Samir : Comment le Maroc en est arrivé là ? Dans cette série d'articles, nous allons essayer, dans la mesure du possible, de tracer l'histoire d'un joyau industriel national qui a tant contribué au développement économique du pays, en l'occurrence la SAMIR. Il faut dire que notre véritable souci n'est pas de distribuer des accusations gratuites, loin s'en faut, mais consiste à dévoiler les véritables causes qui ont été à l'origine d'une déconfiture historique. Notre analyse s'étendra également à lever le voile sur la fermeture de l'entreprise et son impact sur le marché des hydrocarbures, entre autres... L'histoire n'est pas amnésique disait l'autre. Assurément, elle retiendra comment un gouvernement censé défendre les intérêts publics, s'est démarqué par son immobilisme notamment en ce qui concerne la gestion du dossier de la Samir. A chaque sortie médiatique, les responsables des gouvernements qui se sont succédé depuis l'arrêt de la raffinerie ont justifié leur « inactivité », par le fait que le dossier se trouve devant la justice. Il semble que la notion du temps économique ne fait pas partie de l'appareil conceptuel des responsables du gouvernement qui ont brillé spécialement par leur absence, surtout quand il s'agit du dossier de la Samir. Comment explique-t-on le fait que sept ans n'ont pas suffi à nos Exécutifs pour dénouer ce dossier. Est-ce que cela s'explique par un manque de compétences ou d'une oisiveté volontaire ? Ce qui est qui sûr, c'est que l'histoire retiendra que ce gouvernement a fait les mains et les pieds en s ́érigeant contre la volonté populaire et multiples appels des voix sages qui n ́ont cessé de l ́appeler à se conformer à la raison. Conseil de la concurrence : une démarche incomplète Il faut dire que la résolution de ce dossier requiert, en principe, une coopération étroite entre l'ensemble des pouvoir publics, affirment les experts. Qui plus est, il semble que le gouvernement n'accorde aucune importance au facteur temps. D'ailleurs, plus le dossier traine, plus la valeur de l'entreprise chute davantage. Il est à souligner que depuis l'arrêt de la raffinerie, le recours à l'achat des produits raffinés fait perdre à l'Etat marocain environ 5 MMDH annuellement. Autre point non moins important, c'est que la cessation des activités de la Samir a conduit à une distorsion des conditions de la concurrence et a donné libre cours aux grands distributeurs pour dompter le marché des hydrocarbures en réalisant des profits obscènes, s'élevant à 8 milliards de DH par an. Autre point non moins important c'est que le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole (FNSRMP) en réaction au rapport établi par le Conseil de la concurrence en fin septembre 2022 a jugé que l'avis de cette instance sur la hausse des prix des hydrocarbures intervient à un moment où les Marocains s'attendent à ce que cette instance publique tranche dans la plainte pour soupçons d'entente sur les prix pratiqués sur le marché depuis 2016. Sachant que le Conseil a confirmé une forte concentration dans le secteur et l'absence des conditions de concurrence, ce qui, par conséquent, a laissé les consommateurs à la merci des grandes entreprises détenant plus des deux tiers du marché. Le Bureau exécutif du FNSRMP a considéré que la démarche adoptée par le Conseil de la concurrence contient des irrégularités vu que son avis aurait été influencé par des auditeurs qui « ont été écoutés de manière sélective ». Autrement dit, le Font national a souligné que le Conseil de concurrence s'est départi de la recommandation précédente qui mettait l'accent sur la nécessité de détenir les clefs de l'industrie de raffinage. La même source a noté, en outre, que le Conseil a évité d'évoquer le rapport établi par la mission d'information parlementaire sur les prix des hydrocarbures, ou encore les prix pratiqués avant la libéralisation du secteur par le gouvernement Benkirane. L'une des dysfonctionnements de cette libéralisation mise en place sans mécanismes d'accompagnement, c'est que l'Etat, après avoir décompensé totalement la subvention des hydrocarbures, avait considéré en fin 2015 que le marché des hydrocarbures a atteint un stade d'autorégulation et que les opérateurs étaient suffisamment matures pour supprimer l'homologation des prix. Cette décision a laissé le secteur, pour paraphraser joseph Stieglitz, à la merci du fanatisme du marché. Le paradoxe du marché ? Certes, le texte suprême de la nation a consacré le rôle du Conseil de la concurrence en tant qu'institution indépendante, chargée d'assurer la transparence et l'équité, mais plusieurs points d'interrogations demeurent en suspens. Notons que, selon le rapport du Conseil de la concurrence, que depuis août 2015 date de l'arrêt de l'activité de la Samir, le leader du marché a importé le produit raffiné à un coût de revient très largement supérieur au coût cde revient d'un opérateur de taille très faible détenant une part de marché de 6%. Il s'agit là d'un paradoxe par excellence. « Or, quand vous avez cinq à six fois la taille d'une petite entreprise et que vos coûts de revient sont plus élevés, cela signifie que vous êtes un très mauvais gestionnaire ou vous avez d'autres intérêts ailleurs », a fait remarquer l'économiste Mohammed Benmoussa lors d'une conférence tenue à la faculté de droit à Casablanca. Aujourd'hui des interrogations se posent sur le sort de l'affaire opposant le Maroc au Corral Morocco Holdings, portée devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Il faut avoir à l'esprit que Ce type d'arbitrage a une religion bien précise, celle de défendre les intérêts privés et juge les dossiers en termes de forme au lieu d'aller à l'essence des choses. Après l'échec du transfert des actifs en dépit que plusieurs investisseurs ont manifesté leurs intérêts pour l'achat de la raffinerie, le FNSRMP a décidé « d'étudier la possibilité de recourir à l'ouverture d'une souscription publique via le marché boursier pour les personnes physiques et morales afin d''aquérir les las actifs de la Samir libérés de toutes dettes et de toutes hypothèques. » Cette initiation sera menée en concertation avec les banques du Royaume dans le dessein de solliciter leurs participation active pour aboutir cette opération d'ordre patriotique. Quant à notre gouvernement, « la gestion du dossier de la Samir a appris au Marocains qu'il ne faut rien attendre d'exceptionnel de l'Exécutif qui a fait le choix de se positionner de l'autre côté de la barricade », ironise un membre FNSRMP.