Lettre ouverte n°2 Parti du Progrès et du Socialisme au Chef du Gouvernement Comme annoncé dans son dernier communiqué du bureau politique, le Parti du progrès et du socialisme a élaboré son appréciation sur le bilan à mi-parcours de l'action du gouvernement. Voici le contenu de la lettre numéro 2, objet de la conférence de presse d'hier et adressée, en date du 21 mai 2024, par le Secrétaire général du PPS, Mohammed Nabil Benabdallah, au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. Monsieur le Chef du Gouvernement, Vous avez exposé devant le Parlement le bilan de mi-mandat de votre gouvernement, que vous avez considéré comme étant positif et sans précédent, selon votre propre lecture. A travers son groupe parlementaire, notre parti s'est astreint au sens le plus élevé de la responsabilité et de la pondération dans la discussion du bilan d'étape de votre gouvernement, en reconnaissant les quelques aspects positifs malgré leurs limites et en soulignant les nombreux dysfonctionnements et lacunes qui l'entachent. Nous tenons d'abord à rappeler que votre gouvernement a occulté le Nouveau Modèle de Développement depuis qu'il en a fait une référence essentielle de son programme, comme en témoigne son absence dans votre bilan d'étape, sans doute en raison de ses diverses réformes dont la portée dépasse les ambitions et la performance du gouvernement. Ce bilan présente, en revanche, des choix et des orientations purement libéraux que votre équipe est gênée de révéler clairement, préférant les masquer sous le slogan trompeur de « l'Etat social ». Monsieur le Chef du Gouvernement, ce qui pousse le Parti du Progrès et du Socialisme à vous adresser cette deuxième lettre ouverte, c'est la persistance de votre gouvernement lors de la discussion de son bilan à prétendre, avec insistance et une certaine condescendance, qu'il a répondu à toutes les attentes des Marocains. C'est aussi en raison de son discours excessif d'autosatisfaction, d'autant plus préoccupant qu'il manque cruellement d'objectivité, d'humilité et du sens de l'autocritique. Et c'est pour prendre à témoin l'opinion publique du dialogue que nous souhaitons franc et constructif entre nous, que nous avons adopté cette formule d'interpellation qui s'inscrit naturellement au cœur d'une saine pratique démocratique de critique transparente, de contrôle institutionnel et d'expression politique que confère la Constitution aux partis. Le discours de votre gouvernement comporte un danger certain car il est dépourvu de l'équilibre requis. Il se caractérise par une déconnexion avec la réalité et ne fait aucun cas des préoccupations et des souffrances de la plupart des gens pour éviter de les heurter par l'exagération de réalisations dont ils ne ressentent pas l'impact sur leur vie quotidienne. C'est également un discours incompatible avec l'état d'asphyxie que connaissent les petites et moyennes entreprises nationales. Et c'est enfin un discours qui va à l'encontre, voire s'agace des rapports publiés, à titre de mise en garde de votre gouvernement, par des institutions nationales officielles, allant jusqu'à mettre en doute concrètement leurs finalités et leur crédibilité. Face à cela, il est de notre devoir et de notre rôle, Monsieur le Chef du Gouvernement, d'alerter votre gouvernement, de passer à la loupe son véritable bilan et de le mettre à l'épreuve de la réalité, puissiez-vous effectivement changer vos politiques et, pour le moins, réaliser ce qui a été promis dans votre programme gouvernemental. Nous faisons pour cela le choix de ne pas répéter certains aspects positifs abordés par notre parti à la Chambre des représentants et, plutôt que de mentionner tous les revers, d'en relever les dix principaux qui démontrent, preuves à l'appui, l'échec de votre gouvernement. 1/ L'ignorance grave par le gouvernement de la réalité du paysage politique, démocratique et des droits de l'homme Il est extrêmement dangereux qu'un gouvernement prétendument politique ignore cette dimension fondamentale et déterminante dans le processus de construction politique et démocratique de notre pays. Cela signifie que votre gouvernement ne se considère concerné ni par la mise en œuvre de la Constitution, ni par le renforcement de la démocratie, des libertés et des droits de l'Homme, ni par les questions d'égalité, ni par la promotion effective de la langue amazighe, ni par la réconciliation des citoyens, particulièrement des jeunes, avec la chose publique, ni par le traitement des dysfonctionnements de l'espace politique, ni encore par l'opposition aux reculs enregistrés dans le domaine politique et des droits de l'homme. Votre gouvernement n'a réalisé aucune avancée à cet égard. Il a été incapable de prendre la moindre mesure en vue de restaurer la confiance des Marocains dans les institutions élues et a même contribué à la dégradation continue de l'image et de la place des partis politiques. Votre gouvernement a osé porter atteinte au principe de l'indépendance de la presse et n'a eu aucune réaction concernant les reculs ou atteintes à la liberté d'expression. Le débat public s'est rétréci sous votre mandat et votre gouvernement évite jusqu'à présent nos appels répétés à ouvrir une discussion, dès à présent, sur la réforme véritable du système électoral, qui viserait à protéger les élections et les institutions élues contre la prévarication et les prévaricateurs, mais également contre l'utilisation excessive et illégale de l'argent, ainsi qu'à réduire les taux d'abstention. Mais peut-être que votre gouvernement ne voit pas d'intérêt à cette réforme et compte passer l'épreuve électorale de 2026 avec la même recette que celle de 2021. 2/ L'aggravation préoccupante du chômage, en particulier chez les jeunes Votre gouvernement s'est engagé auprès des Marocains à créer un million d'emplois nets en cinq ans, mais force est de constater qu'il a échoué. Et voici son traumatisant bilan d'étape sur le sujet : * Le taux de chômage a atteint un niveau sans précédent, passant de 12,3 % en décembre 2021 à 13,7 % en mars 2024 (36 % chez les jeunes) ; * Le nombre de chômeurs a atteint 1.645.000 personnes ; * Alors que la population active occupée était de 10,772 millions de personnes en décembre 2021, ce chiffre a chuté à 10,337 millions en mars 2024, ce qui signifie que l'économie nationale a perdu 435.000 emplois nets sous votre gouvernement ; * Le nombre de jeunes ne poursuivant ni études, ni emploi, ni formation (NEET) a grimpé à 4,3 millions ; * Le taux de participation des femmes au marché du travail a chuté à 18,3 %, alors que vous vous étiez engagés à l'augmenter de 20 % à 30 %. Il s'agit là d'un échec retentissant des approches économiques de votre gouvernement, ainsi que de son impuissance manifeste à renforcer les capacités des entreprises marocaines et à développer une véritable politique d'industrialisation moderne. Votre gouvernement ne peut justifier cet échec uniquement par les effets de la sécheresse qui, rappelons-le, a impacté l'action de la plupart des précédents gouvernements de notre pays sans que le taux de chômage n'atteigne un niveau aussi alarmant. Pire encore, le gouvernement n'a trouvé d'autre réponse face à cette situation catastrophique que de recourir à des cabinets de conseil, ce qui est déroutant et démontre la faiblesse des approches politiques de votre gouvernement. Il s'est, par ailleurs, contenté de programmes modestes comme « Forsa » et « Awrach », dont les effets se sont avérés limités tout en créant de grandes attentes parmi des dizaines de milliers de jeunes, pour ensuite les décevoir d'une manière choquante qui sape la confiance et la crédibilité dans l'action politique et la gestion des affaires publiques. 3/ L'échec dans l'atteinte des objectifs économiques et dans l'amélioration du climat des affaires Votre gouvernement s'est engagé à atteindre un taux de croissance annuelle de 4 % mais il a échoué, ne réalisant qu'un taux compris entre 1 % et 3 % au cours des années 2022 et 2023. Plus de 27.000 petites et moyennes entreprises ont officiellement fait faillite sous votre mandat, sans compter les dizaines de milliers d'autres entreprises qui agonisent en silence. Votre gouvernement a échoué à attirer davantage d'investissements directs étrangers, qui ont diminué de 53 % en 2023. Votre gouvernement a été dans l'incapacité de faire en sorte que l'investissement privé puisse représenter les deux-tiers du total de l'investissement national. Vous n'avez pas, non plus, respecté l'engagement de mettre en œuvre le Pacte national pour l'investissement, qui vise à mobiliser 550 milliards de dirhams d'investissements privés en vue de créer 500.000 emplois nets. Votre gouvernement a échoué à mettre l'investissement public au service de la justice territoriale, sachant que la production annuelle de richesses nationales demeure accaparée à hauteur de 60 % par trois régions seulement. Vous avez échoué à assainir le climat des affaires et à en extirper les pratiques illégitimes. En effet, notre pays a reculé en 2023 de trois places dans l'Indice de perception de la corruption, se classant au 97ème rang sur 180 au niveau mondial. L'Indice de liberté économique a également baissé à 56,8 (en dessous de la moyenne mondiale qui est de 58,6), plaçant notre pays à la 101ème place sur 184 pays. Votre gouvernement a enfreint la loi en ne mettant pas en œuvre le système de soutien aux petites entreprises prévu par la nouvelle Charte de l'investissement. Quant aux projets aux budgets astronomiques approuvés par le Comité des investissements que votre gouvernement ne manque pas d'annoncer en fanfare à l'opinion publique, nous ne relevons aucune évaluation réelle et transparente de leur réalisation effective et nous constatons qu'ils sont peu productifs en termes de création d'emplois. Pour expliquer cette désastreuse situation économique, vous invoquez de manière sélective les difficultés de la conjoncture internationale mais vous ignorez, et même vous gâchez, les opportunités offertes par cette conjoncture, notamment la reprise progressive de l'économie mondiale après la période de récession due à la Covid-19, l'augmentation des recettes touristiques, la dynamique des transferts des Marocains du monde et la progression des recettes fiscales et douanières en raison de la hausse des prix qui pèse, faut-il le rappeler, sur les ménages marocains. 4/ L'échec évident dans la réalisation de la souveraineté économique Votre gouvernement s'est engagé à réaliser la souveraineté nationale dans des domaines économiques essentiels, mais il a échoué à garantir la souveraineté industrielle, dans la mesure où la contribution de l'industrie au PIB national n'est que de 15 % et que nous importons la plupart de nos besoins en produits manufacturés. Le gouvernement s'est engagé à assurer la souveraineté alimentaire, mais ses choix en matière de politique agricole ont conduit concrètement à exporter de l'eau, une ressource dont notre pays a grand besoin, et en retour à importer des céréales, de la viande et des légumineuses. Cette politique a enrichi les propriétaires des grandes exploitations agricoles au détriment de l'agriculture de subsistance, excluant ainsi le monde rural du développement et opprimant les petits agriculteurs. En dépit des efforts considérables déployés pour assurer la sécurité hydrique, le gouvernement persiste dans ses choix de politique agricole qui utilisent de manière inefficace et non rationnelle plus de 80 % de nos ressources hydriques nationales et épuisent les nappes phréatiques, et ceci sans montrer la moindre prédisposition à réévaluer sa politique et à changer de cap. Le gouvernement a également échoué dans la réalisation de la souveraineté énergétique, dans la mesure où nous importons la majeure partie de nos besoins énergétiques, avec une facture qui pèse lourdement sur notre économie nationale. Il n'y a, à ce titre, aucune volonté politique ou mesure concrète visant à régler la problématique de la seule raffinerie du pays, la Samir, et à la remettre en service malgré son rôle crucial dans la constitution de stocks stratégiques et le raffinage pétrolier. Votre gouvernement a aussi été dans l'incapacité de limiter l'endettement, qui est devenu démesuré jusqu'à atteindre une dette publique représentant un niveau record de 86 % du PIB. Il en est de même du déficit budgétaire que votre gouvernement n'a pas pu maîtriser réellement, si ce n'est en recourant à des stratagèmes comptables consistant à intégrer les ressources du fonds spécial pour la gestion des effets du séisme et les chiffres des « financements innovants », qui sont des ressources temporaires et non structurelles, dépourvues du caractère de la pérennité et de la transparence. Suite en P5 5/ L'incapacité à faire face à la hausse des prix et à la dégradation du niveau de vie des familles marocaines Le gouvernement s'est engagé à faire face à une conjoncture marquée par une augmentation sans précédent des prix des biens de consommation et des services, à soutenir le pouvoir d'achat des familles marocaines et à élargir la classe moyenne. Cependant, votre gouvernement a échoué dans ces objectifs. Durant la première moitié du mandat de votre gouvernement, il est établi qu'environ 3,2 millions de citoyens ont basculé sous le seuil de la pauvreté et de la précarité. Votre gouvernement prétend avoir réduit le taux d'inflation à 0,3 %, oubliant que ce taux a affiché durant deux années consécutives des niveaux records, à deux chiffres, notamment pour les produits de première nécessité. Les prix de ces produits ne sont jamais revenus à leur niveau antérieur (par exemple, les prix des viandes rouges oscillent désormais entre 100 et 140 dirhams le kilo, tandis que ceux du gazole et de l'essence varient entre 13 et 16 dirhams le litre). Par ailleurs, votre gouvernement a enrichi à coup de milliards de dirhams d'argent public les transporteurs et les importateurs de bovins et d'ovins aux dépens des citoyens vulnérables, sans plafonner les prix des produits et services subventionnés et sans que ce soutien sélectif n'ait un impact favorable sur les citoyens. Environ 82,5 % des citoyens ont constaté une détérioration de leur niveau de vie l'année dernière et 90,4 % d'entre eux disent n'avoir aucune confiance dans la capacité de votre gouvernement à l'améliorer durant cette année. Sans oublier que votre gouvernement a permis aux compagnies pétrolières d'accumuler des profits indécents et de continuer à se livrer à des ententes qui vident les poches des citoyens, et ceci malgré les décisions du Conseil de la concurrence, certes lacunaires. Le gouvernement a été incapable de lutter contre la spéculation et les conflits d'intérêts, comme il a refusé de prendre toute mesure permettant de plafonner les prix du gazole et de l'essence, de réduire les marges bénéficiaires ou encore d'augmenter les impôts sur les hydrocarbures à hauteur de 40 %, autant de mesures que la loi vous permet de prendre. Enfin, bien que l'augmentation des salaires soit une mesure positive, elle ne peut en aucun cas justifier un tel excès d'euphorie, tant que cette revalorisation ne compense pas la flambée de l'inflation et la hausse du coût de la vie. Sans oublier qu'elle est associée à une logique d'échange, qui suscite de sérieuses préoccupations quant aux droits syndicaux et au coût pour les travailleurs de la réforme du système de retraite. 6/ L'échec dans la généralisation effective et équitable de la couverture sanitaire Votre gouvernement s'est engagé à généraliser la couverture sanitaire de façon effective, mais il a échoué à atteindre cet objectif. En effet, le gouvernement a exclu huit millions de citoyens vulnérables de l'adhésion gratuite, par le biais de critères et de seuils injustes qui leur imposent le paiement alors qu'ils sont dans l'incapacité de le faire, au point que vous ignorez complètement l'existence de ces millions de Marocains. Quant aux personnes inscrites, elles rencontrent de réelles difficultés pour accéder de manière effective et équitable aux services de santé. Votre gouvernement n'a pas réussi, non plus, à rendre le service de santé attractif et d'une qualité suffisante, pour garantir l'adhésion des professionnels indépendants. Seulement 13 % d'entre eux se sont inscrits et seuls 27 % des cotisations totales prévues ont été collectés, ce qui menace profondément la pérennité du financement de la couverture sanitaire. Au lieu de concentrer ses efforts sur l'amélioration de l'hôpital public, votre gouvernement a fait du secteur privé de la santé le principal bénéficiaire des fonds de la couverture sanitaire, ce dernier captant environ 75 % des flux financiers selon les chiffres de votre gouvernement, ou plus de 90 % selon d'autres sources, confirmant ainsi l'orientation notoire du gouvernement en faveur des lobbys financiers. 7/ L'incapacité à assurer l'équité dans l'octroi de l'aide sociale directe Il est heureux de constater que vous adhérez enfin à l'idée d'accorder un soutien social direct aux familles vulnérables et que vous vous êtes engagés à le mettre en œuvre. Toutefois, votre gouvernement contourne ce chantier en privant des millions de personnes vulnérables de ce soutien par l'application de critères et de seuils d'exclusion, uniquement pour en réduire le coût financier. Comme il a suspendu le versement des aides à un certain nombre de familles quelques mois seulement après le lancement de l'initiative. Sachant que le gouvernement a aussi annulé les précédents programmes sociaux (Tayssir, soutien aux veuves, un million de cartables, cohésion sociale…), tout en s'abstenant d'honorer son engagement de verser un revenu de dignité aux personnes âgées (revenu « Karama ») tel que prévu dans le cadre du programme gouvernemental. 8/ Des difficultés avérées dans le programme d'aide à l'acquisition de logements En ce qui concerne l'aide directe à l'acquisition de logements, dont nous soutenons le principe, nous relevons un écart important entre les objectifs annoncés du programme (110.000 familles par an pour un coût annuel de 9,5 milliards de dirhams) et les réalisations effectives jusqu'à présent (60.000 demandes reçues et le règlement de 600 millions de dirhams seulement sur le coût total des dossiers traités). Il existe, par ailleurs, des mesures nécessaires que vous n'avez pas prises en tant que gouvernement afin d'atteindre l'objectif fixé, notamment lutter contre le phénomène des paiements non déclarés (le « noir »), s'assurer de l'intérêt des promoteurs immobiliers pour produire cette catégorie d'offre de logements, en particulier le logement social, en organiser les conditions favorables et activer les initiatives et les mécanismes publics permettant de produire ce type de logements. La situation actuelle contraint le gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour transformer cette mesure en succès réel, qui puisse répondre au volume considérable des attentes, sur une base d'équité sociale et territoriale. 9/ La nécessité urgente de créer une loi de financement de la protection sociale En tenant compte des déclarations de votre gouvernement à propos de l'allocation à court terme de 50 milliards de dirhams par an environ pour la couverture sanitaire, les aides sociales directes et le soutien à l'acquisition de logements ; Et en considérant les lacunes majeures relevées dans la mise en œuvre, ainsi que l'exclusion de millions de familles qui méritent de bénéficier de tout ou partie des composantes de la protection sociale ; Le Parti du Progrès et du Socialisme demande à votre gouvernement de créer une « loi de financement de la protection sociale » ; Afin de garantir la pérennité et la transparence, et pour que les montants financiers effectivement engagés à cet effet soient clairement portés à la connaissance du grand public ; Et afin que le gouvernement puisse démontrer qu'il se garde bien des annonces exagérées susceptibles de créer de grandes attentes et d'aboutir en définitive à une déception de larges couches de la population. 10/ Des réformes essentielles absentes du bilan En plus de tous les échecs énoncés précédemment : Votre gouvernement n'a pas entrepris la réforme fiscale de façon globale et équitable, incluant notamment la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, ainsi que l'évaluation et la révision des dérogations fiscales. Votre gouvernement a échoué dans l'intégration de l'économie informelle, dont le poids représente environ 30% du PIB, à travers l'incitation à l'intégration du secteur informel de subsistance d'une part, et la lutte contre ses composantes nuisibles à l'économie nationale et au tissu des entreprises d'autre part. Votre gouvernement n'a pas réussi à réformer la Caisse de compensation pour que seuls les plus nécessiteux puissent bénéficier de son soutien. Votre gouvernement n'a encore rien fait en matière de réforme du secteur des établissements et entreprises publiques, ni des caisses de retraite. Quant à la transition écologique et à l'économie verte, celles-ci demeurent de simples discours sans réelles mesures concrètes. Monsieur le Chef du gouvernement, Ce ne sont là que quelques-uns des échecs de votre gouvernement et bien d'autres existent, qu'il n'est pas possible de citer dans leur exhaustivité dans le cadre de la présente lettre. Un changement de vos politiques est donc nécessaire, en vue de renforcer l'économie nationale, réaliser la justice sociale et mettre l'humain au centre du développement. À cet effet, il appartient à votre gouvernement d'adopter des orientations différentes et plus efficientes, parmi lesquelles figurent les alternatives suivantes, sans pour autant que cette liste ne soit exhaustive : * Donner un souffle démocratique à l'espace politique et le prémunir de la prévarication ; * Revenir aux recommandations du Nouveau modèle de développement et consolider le rôle de l'Etat développeur pour réaliser un véritable essor économique, susceptible de renforcer les capacités productives de notre pays, de garantir la souveraineté dans les domaines vitaux et de préserver le service public du démantèlement et des relents de la privatisation ; * S'appuyer sur une industrialisation forte et moderne, sur un tissu entrepreneurial organisé, compétitif, responsable et soutenu, bénéficiant d'un climat des affaires sain, protégé des rentes et des conflits d'intérêts, garantissant ainsi la création nécessaire et suffisante d'emplois stables et décents ; * Mener une réforme fiscale équitable et globale, fondée sur les dispositions de la loi-cadre ; * Réviser radicalement les politiques agricoles pour faire de la souveraineté alimentaire et de la sécurité hydrique une priorité absolue ; * Etablir la justice sociale et spatiale, appliquer avec fermeté la planification écologique dans les politiques publiques et accorder une réelle attention au monde rural ; * Accélérer la réforme des systèmes de santé et d'éducation en s'appuyant sur l'hôpital public et l'école publique ; * Surmonter rapidement les dysfonctionnements qui entravent la mise en œuvre optimale du chantier de la généralisation de la protection sociale, garantir sa pérennité et traiter les situations d'exclusion ; * Elaborer un système global et efficient destiné à intégrer des millions de jeunes NEET en situation de « ni emploi, ni formation, ni éducation ». Monsieur le Chef du gouvernement, Avant de conclure, et compte tenu de l'actualité du sujet, nous espérons que votre gouvernement traitera les situations de tension sociale et les expressions de protestation populaire, autant légitimes que responsables, en adoptant une approche d'écoute et de dialogue. Au premier rang de ces situations, se trouve la grave crise que vivent les facultés de médecine et de pharmacie depuis maintenant cinq mois, sans la moindre action efficace de votre gouvernement, ainsi que les cas des enseignants sanctionnés en représailles par le gouvernement parce qu'ils ont exercé leur droit constitutionnel de grève. Enfin, nous espérons que votre gouvernement comprendra notre focalisation sur les lacunes, au lieu d'un discours de satisfaction absolue, et qu'il prendra en considération les alertes et les observations émanant de notre Parti, ainsi que les propositions que nous avons formulées dans cette lettre ouverte de façon très succincte. Nous espérons que votre gouvernement pourra appréhender la réalité de manière objective, avec la perspective de modifier les choix et les approches dans le sens d'une véritable réforme, en s'appuyant sur les points positifs de votre bilan et en corrigeant les aspects négatifs, afin de renforcer dans les faits la confiance et l'espoir parmi les familles marocaines. Veuillez croire, Monsieur le Chef du gouvernement, en l'expression de notre parfaite considération. Pour le Bureau Politique du Parti du Progrès et du Socialisme Le Secrétaire Général : Mohammed Nabil Benabdallah