Pour ceux qui affectionnent ce type de littérature, l'écriture de Christian Bobin se situe à mi-chemin entre la philosophie et la poésie. Dans cet opus, l'auteur livre des réflexions sur le monde, l'homme et l'existence. En effet, Christian Bobin s'inscrit volontiers dans la droite lignée des grands auteurs à fragments. De Friedrich Nietzsche à Michel Cioran, en passant par René Char, nous sommes face à un poète-philosophe. Son écriture est la parfaite illustration d'un style qui découle d'une vision. Comme l'affirmait Marcel Proust : «Le style n'est jamais un enjolivement, comme croient certaines personnes, ce n'est même pas une question de technique, c'est comme la couleur chez les peintres - une qualité de la vision, la révélation de l'univers particulier que chacun de nous voit et que ne voient pas les autres. Le plaisir que nous donne un artiste, c'est de nous faire connaître un univers de plus». Chez Christian Bobin, au-delà du style, il y a l'ouverture vers plusieurs horizons de réflexion. Œuvre ouverte, sa pensée trace des contours universels et s'adresse à l'être humain, dans ses innombrables variations. La philosophie de Christian Bobin exige un style tout particulier. C'est la fluidité qui domine son œuvre, qui a la simplicité d'un chant joyeux. Chez lui, la philosophie souriante et gaie consiste à porter un regard très doux sur la vie. Quelques mots reviennent comme des leitmotive dans son œuvre : amour, dieu, enfance, solitude, lumière. Chez lui, les aventures amoureuses, les suspens de Marcel Proust, le héros blasé de Chateaubriand, l'héroïne ambitieuse de Flaubert ou les plages exotiques de Charles Baudelaire font place à une simple expression de la vie. Comme il affirme lui-même, il ne fait qu'«attendre le passage de Dieu ou d'un insecte, ou de rien». On a même reproché à Christian Bobin de parler pour ne rien dire. A ce propos, les titres qu'il a choisis pour ses livres sont particulièrement révélateurs: Souveraineté du vide, L'éloge du rien, La Part manquante... comme s'il existe toujours un vide chez lui ; mais ce vide et ce rien ne témoignent pas de la vacuité ou du nihilisme, tout au contraire, c'est la lumière, ou encore ce que Christian Bobin ne peut exprimer par des mots. Cette absence est la plénitude. De même, nous pouvons dire qu'il existe une sorte de mysticisme chez lui, mysticisme dont il va progressivement révéler les différents aspects dans ses œuvres, mysticisme qui va aboutir à la lumière à laquelle Christian Bobin nous a peu à peu habitués. Christian Bobin, La lumière du Monde. Gallimard. 150 DH.