Face à la détermination des manifestants qui bloquent le centre de la capitale Ottawa depuis plus de dix jours, un mouvement semblait s'engager mardi au Canada pour assouplir les restrictions sanitaires contre le Covid parmi les plus strictes au monde. Dans le centre d'Ottawa, entre 400 et 500 camions occupaient toujours mardi les rues pour s'opposer aux mesures sanitaires, une situation « hors de contrôle » pour la ville qui a déclenché ce week-end l'état d'urgence. Le Premier ministre Justin Trudeau, resté silencieux pendant plusieurs jours, a dénoncé lundi le mouvement et estimé qu'il fallait que « cela cesse ». « Nous sommes tous fatigués des restrictions, de devoir faire des sacrifices quasiment tous les jours mais notre responsabilité en tant que gouvernement, c'est d'assurer la santé et la sécurité de tout le monde », a-t-il dit mardi à la Chambre des communes. Certaines provinces ont toutefois annoncé de nouveaux allégements: ainsi, la Saskatchewan et l'Alberta (centre), vont carrément renoncer au passeport vaccinal, estimant que « les avantages ne l'emportent plus sur les coûts ». Et pour la première fois depuis la mise en place de nouvelles restrictions liées à la vague Omicron, le Québec a annoncé un calendrier détaillé des allègements à venir. Même si l'épicentre se trouve à Ottawa, tout le pays est secoué par ce mouvement. Baptisé « convoi de la liberté », il visait à l'origine à protester contre la décision d'obliger les camionneurs à être vaccinés pour franchir la frontière avec les Etats-Unis. Mais il s'est rapidement transformé en mouvement contre les mesures sanitaires dans leur ensemble et contre le gouvernement. Le mouvement continue à faire tache d'huile Hors d'Ottawa, le mouvement continue à faire tache d'huile: le pont Ambassador, voie commerciale vitale entre les voisins nord-américains, qui relie l'Ontario à Detroit, aux Etats-Unis, était bloqué par des manifestants. Une situation qui pourrait avoir de « graves conséquences sur l'économie » si elle perdure, alertent autorités et entreprises. Ce pont suspendu est crucial pour l'industrie automobile mais aussi pour les hôpitaux américains qui emploient de nombreuses infirmières canadiennes. Depuis peu, le mouvement inspire également au-delà des frontières: à New York, plusieurs centaines d'employés municipaux ont manifesté contre l'obligation vaccinale; en Nouvelle-Zélande, un convoi a bloqué mardi les rues autour du Parlement à Wellington; en France, des milliers d'opposants au pass vaccinal ont annoncé vouloir « rouler sur Paris » samedi. Dans les rues du centre d'Ottawa, connue pour être une ville très calme: des pancartes contre Justin Trudeau, des drapeaux canadiens, mais aussi des feux autour desquels les manifestants se réchauffent. Sur les trottoirs ou au milieu des routes: des abris de fortune, quelques tentes et autour, des réserves d'eau et de nourriture. D'après la police, un camionneur sur quatre est venu manifester avec ses enfants, ce qui rend leur évacuation encore plus complexe, d'autant plus que certains ont enlevé leurs pneus et que d'autres ont modifié leurs freins pour « immobiliser leur camion ». « Dans les premiers jours, je trouvais ça sympathique. En démocratie, toute personne a le droit d'avoir une opinion différente et le droit de l'exprimer », explique Cédric Boyer, 48 ans, un Français installé à Ottawa. « Là où ça commence à poser un problème, c'est à partir du moment où la liberté de certains empiète sur celle des autres », ajoute-t-il. Mardi, les camionneurs, qui ont l'interdiction depuis la veille de klaxonner après une décision de justice, ont trouvé une autre façon de se faire entendre: faire vrombir les moteurs de leurs poids lourd, rendant l'air irrespirable.