Par Docteur Imane Kendili L'écrivain et journaliste, Abdelhak Najib, poursuit son exploration de la littérature universelle en publiant le premier volume d'une série de trois tomes dédiés aux grandes figures de la pensée humaine. Un devoir de mémoire et un hommage à tous ces grands auteurs qui ont contribué à modeler l'univers mental de l'auteur. Henry Miller avait coutume de dire ceci qui prend ici un sens encore plus actuel: «A quoi servent les livres s'ils ne ramènent pas vers la vie, s'ils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus d'avidité ?» En effet, dans cet essai critique, l'écrivain et penseur, Abdelhak Najib, nous invite à un festin littéraire pour y boire avec avidité sans jamais étancher sa soif. L'auteur revient dans ce travail, intitulé «Le fil d'Ariane», sur plusieurs figures de la littérature universelle qui ont marqué son parcours en tant qu'auteur et journaliste. Il s'agit d'abord de rendre compte des lectures qui ont marqué plusieurs décennies de recherches et de passion pour la littérature, la poésie, la philosophie et la pensée humaine, à travers des écrivains, des penseurs et des œuvres majeures de l'histoire de la littérature, avec un souci primordial, axer le propos sur ce qui élève l'humain, sur ce qui l'interroge en profondeur dans son essence première, sur ce qui nous révèle à nous-mêmes dans nos désirs les plus enfouis, dans nos rêves les plus fous et dans nos angoisses existentielles, qui en disent long sur nos non-dits, sur ce que le mot ni le verbe ne peuvent exprimer. C'est là une manière de rendre hommage à tous ces noms qui ont participé à élaborer les univers mentaux de l'auteur, à travers des textes incontournables de figures telles que Friedrich Nietzsche (à qui l'auteur a déjà consacré un ouvrage entier, intitulé : «Friedrich Nietzsche : l'éternel retour»), René Char (traité également par l'auteur avec une oeuvre intitulée : «René Char, l'éclair qui dure»), Samuel Beckett, Nazim Hikmet, Yachar Kemal, Marcel Proust, Henry Miller, Lawrence Durrell, Joseph Conrad, Fédor Dostoïevski, Albert Cossery, Sören Kierkegaard, Martin Heidegger, Albert Camus, Saint-John Perse, Franz Kafka, Arthur Rimbaud, Fulcanelli, Stéphane Mallarmé, Yukio Mishima, Sophocle, Eschyle, Socrate, Diogène, Yasunari Kawabata, Abdul Rahman Mounif, Anton Tchékhov, Pouchkine, Maxime Gorki, Boris Pasternak, Heinrich Böll, Goethe, Jim Harrison, James Joyce, Robert Musil, Alexandre Soljenitsyne, Paul Auster, Naguib Mahfouz, Ismaïl Kadaré, Imre Kertész, Nadine Gordimer, Günter Grasse, Selma Lagerlöf, Lou Andréas Salomé, Orhan Pumuk... et tant d'autres écrivains qui ont centré leurs œuvres sur l'humain et sur l'espoir. «Quand on est un lecteur sérieux et assidu, quand on se penche sur ce qui fait l'essentiel de la littérature universelle, nous sommes touchés par les thèmes si simples traités par toute cette pléiade de grands écrivainsChaque auteur est d'abord lu, analysé, scruté, documenté pour nous offrir un regard sur son travail, sur ses grandes préoccupations déclinées en interrogations ontologiques sur l'humain et sur le sens même de l'existence et de la création. Car, c'est de cela qu'il est question ici : interroger chaque texte pour en révéler les soubassements humains, en donner à lire le non-dit, le caché, l'insondable. «Chaque œuvre littéraire est un monde qui nous échappe en continu. A nous de plonger en spéléologue dans ses tréfonds pour en toucher les fondements et les piliers fondateurs. On ne peut écrire sur Marcel Proust en dilettante. Il faut le vivre et naviguer dans ses abysses à travers une œuvre colossale comme ''La recherche du temps perdu''. C'est le même procédé pour une œuvre aussi solide que celle de Robert Musil, auteur de l'inégalable ''L'Homme sans qualités''. De tels écrits sont des leçons de vie, des enseignements qui sont pérennes pour toutes les générations, avec cette dimension universelle, qui touche l'humanité dans sa grande diversité. C'est cela, pour moi, faire œuvre littéraire. Dans ce périple, beaucoup sont appelés et peu sont élus», insiste Abdelhak Najib, qui finalise avec ces trois volumes un travail qui s'inscrit dans la droite ligne des travaux de grands lecteurs comme Maurice Blanchot dans son incontournable «Le livre à venir» ou encore George Bataille quand il se penche sur les œuvres de René Char, de Friedrich Nietzsche et des auteurs russes comme Fédor Dostoïevski, Anton Tchékhov, Maxime Gorki, Boris Pasternak ou encore Ivan Tourgueniev et Alexandre Soljenitsyne. Il y a là dans ce fil d'Ariane un travail d'archéologie littéraire qui sillonne les siècles et les cultures et qui fait ressortir ce qui les lie, ce qui les rend vitales pour notre époque moderne en mal de grandeur et de force créatrice. Cet essai qui se lit comme une trame passant d'un univers à l'autre recèle en ses plis un regard nouveau sur le rôle de la littérature dans la société, et ce, en insistant sur le courage de certains écrivains, sur leur engagement, sur leur rigueur face à tout ce qui veut museler la voix de la vérité et circonscrire la liberté de dire. Abdelhak Naji nous donne à lire ici un essai sur une littérature qui lutte contre les fascismes, contre les totalitarismes, contre le terrorisme intellectuel tel qu'il est décliné aujourd'hui, dans un monde polarisé où la médiocrité des uns et des autres le dispute à leur hypocrisie et leur silence face à l'horreur qui ronge une humanité en fin de cycle. «Le fil d'Ariane» de Abdelhak Najib. Editions Orion. 280 pages. Novembre 2023. Disponible en librairies