Journée mondiale de la santé mentale 2022 Ouardirhi Abdelaziz La Journée mondiale de la santé mentale, célébrée chaque 10 octobre en lien avec l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), est pour nous l'occasion d'en savoir un peu plus sur les maladies mentales, de sensibiliser nos lecteurs et l'opinion publique aux questions liées à la santé mentale, et de mobiliser les décideurs, les responsables, nos lecteurs et l'opinion publique sur cette problématique. De la maladie mentale, nous son restés pendant très longtemps sourds, aveugles, refusant de voir cette réalité bien en face. Entre malédiction, hchouma, tabou, résistance à une réalité que certains considèrent comme choquante et pénalisante, la maladie mentale nous revoie vers quelque chose d'insupportable. Ce qui a ouvert le champs aux charlatans, aux lieux où de nombreux malades mentaux étaient enfermés, et certains enchainés. Aujourd'hui, les choses ont changé en mieux, et l'évolution de la santé mentale ces dernières années témoigne d'une profonde volonté de réforme, pour rattraper le retard par une mise à niveau tant en moyens humains, matériels, que des structures adaptées à la prise en charge des maladies mentales au Maroc. Tous concernés par la maladie mentale À l'instar de la communauté internationale, le Maroc a célébré le 10 octobre 2022 la journée mondiale de la santé mentale. Le thème retenu pour cette édition est : « Faire de la santé mentale et du bien-être pour tous une priorité mondiale. » Il est utile de rappeler que cette journée est célébrée chaque 10 octobre en lien avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avec comme objectifs de sensibiliser le gouvernement, les politiques, les professionnels de santé, les associations, le grand public aux questions et problèmes de santé mentale. En effet, la journée mondiale de la santé mentale est une occasion idoine pour sensibiliser nos citoyens aux problèmes de santé mentale qui peuvent toucher chacun d'entre nous. Car personne n'est à l'abri particulièrement dans un monde en perpétuel mouvement, marqué par des conflits, les changements climatiques, le chômage, la maladie, le coût de la vie, le stress, la dépression ... La santé mentale constitue un très important défi pour plusieurs pays dans la mesure où un individu sur quatre souffre de problèmes de santé mentale à un moment de son existence. Bref, toutes sortes de troubles, et particulièrement les problèmes de santé mentale, qui sont multiples, variés et de plus en plus fréquents n'épargnant aucune personne : les personnes âgées, les adultes et les jeunes, les femmes et les hommes. Un constat accablant Loin de nous toute idée de brosser un tableau noir concernant la santé mentale. Nous savons très bien qu'au Maroc, dans les années 60-70, il n'y avait pas de véritable politique de santé mentale avec des structures adaptées, des professionnels de santé spécialisés, des médicaments innovants .... Dès lors, on comprend mieux que le rapport établi par le Comité National des Droits de l'Homme (CNDH) suite à l'enquête d'investigation du CNDH, qui a été réalisée en 2012 sur les établissements hospitaliers psychiatriques, et qui a pointé les difficultés majeures auxquelles est confrontée la santé mentale dans au Maroc, a été sans concession. Ce rapport avait conclu que les structures des hôpitaux investigués sont archaïques et inadaptées, avec iniquité dans la répartition des ressources humaines spécialisées en santé mentale à travers le territoire du pays. La santé mentale, en tant qu'exigence et condition du bien-être des citoyens, n'a pas la place qu'elle mérite dans les politiques publiques. Tout aussi alarmante, et très préoccupante l'étude réalisée par le Conseil économique social et environnemental (CESE), qui rapporte que la santé mentale souffre de plusieurs problèmes. Pénurie en ressources humaines, d'après les résultats de l'Enquête nationale relative aux troubles mentaux, quelque 48,9% de la population marocaine enquêtée, âgée de 15 ans et plus, présentent ou ont déjà présenté des signes de troubles mentaux. Le Maroc ne dispose que de 2.431 lits réservés aux maladies mentales et de seulement 454 psychiatres, près de de 1400 infirmiers de psychiatrie .......... Des chiffres sont très en deçà des niveaux nécessaires pour assurer la prise en charge de la maladie mentale pour un pays comme le Maroc qui compte près de 40 millions d'habitants. Il est évident que ces chiffres interpellent, ne laissent pas indifférent. D'énormes progrès, mais il reste beaucoup à faire Le choix par l'OMS du thème de l'Edition de 2022 « Faire de la santé mentale et du mieux-être de tous une priorité mondiale » n'est pas fortuit, n'est nullement le fait d'un hasard. Bien contraire, c'est un sujet qui revêt une très grande importance. La santé mentale représente aujourd'hui plus qu'en tout autre temps, un défi majeur de santé publique, et doit de ce fait s'inscrire dans toutes les politiques de santé et plan de développement sanitaire. Il est vrai que le Maroc a entrepris un travail remarquable dans le domaine de la santé mentale, des efforts louables ont été consentis, ce qui a permis de construire de nouvelles infrastructures spécialisées dans la prise en charge des maladies mentales. De nouveaux hôpitaux, de centres sont venus renforcer la capacité litière, le nombre de médecins spécialistes (psychiatres – psychologues – infirmiers) connait un léger mieux, mais reste insuffisant. Les activités de prise en charge de la santé mentale sont de plus en plus décentralisées, et intégrées dans le paquet des soins de santé dans les établissements de soins de santé de base. Un véritable problème de santé publique Selon les données de l'OMS, la maladie mentale représente un véritable problème de santé publique. Face aux chiffres, les experts tirent la sonnette d'alarme. Les dépressions sont très fréquentes, et on considère qu'une famille sur quatre a autour d'elle, un malade mental. Il y a un million de suicides dans le monde chaque année. Il y a un demi-milliard de personnes qui souffrent de troubles mentaux au niveau mondial. 50 % des arrêts de travail dans le monde sont liés aux troubles mentaux, ou troubles dépressifs. Seulement 20% de malades bénéficiant de soins adaptés dans les pays en développement. Toutes ces affections représentent un coût pour le malade, pour les familles, pour la sociétés, pour l'économie des pays. Le Maroc est très concerné par la maladie mentale Le Maroc est concerné aujourd'hui par la maladie mentale. C'est même un problème de santé publique. La prévalence des troubles mentaux au sein de notre population est estimée entre 5 à 6%. Ces troubles mentaux sont répartis comme suit : il y a les troubles mentaux sévères, 2% de Marocains, soit 600.000 individus qui en souffrent, dont 1% est atteint de schizophrénie et 1% de trouble bipolaire ou maniaco-dépressif, et 26,6% souffrent de dépression, pratiquement le quart de la population. A côté, il y a toutes les attitudes anormales, telles les comportements suicidaires qui sont de plus en plus nombreux. Surtout parmi les jeunes et dont la principale cause est souvent la dépression. Mais il faut aussi savoir que certaines substances nocives peuvent induire des effets néfastes sur la santé des jeunes qui dans bien des cas présentent des addictions à de nombreuses drogues. Aujourd'hui, ce n'est un secret pour personne que de dire que la toxicomanie mine notre jeunesse. En plus de l'abus d'alcool, il y a les psychotropes, l'héroïne, la cocaïne, le karkoubi, le kif, le diluant et autres poisons qui font en sorte de consolider les souffrances et les pressions que les jeunes sont en train de supporter. Le Maroc est concerné aujourd'hui par ce problème de santé publique, c'est pourquoi il est important de donner à la maladie mentale sa juste place dans la prise en charge de ces affections . Il s'agit aussi d'accorder une priorité à la prévention des maladies mentales, car la santé mentale permet à chaque individu de se développer harmonieusement dans son environnement, de mettre en valeur ses compétences, de progresser, de pouvoir accéder à ce pourquoi il aspire. Mobilisation des différents acteurs Il est nécessaire de fédérer, au sein de partenariat, les différents acteurs impliqués dans l'amélioration de la santé mentale. C'est-à-dire encourager les différentes directions régionales de la santé du Maroc à signer des conventions de partenariat avec les différentes associations concernées, pour assurer et encourager la promotion de la santé mentale, la prévention et la prise en charge des troubles mentaux. Toujours dans le cadre d'une mobilisation élargie, le ministère de la Santé doit encourager les différents acteurs, publics, privés, associatifs, universitaires, les patients et leur famille à travailler ensemble main dans la main pour développer des services de santé mentale exemplaires, notamment au sein des populations les plus démunies. Dans le même ordre d'idées, il est essentiel de lutter contre les stigmatisations, de ne pas abandonner les personnes en souffrance psychique, mais de les accompagner, de les soutenir, de tout mettre en œuvre pour améliorer leur situation morale, matérielle et sociale, de veiller à la défense de leur dignité, d'encourager la réalisation de toute action susceptible d'améliorer le bien-être des personnes en souffrance psychique et d'accompagner leurs familles tout au long du processus de prise en charge... En conclusion, il y a lieu d'être optimiste pour l'avenir de la santé mentale. Il existe d'énormes potentialités, de compétences humaines dans ce domaine très particulier, qui sont constamment mobilisées pour contribuer au développent de la santé mentale au Maroc. Ce qui manque, c'est les professionnels de santé en nombre suffisant, et cela est de la responsabilité de l'Etat qui doit faire des choix.