En dépit des progrès économiques réalisés par le pays, la croissance demeure en deçà des niveaux nécessaires pour assurer son décollage. Si le pays veut accéder au rang des pays intermédiaires, il lui faudrait réaliser un taux de croissance moyen par habitant de l'ordre de 6 - 8 % par an sur 25 ans, soit l'espace d'une génération. C'est l'ambition affichée par le Cercle d'analyse économique de la Fondation Abderrahim Bouabid à l'occasion de la présentation d'un nouveau rapport samedi à Rabat. Intitulé : «Le Maroc a-t-il une stratégie de développement économique ?», ce rapport de 86 pages est le fruit d'un travail collectif de six mois. Dans sa première partie, le rapport discute de l'existence d'une telle stratégie à travers un diagnostic et analyse des différents éléments de la politique publique en matière économique, tandis que la deuxième partie s'attache à identifier les causes profondes ou «méga-contraintes» de la croissance réalisée et qu'il juge «insuffisante». Loin d'emprunter une approche négationniste, le rapport reconnaît que les progrès réalisés au cours de la décennie passée sont «réels». Mais sont à «nuancer», affirment les membres du CAE –FAB qui rappellent que si pour les années 90, le pays était à son plus bas niveau historique de croissance depuis l'indépendance, il a pu réaliser depuis 2002-2003, une croissance plus rapide, tirant profit d'une conjoncture internationale favorable et d'une pluviométrie clémente. Cependant, non seulement il n'était pas le seul à profiter de cette conjoncture favorable, mais plutôt, il avait le moins profité de la croissance économique forte des années 2002-2008, comme le montre les différents benchmarkings établis. Au niveau du taux de croissance, de l'Indice de développement humain, des exportations, des Investissements directs étrangers (IDE) ou de la productivité des facteurs, le pays montre sa faible performance par rapport à ses concurrents. Idem pour les classements internationaux qui placent le pays dans des positions non ou peu réjouissantes, comme c'est le cas pour l'Indice de développement humain (IDH). A la différence de pays comme la Tunisie, la Turquie et la Malaisie…, le pays ne semble pas avoir fixé un objectif clair en matière de croissance économique, souligne le rapport. Les niveaux enregistrés en matière de croissance restent «en deçà de ceux nécessaires pour assurer le décollage économique du pays et lui permettre de rejoindre le club des pays à revenu intermédiaire. Pour pouvoir y arriver en l'espace d'une génération, soit 25 ans, le Maroc devrait enregistrer une croissance moyenne en termes réels de 6 à 8 %, tout en supportant une croissance démographique à un niveau stable de 1 %. Mais, «force est de reconnaître que nous sommes encore loin du compte», regrettent les membres du CAE-FAB qui soutiennent que le pays manque d'une stratégie de développement économique «visible ou évidente». En effet, et bien que de nombreux plans stratégiques ou politiques sectoriels soient mis en place, affirment-ils, il est difficile de trouver des éléments tangibles et factuels soutenant la thèse qu'il existe bel et bien une stratégie économique cohérente. «Le Maroc ne peut construire sa stratégie de développement économique sur les seuls secteurs de tourisme, de l'immobilier et de l'infrastructure», martèlent les auteurs du rapport. Et pour creuser du côté des causes profondes expliquant l'absence d'une stratégie de développement économique de nature à permettre au pays d'accéder à un nouveau palier de croissance, l'accent a été mis sur deux «méta-contraintes» qui relèvent du plan institutionnel : Un système de gouvernance «structurellement déficitaire» d'une part et de l'analphabétisme économique, d'autre part. Les membres du CAE-FAB achèvent leur rapport sur un ton optimiste : Il est possible de remédier à ces deux métas–contraintes en empruntant la voie des réformes. Au minima, exiger de la transparence sur toutes les politiques publiques, organiser des débats sur les grandes orientations économiques avant de les transformer en contrats programmes et permettre aux responsables gouvernementaux d'exercer leurs prérogatives. Aussi, est-il recommandé d'inclure des indicateurs d'impacts et d'outils d'évaluation des politiques publiques.