économique, de négociation des enjeux géostratégiques et de maintien de la paix sociale, etc. L'ancienne ministre a rappelé qu'au cours des dernières décennies cette ressource se heurtait et se heurte encore à de nombreux défis associés aux effets du changement climatique, de la croissance démographique, de l'urbanisation et de la pression croissante sur les ressources en eau superficielles et souterraines, illustrant ses propos par des statistiques et chiffres. Ainsi, entre 2002 et 2021, la sécheresse a touché 1,4 milliard de personnes entrainant la mort de près de 21.000 personnes et a été à l'origine de conséquents flux migratoires. Selon l'UNESCO, entre 2002 et 2021, le taux des flux migratoires pour cause de sécheresse ont connu une augmentation de 10 % dans le monde. Ces défis ont généré une situation d'insécurité hydrique de plus en plus généralisée au niveau du monde, touchant de plein fouet plus de 5,6 milliards de personnes (plus particulièrement dans la région de l'Asie-Pacifique, avec 4, 3 MM de personnes et dans le continent africain 1, 3 milliard de personnes touchées). Selon l'intervenante, cette crise concerne plus de 113 pays dont 24 sont classés en situation critique. Cette baisse quantitative des ressources en eau est exacerbée par d'importants problèmes de qualité (pollution, salinité, contamination, etc.). Charafat Afailal a dressé, ensuite, un état des lieux de la situation hydrique au Maroc qui montre l'ampleur du stress hydrique se traduisant par un déficit pluviométrique chronique. En six années consécutives de sécheresse, nous avons assisté à une baisse drastique du taux de remplissage des barrages avec une moyenne ne dépassant pas 29% avec des variations importantes entre les bassins hydrographiques (5,3 % au bassin Oum Rabie). La sécurité hydrique est par conséquent largement menacée sous l'effet du changement climatique, la croissance démographique et l'expansion urbaine. Selon Charafat Afilal, la sécurité hydrique se trouve doublement menacée par des problèmes liés à la gouvernance : choix politiques en matière de développement qui vont au-delà du capital hydrique, la surexploitation des nappes stratégiques, les faibles performances des infrastructures de production et de distribution de l'eau, les dysfonctionnements au niveau de la convergence des politiques sectorielles , les décalages entre la planification sectorielle et la planification des investissements publics, la multiplicité des acteurs, les problèmes des données, etc. A ces problèmes s'ajoutent des défis institutionnels comme le manque de coordination et de concertation (comité interministériel de l'eau, ABH de Sebou, conseils des bassins...). Charafat Afailal a également passé en revue le volet réglementaire et législatif de la gestion de l'eau, notamment les modalités institutionnelles apportées par la loi 36-15 (révision de la loi 10-95). Pour conclure Charafat Afailal a mis en exergue quelques mesures susceptibles d'améliorer la résilience du secteur de l'eau, de rendre plus efficients les initiatives en cours (dessalement, traitement et réutilisation des eaux usées, etc.) et d'améliorer la résilience du secteur de l'eau. La gestion durable des ressources hydriques est, selon elle, tributaire d'un changement de paradigme qui allierait des réformes politiques, règlementaires, sociétales, financières et techniques. Dans cette perspective, la création de passerelles entre les scientifiques, chercheurs et académiciens et les décideurs politiques est plus que nécessaire. Il s'en est suivi un riche débat avec le public, constitué d'une centaine de participants. Une remise d'attestation de participation aux étudiants et membres de l'Université populaire du Maroc a clôturé cette conférence inaugurale.