L'opposition, mais aussi des voix à droite, accusent Nicolas Sarkozy de mettre en danger l'unité de la Nation avec ses propositions anti-délinquance, à des fins d'électoralisme et de diversion. Depuis que le président a menacé vendredi de déchoir de la nationalité française toute personne d'origine étrangère portant atteinte à un membre des forces de l'ordre, les critiques n'ont pas de cesse contre ce que la gauche assimile à une dérive droitière. Le dirigeant centriste du MoDem, François Bayrou, a joint lundi sa voix à ceux qui dénoncent un amalgame scandaleux entre immigration et délinquance en accusant Nicolas Sarkozy de manier des "sujets dangereux pour la France". "Il s'agit de provoquer une polémique parce que la polémique est le meilleur moyen de faire de la communication, de ressouder ce qu'on croit être son camp autour de soi lorsque les sondages fléchissent", a-t-il estimé sur Europe 1. "Autant il est juste et légitime et nécessaire d'avoir en matière de sécurité une démarche intransigeante, forte et juste, autant essayer de tracer un signe égal entre immigration et insécurité, entre immigration et délinquance, c'est rendre au pays un très mauvais service et c'est à mon sens rendre plus dangereuse encore la société française", a-ti-l souligné. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, est allé dimanche plus loin que le chef de l'Etat en proposant d'étendre les possibilités de déchéance de nationalité à l'excision, la traite d'êtres humains et la "délinquance grave". Dans un message posté lundi sur son blog, l'eurodéputé socialiste Harlem Désir regrette un discours qui "fait mal à la France" et cherche, selon lui, à reconquérir l'électorat du Front national en vue de l'élection présidentielle de 2012. "La concurrence désormais ouverte avec le Front National conduit Nicolas Sarkozy à sombrer dans le pire des registres : le populisme le plus brutal et le plus nauséabond", écrit l'ancien président de SOS Racisme. NOVELLI DEMENT TOUTE MANOEUVRE DE DIVERSION "On ne peut accepter que le prix à payer pour deux ans de campagne présidentielle d'un chef de l'Etat rejeté par les Français soit la mise en danger de 200 ans de conquêtes et d'héritage de la République", ajoute-t-il. Même jugement alarmiste de la part de l'ancien ministre socialiste de la Justice Robert Badinter, qui dresse un parallèle entre le pouvoir en place et "des régimes qui d'un seul coup se penchent vers l'origine des citoyens, des justiciables". "Ceux-là on les connaît dans l'Histoire", a-t-il dit sur France Inter. "L'article premier de la Constitution dit que (...) la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine", a-t-il rappelé. Les propositions de Nicolas Sarkozy, a-t-il poursuivi, sont "une faute politique parce que le coeur du problème c'est le sentiment de certains de ces Français, que M. Sarkozy appelle d'origine étrangère, de demeurer malgré leur carte d'identité des étrangers de la Nation". Egalement invité de France Inter, l'ancien ministre socialiste Jack Lang voit "mal qu'en cette période, on change la Constitution pour faire adopter un tel texte qui serait manifestement en contradiction avec les principes constitutionnels d'égalité des citoyens". Même à droite, l'inquiétude s'exprime. L'ancienne ministre de François Fillon Christine Boutin, présidente du Parti chrétien démocrate, a mis en garde contre "une véritable explosion entre deux France". "Répondre par la stigmatisation et la peur n'est pas la solution, on aboutira à une véritable explosion entre deux France", a-t-elle déclaré sur iTélé. Seul membre du gouvernement à s'exprimer lundi, Hervé Novelli a affirmé sur RTL que Nicolas Sarkozy avait "eu parfaitement raison de faire (...) ces annonces de fermeté contre les auteurs de coups de feu". "Il est proprement insupportable que dans un pays démocratique on tire sur les policiers", a-t-il justifié. Le secrétaire d'Etat au Commerce a jugé que la dirigeante socialiste Martine Aubry avait eu "tort" de parler de dérive anti-républicaine. "Dans un pays, la première des libertés c'est d'assurer la sécurité, et le président est parfaitement dans son rôle". Il a nié que l'exécutif ait ainsi cherché à détourner l'attention de l'opinion publique de l'affaire Woerth-Bettencourt, qui l'empoisonne depuis plus d'un mois. "Ce n'est pas un détournement d'attention par rapport à l'affaire Woerth, c'est un grave problème, il faut le régler".