Le Parti du Progrès et du Socialisme a organisé, jeudi 14 avril au siège national du parti à Rabat, un colloque scientifique sous le thème «les ressources en eau : quelle gouvernance pour faire face à la rareté et aux changements climatiques» avec la participation de spécialistes et d'experts de renommée internationale. L'organisation de cette conférence politique et scientifique s'inscrit dans le cadre de la série des « rencontres ramadanesques du jeudi », programmée par le PPS. Au menu figurent une deuxième rencontre, prévue jeudi prochain sur «la situation économique et sociale actuelle» en partenariat avec le mouvement Damir et une troisième jeudi d'après sur « a presse et la construction démocratique». La modération des travaux de ce colloque a été assurée avec brio par Pr Houria Tazi-Sadeq, présidente de la Coalition marocaine pour l'eau, gouverneur au Conseil mondial de l'eau et auteur de plusieurs publications et articles dont l'ouvrage «du droit de l'eau au droit à l'eau au Maroc et ailleurs». Tout en soulignant, au terme de cette rencontre, la pertinence des exposés présentés et des propositions, elle a regretté que l'on n'ait pas eu le temps de débattre d'une question qui lui est très chère concernant notamment le droit constitutionnel d'accès à l'eau. Benabdallah : Placer la question hydrique en tête des priorités Prenant la parole, le Secrétaire Général du Parti du Progrès et du Socialisme, Mohammed Nabil Benabdallah en a souligné d'entrée l'importance étant donné qu'il s'agit d'une question vitale. A travers l'organisation de cette rencontre, le PPS se propose de contribuer généreusement à l'effort national de réflexion, de mobilisation et de sensibilisation autour de l'aspect vital et stratégique de l'eau dans la vie du pays, a-t-il dit, appelant à placer la question hydrique en tête des priorités nationales que sont la cause de l'intégrité territoriale, l'éducation nationale et la santé. Pour ce qui le concerne, le PPS a toujours porté un intérêt particulier à la question et n'a cessé au cours de cette année à insister sur l'impératif de prendre des mesures concrètes pour faire face à la situation de sécheresse que connait le pays concernant aussi bien les eaux d'irrigation pour le secteur agricole que pour l'approvisionnement des habitants en eau potable. Les mois de mars et d'avril ont connu certes des précipitations importantes qui ont quelque peu redonné l'espoir d'améliorer la situation, mais ceci n'exclut pas que le problème reste posé aussi pour la période actuelle que pour les années à venir. C'est un défi qui requiert du Maroc de prendre des mesures urgentes dans le cadre d'un plan à moyen et long termes pour faire face à cette situation, a-t-il expliqué. Sans entrer dans les détails des liens de ce secteur avec la production agricole, l'état des barrages et la solidarité entre les régions et les couches sociales et les espaces urbain et rural, il a indiqué que la situation est inquiétante, a-t-il dit, faisant savoir que le taux de remplissage des barrages tourne actuellement autour de 35% contre 51% l'an dernier. En d'autre mots, le Maroc fait face à une crise hydrique, a affirmé le SG du PPS, qui a rappelé que malgré le fait la question occupe une place de choix dans le nouveau modèle de développement, le gouvernement tarde à s'inscrire dans cette perspective et à prendre des mesures concrètes. Charafat Afailal : la sécurité hydrique, condition sine qua non à toute œuvre de développement Pour sa part, l'ancienne ministre chargée de l'eau Charafat Afailal, également membre du bureau politique du PPS a indiqué que le Maroc est confronté cette année à un état de sécheresse historique qu'il n'a pas connue depuis une quarantaine d'années. A part les dernières précipitations, somme toutes insuffisantes, l'année hydrologique a été marquée par de faibles précipitations tardives. Ceci s'est traduit par une diminution drastique des réserves dans tous les bassins hydrauliques qui a atteint des seuils alarmants dans certains bassins, selon elle. En dépit de la récente amélioration, le taux de remplissage des grands barrages a chuté à des niveaux critiques, a-t-elle dit, ajoutant que la situation de la nappe phréatique est également préoccupante dans tous les bassins à cause notamment de sa surexploitation abusive jusqu'à l'épuisement. Cette baisse des réserves s'est évidemment répercutée sur l'ensemble du système d'approvisionnement en eau potable en particulier au niveau de certaines villes comme Oujda, Nador, Driouech ou Marrakech qui vivent sous la menace d'une crise de la soif. La situation de vulnérabilité de leur système d'approvisionnement en eau potable requiert des mesures fortes et urgentes, a-t-elle estimé. Elle a également rappelé que le Maroc se situe, de part sa situation géographique, dans une zone qualifiée de Hot Spot, où les perturbations et les changements climatiques sont plus intenses qu'ailleurs. Ces phénomènes extrêmes associés aux changements climatiques touchent toutes les régions du monde dont la zone méditerranéenne. Ils provoquent une hausse drastique des températures, des périodes difficiles de sécheresses, des inondations diluviennes, des incendies, l'élévation du niveau des mers et des océans, la fonte des glaciers, etc... Ces changements climatiques requièrent une action collective, solidaire et conséquente de la part de la communauté internationale pour faire face à leurs conséquences sociales, économiques et sociales dont l'émigration et l'exode climatiques, a-t-elle ajouté. Le dernier rapport du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), publié le 26 février 2022, indique que ces changements climatiques vont s'intensifier et que toute adaptation tardive aura un coût élevé. Le Maroc est également confronté à ces dysfonctionnements qui se manifestent à travers la faiblesse des précipitations, a-t-elle expliqué, soulignant que toutes les régions du pays sont devenues arides ou semi-arides, en dépit de quelques disparités dans le temps et l'espace. Ce stress hydrique est aggravé par la pression démographique, la surexploitation abusive jusqu'à l'épuisement des eaux souterraines non renouvelables, les pertes dans les systèmes d'irrigation et le faible rendement des réseaux de distribution en milieu urbain. Ces dysfonctionnements climatiques ont des effets directs sur la sécurité hydrique, qui impacte directement la stabilité et la paix sociales. Face à cette situation alarmante, les décideurs sont donc appelés à tenir compte de manière sérieuse de ces évolutions inquiétantes et à prendre des mesures audacieuses et concrètes pour relever ce défi avant qu'il ne soit tard, a-t-elle martelé. Selon elle, ils sont notamment tenus d'engager le débat, qui doit porter en premier sur les modes de production agricole, lesquels consomment de manière qui dépasse les ressources disponibles et les capacités du pays beaucoup d'eau. Il est vrai que la politique hydraulique poursuivie, au lendemain de l'indépendance, a permis au Maroc de faire face à des situations de sécheresses très difficiles et de satisfaire ses besoins en eaux d'irrigation et de boisson, mais il est vrai aussi qu'elle n'est plus en mesure de répondre aux nouvelles exigences, liées notamment aux défis du réchauffement climatique. C'est ainsi qu'il est devenu très difficile de trouver aujourd'hui un site géographique et géologique convenable, comme c'était le cas avant, pour la construction d'un grand barrage. Et l'ex-ministre chargée de l'eau de souligner qu'il est temps d'évaluer les options poursuivies et de s'interroger sur leur place, précisant que la première question doit porter sur la faisabilité du modèle agricole poursuivie qui repose sur l'agriculture extensive et d'exportation. Selon elle, il s'agit d'un modèle de développement agricole qui ne correspond pas du tout aux capacités hydriques du Maroc car il encourage des cultures très consommatrices d'eau dans des régions connues pour leur aridité comme à Zagoura où la culture des pastèques est en passe de provoquer un épuisement total des réserves de la nappe phréatique. Le système en place n'accorde pas non plus d'importance à la mise à niveau des systèmes d'irrigation et à l'entretien des réseaux de distribution qui enregistrent des pertes énormes de quantités d'eau. Leur rendement ne dépasse pas 50% dans certains cas. Autant de questions qui visent à rechercher les solutions les plus appropriées pour faire face au stress hydrique et à assurer à toutes les régions et à la population toute entière un meilleur accès équitable à l'eau, dans le but majeur de garantir la sécurité hydrique du Maroc, condition sine qua non à toute œuvre de développement.