Seule une minorité de personnes souffrant de troubles mentaux recourt au diagnostic et au traitement bien qu'ils soient accessibles, a affirmé le professeur Jalal Taoufik, psychiatre et directeur de l'hôpital Arrazi de santé mentale à Salé. A l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, célébrée le 10 octobre de chaque année, Dr Taoufik a relevé que "la majorité des personnes souffrant de troubles mentaux ou du comportement n'ont pas recours à des traitements efficaces, ce qui les rend vulnérables et marginalisés par certains individus qui les voient comme une source de danger dont il faut se prémunir. En raison des idées reçues relatives aux malades mentaux et des stéréotypes qui persistent encore, le spécialiste a ajouté qu'il s'agit de jugements non-fondés et qui contredisent pourtant les faits. Qualifiés de "désespérés'', ''excentriques'' ou ''anormaux'', les malades mentaux sont exposés, dans plusieurs cas, à la violence, aux séquestrations dans des maisons et des lieux isolés, ainsi qu'à d'autres formes d'exclusion qui les privent de l'intégration socio-professionnelle. Dr Taoufik a, également, indiqué que seulement 400 médecins spécialisés dans les maladies psychiatriques et mentales opèrent au Maroc, soit 2,5 fois moins que le taux minimal recommandé par l'OMS. Le praticien a précisé que le thème choisi cette année pour célébrer la journée mondiale de la santé mentale est ''la dignité en santé mentale'', étant donné que le principe de la dignité se base essentiellement sur la reconnaissance de la possibilité du traitement des personnes atteintes des maladies mentales, selon les mêmes approches, stratégies, moyens financiers, et ressources humaines, mises à la disposition des autres maladies. De même, il a regretté le fait qu'il y a une centaine d'associations qui s'activent dans la prise en charge de certaines maladies chroniques telles que les maladies cardiaques, de néphrologie, du cancer, du diabète, tandis qu'elles se désintéressent des personnes atteintes de troubles mentaux. Selon une étude élaborée par le ministère de la santé avec l'appui de les Nations unies, le Pr. Taoufik a noté que le taux de prévalence des maladies mentales au Maroc va de pair avec celui enregistré au niveau mondial, notamment dans ses différents aspects liés à la dépression, la schizophrénie et la phobie. Parallèlement, il a indiqué que la différence se révèle uniquement quand il s'agit de l'addiction du malade mental, dont le taux change d'un pays à un autre, vu la facilité d'accès aux drogues de toutes sortes, soulignant que les malades mentaux n'ont aucun lien de causalité avec leur vécu socio-économique, ou le taux de croissance enregistré dans leur pays, ce qui explique que cette maladie est répandue d'une manière disproportionnée au niveau mondial. Évoquant les comprimés destinés au traitement des maladies psychiques et mentales, qui pourraient contenir des substances un effet hallucinogène, le professeur a confirmé que la prise de ses comprimés en dehors de toute supervision médicale pourrait avoir des effets contraires, qui se manifestent sous forme de diminution des fonctionnalités du cerveau, de comportements bizarres, parfois agressifs et hostiles, notamment, s'ils sont associés à d'autres types de drogues ou d'alcool. Une bonne prise en charge des malades mentaux nécessite une approche globale Il a aussi considéré qu'une bonne prise en charge des malades mentaux nécessite une approche globale ayant pour corolaire la famille, mais cette dernière assimile la maladie mentale à des possessions diaboliques ou à des malédictions, et recourt parfois aux charlatans à cause de manque de moyens ou d'ignorance au lieu de chercher les soins auprès des spécialistes dans le domaine. En outre, cette prise en charge s'articule sur la sensibilisation de la société de cette maladie et l'amélioration des interventions des départements ministériels concernés. Dr Taoufik a conclu que la santé mentale au Maroc reste un domaine très compliqué, nécessitant une révision des opportunités possibles pour la prise en charge des malades, le renforcement des ressources humaines, notamment les psychiatres et les assistantes sociales, tout en se félicitant le rôle du ministère de la santé, qui a accordé un intérêt particulier à la santé mentale, l'érigeant en priorité avec un plan national dédié (2013-2016), accordant une importance majeure à la promotion de la santé mentale et invoquant la responsabilité de tous les intervenants concernés des secteurs publics et privé. La célébration de la journée mondiale de la santé mentale constitue une occasion pour examiner la situation de cette catégorie de personnes et de s'arrêter sur les symptômes et les conséquences du stress et ce pour augmenter les perspectives de différents services de prise en charge des malades mentaux. Cette journée a été créée par la Fédération mondiale pour la Santé mentale en 1992. Le but est de sensibiliser l'opinion publique sur les problématiques liées à la santé mentale, de capitaliser les efforts visant à diminuer le taux de prévalence, et ce par un débat général autour de cette maladie, et d'octroyer aux hôpitaux un appui financier conséquent afin de prodiguer des prestations sanitaires de qualité et de mettre fin à la marginalisation dont souffrent les patients. La Fédération mondiale pour la Santé mentale qui a choisi cette année le thème "Les premiers secours psychologiques, une approche clé pour aider les personnes récemment exposées à des situations d'urgence", dans le but de promouvoir les services de prise en charge de la santé mentale, afin que les gens puissent se familiariser avec cette maladie, agir efficacement contre les contraintes, l'isolement et la ségrégation qui nuisent aux malades, aux membres de leur famille, ainsi qu'aux personnes chargées de leurs prodiguer les soins. Selon les statistiques communiquées par l'OMS, les maladies mentales affectent 12% de la population mondiale, tandis que la dépression, la maladie la plus répandue au niveau mondial, touche 26% des femmes et 12% des hommes et risque de devenir en 2020 en tête des maladies, provoquant une incapacité de travail. Et d'ajouter que la moitié de la population mondiale n'ont qu'un psychiatre pour 100.000 individus, et les services sanitaires de la santé mentale sont dépourvues de ressources humaines et financières dans plusieurs pays pauvres.