Nabil El Bousaadi En voulant arracher, à la Chine, l'engagement de ne pas aider la Russie à contourner les sanctions qu'elle a décidé de lui imposer du fait de son offensive sur l'Ukraine, l'Union européenne s'est heurtée à un mur lors du sommet virtuel qui s'est tenu ce vendredi. Or, il n'est nul besoin d'être un fin observateur de la politique internationale pour comprendre que Pékin ne pouvait pas réagir autrement face à une Europe qui s'acharne à rester arrimée au char américain et ce, d'autant plus que trois semaines avant le déclenchement des « opérations militaires » russes en Ukraine, Vladimir Poutine et Xi Jinping avaient signé, à Pékin, une déclaration commune scellant une « amitié sans limites » entre leurs deux pays et mettant fin aux illusions dont l'Europe a du mal à se « détacher ». Ainsi, le fait même que le déclenchement de l'offensive russe sur l'Ukraine ait eu lieu postérieurement à la clôture des Jeux olympiques d'hiver de Pékin confirme, d'une manière claire et sans aucune ambigüité, que les deux pays s'étaient « donné le mot » et que l'amitié qui prévaut entre la Chine et la Russie est réellement une « amitié sans limites ». D'ailleurs, bien que les médias d'Etat chinois ont repris, ce samedi, les termes du communiqué de l'UE qualifiant « d'ouvertes et franches » les discussions entre la Chine et l'Union européenne, ceux-ci n'ont pas hésité, toutefois, à rappeler que la Chine, qui n'est pas partie prenante au conflit, ne saurait, à elle seule, convaincre Moscou de renvoyer ses soldats à leurs casernes même si, comme le rappellera le lendemain dans une conférence de presse, Wang Lutong, le directeur général des affaires européennes au sein du ministère chinois des Affaires étrangères, Pékin a « toujours soutenu un cessez-le-feu (et) contribué à l'effort de paix ». Il précisera, également, que « le rôle de la Chine » ne doit pas être « surestimé » car l'« action militaire [entreprise par la Russie] est une décision indépendante prise par un Etat souverain » qui, de ce fait, ne pourra pas être annulée sur une simple demande. Il y a lieu de signaler, en outre, que, deux jours avant la tenue du sommet virtuel UE-Chine, le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, avait été reçu à Pékin par son homologue chinois, Wang Yi, qui l'avait assuré que « la Chine souhaitait collaborer avec la Russie » et qu'il s'était rendu, par la suite, à New-Delhi d'où le gouvernement indien observe une attitude très conciliante à l'égard de Moscou à propos du « dossier ukrainien ». Aussi, lors de la visite de deux jours qu'il a effectuée en Inde, les 31 mars et 1er Avril, le ministre russe des Affaires étrangères a été reçu, non seulement par son homologue Subrahmanyam Jaishankar, mais, également, par le Premier ministre indien Narendra Modi pour un entretien bilatéral qui a duré près de quarante minutes ; ce qui signifie clairement que ce dernier qui, selon le communiqué officiel, s'est contenté d'appeler à un « arrêt rapide de la violence » en invitant les parties au dialogue, n'a nullement l'intention de se laisser dicter sa conduite par les occidentaux et que c'est pour cette raison que l'Inde s'est, régulièrement, abstenue de voter à l'ONU, les résolutions condamnant la Russie. Le chef de la diplomatie russe n'a pas caché, par ailleurs, le fait que sa visite en Inde n'avait pas pour seul but de « contourner » les sanctions financières occidentales mais, également, de mettre en place un mécanisme de paiement en monnaies nationales, rouble et roupie, pour permettre à l'Inde d'acheter de grosses quantités de pétrole russe à prix réduit et de lui vendre tout ce dont elle pourrait avoir besoin en matière de défense. Au vu de tout cela, il est donc clair que malgré les différents appels du pied de l'Union européenne, la Chine et l'Inde tentent de s'en démarquer en lui reprochant implicitement de suivre Washington aveuglément. L'instance supranationale européenne va-t-elle finir par changer son fusil d'épaule ? Attendons pour voir...