Nabil EL BOUSAADI C'est un accord inédit, jugé « sans précédent » par le Secrétaire général des Nations-Unies, qui a été signé, ce vendredi 22 Juillet, sous le parrainage de l'ONU, par la Russie et l'Ukraine, dans l'enceinte du Palais de Dolmabahçe à Istanbul avec pour objectif de tempérer les craintes de la crise alimentaire qui se profile à l'horizon car, d'après le Programme Alimentaire Mondial (PAM), ce sont 47 millions de personnes supplémentaires qui sont, désormais, exposées à «une faim aiguë », mais, aussi, de ralentir l'inflation qui s'en est suivi en permettant l'exportation de près de 25 millions de tonnes de céréales qui sont entreposés, depuis des mois, dans des silos à l'intérieur de l'Ukraine et de soulager, ainsi, les pays dépendant des marchés russe et ukrainien qui, à eux deux, assurent 30% du commerce mondial du blé. Etaient présents, pour la signature de cet accord, âprement négocié depuis Avril dernier et intervenu près de cinq mois après le début du conflit russo-ukrainien, Antonio Guterres, le président turc Recep Tayyip Erdogan, les ministres turc et russe de la Défense ainsi que le ministre ukrainien des Infrastructures. Cette cérémonie s'est déroulée sous les drapeaux des protagonistes – Russie et Ukraine – séparés par la bannière bleue de l'ONU et rouge de la Turquie qui, en tentant de s'interposer en tant que médiatrice depuis le déclenchement, le 24 février dernier, de l'offensive russe sur l'Ukraine, espère que la conclusion de cet accord, qui s'est avéré bien difficile à mettre en oeuvre, va, tout de même, « renforcer l'espoir de mettre fin à cette guerre ». Cet accord qui reste valable pendant « 120 jours » – le temps qu'il faudra pour sortir les céréales entassées dans les silos ukrainiens alors que la nouvelle récolte approche – va permettre aux navires marchands traversant la mer Noire de circuler à travers des « couloirs sécurisés » car, comme l'a affirmé, un responsable de l'ONU ayant requis l'anonymat, « les deux parties se sont engagées à ne pas les attaquer ». Et si l'Ukraine a suggéré, par ailleurs, que ces exportations commencent à partir des ports d'Odessa, de Pivdenny et de Tchornomorsk avant de toucher d'autres ports, il y a lieu de signaler qu'un Centre de Coordination Conjoint (CCC) comprenant des représentants de toutes les parties concernées et des Nations-Unies a été « mis en place » ce week-end à Istanbul avec pour mission d'inspecter les navires au départ et en direction des ports ukrainiens afin de répondre aux inquiétudes de Moscou qui cherche à avoir la garantie que ceux-ci n'apporteront pas d'armes à l'Ukraine après avoir pu avoir la certitude que les « sanctions occidentales » ne s'appliqueront – ni de manière directe ni de manière indirecte – à ses exportations de produits agricoles et d'engrais car, comme l'a déclaré, jeudi, le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, « même si les produits (agricoles) russes ne sont pas concernés par les sanctions, il y a des blocages concernant le transport maritime, les assurances et le système bancaire ». En considérant, enfin, qu'il s'agit, pour le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, «d'une avancée cruciale dans les efforts visant à surmonter l'insécurité alimentaire mondiale causée par l'agression de la Russie contre l'Ukraine », est-il permis de croire qu'avec la signature de cet accord qui prévoit l'ouverture de couloirs permettant la circulation des navires commerciaux en mer Noire, la fameuse « crise du blé » née de la guerre d'Ukraine et le spectre de la crise alimentaire mondiale qui se profilait à l'horizon ne seront plus, dans les mois à venir, qu'un lointain souvenir ? Tout porte à le croire, en effet, mais attendons pour voir...