Nabil El Bousaadi L'Equateur vit une crise sécuritaire inédite et c'est le moins que l'on puisse dire au vu de la vingtaine d'attaques aux armes à feu et aux explosifs qui, ces derniers jours, ont été perpétrées par des cartels de narcotrafiquants contre des postes de police, des stations-services et même un centre de santé. Mais si les massacres dans les prisons équatoriennes sont récurrents puisqu'ils ont fait plus de 400 morts en deux ans, l'annonce, le 31 Octobre, par le gouvernement, du transfert d'au moins 515 détenus de la prison de Litoral, dans le sud-ouest du pays, vers d'autres établissements du centre du pays a été la goutte qui a fait déborder le vase puisque cette opération a donné lieu à une grande révolte dans le centre pénitentiaire du port de Guayaquil, situé sur la côte Pacifique, épicentre de la violence et plaque tournante du narcotrafic. Et en dépassant les murs d'enceinte de la prison, la décision de transférer les détenus a donné lieu « à près d'une douzaine d'attentats à la bombe et d'attaques » contre les policiers selon le média « Plan V » alors que le ministère de l'Intérieur a indiqué, de son côté, que les attaques perpétrées, ce mardi, ont fait « cinq morts parmi les policiers » à Guayaquil, poumon économique du pays et capitale du Guayas (sud-ouest) et dans la ville voisine de Dura et 23 blessés pour la plupart des policiers et des militaires ; ce qui porterait à 61 le nombre des policiers morts cette année du fait de ces violences. En réponse à cette vague d'attentats menée pour dénoncer le transfèrement de certains détenus du centre pénitentiaire Guayas à Guayaquil et à la prise en otage, mardi, de 8 gardiens de cette prison avant leur libération par les forces de l'ordre, le chef de l'Etat, le président Guillermo Lasso, qui considère que « ces actes de sabotage et de terrorisme sont une guerre ouverte contre l'Etat de droit, le gouvernement et les citoyens », n'a pas eu d'autre choix que celui de décréter, à partir de mercredi 2 novembre, l'état d'urgence, conformément à la Constitution, dans les provinces de Guayas et d'Esmeraldas, les plus touchées par la criminalité liée au trafic de drogue, et d'instaurer un couvre-feu de 21 heures à 5 heures, pendant une durée de 45 jours, dans ces villes qui abritent, à elles seules, près de 6 millions d'habitants soit le tiers de la population totale du pays. Situé entre la Colombie et le Pérou, qui sont les plus grands producteurs mondiaux de cocaïne, l'Equateur, naguère pays de transit, s'est subitement transformé en un important centre de distribution en direction de l'Europe et des Etats-Unis si bien que les autorités équatoriennes avaient saisi, l'année dernière, 210 tonnes de drogue – principalement de la cocaïne – et procédé, depuis le début de cette année, à la saisie 160 tonnes. Raison pour laquelle, en étant liés pour la majorité d'entre eux à des cartels mexicains, les narco-trafiquants équatoriens mènent, depuis Février 2021, dans les rues et dans les différentes prisons du pays, cette guerre sans merci qui a fait plus de 400 morts. Aussi, même s'il est quasiment certain que ces dispositions constitutionnelles que sont l'Etat d'urgence et le couvre-feu ne pourront, dans le meilleur des cas, que permettre au trafic de drogue, bien implanté dans un pays qui lui sert de plaque tournante, d'observer une trêve avant de reprendre de plus belle, attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI