Après le soulèvement populaire qui, en Octobre 2019, avait fortement secoué le Chili et mis à mal le gouvernement conservateur du président Sebastian Pinera que l'opposition avait vainement cherché à destituer, les chiliens avaient voté, le 25 Octobre 2020, à une très forte majorité, pour la mise en place d'une nouvelle Constitution. Quatorze millions d'électeurs chiliens furent donc appelés à élire, à la proportionnelle intégrale, 155 délégués parmi plus de 1400 candidats représentant les 28 circonscriptions électorales que compte le pays. Mais si l'assemblée constituante qui a vu le jour à l'issue de ce scrutin dispose d'une année pour rédiger le nouveau texte supposé comporter « plus d'égalité et plus de justice sociale » dont se dotera le pays après son approbation par référendum, il y a lieu de rappeler qu'en réponse au souhait de la population qui, lors de l'important mouvement de protestation sociale qu'avait connu le pays, avait exigé que ce ne soient pas « ceux de toujours » qui élaborent la nouvelle Constitution, près des trois-quarts des candidats en lice n'avaient jamais exercé de fonctions politiques. Au terme de ce scrutin, les candidats indépendants avaient remporté 46% des suffrages et une liste, issue des manifestations de l'automne 2019, se positionnant à gauche et baptisée «Liste du peuple », s'était emparée de 27 sièges. La particularité de cette nouvelle Assemblée constituante chilienne réside dans le fait que, d'une part, c'est la première fois au monde qu'une telle institution a été élue sur une base paritaire puisque ce sont 77 femmes et 78 hommes qui se sont vus confier la rédaction de la nouvelle feuille de route du pays et que, d'autre part, les 10 peuples autochtones du Chili y ont été représentés par 17 délégués. Si donc l'Assemblée constituante élue va, dès le 4 Juillet prochain, commencer la rédaction de la nouvelle loi fondamentale qui remplacera la Constitution ultra-libérale héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), un nouveau Chili est en marche puisque le 21 Novembre 2021 auront lieu les prochaines élections présidentielles. Parmi les candidats en lice pour la magistrature suprême, Oscar Daniel Jadue, Maire de Recoleta, dans la banlieue de Santiago, ayant participé très activement au soulèvement populaire d'Octobre 2019 et désigné pour représenter le Parti Communiste chilien, apparaît, aujourd'hui, comme étant le mieux placé dès lors que le sondage «Plaza Publica» de la société de conseil « Cadem », lui attribue 20% des intentions de vote. D'après ce sondage, la seconde place reviendrait à Joaquin Lavin, le candidat de l'Union Démocratique Indépendante (UDI, droite) avec 16% des intentions de vote. Ce dernier sera suivi par Yasna Provoste, la présidente du Sénat qui, bien que n'ayant pas encore été désignée, de manière officielle, par le Parti Chrétien-démocrate, recueillerait 13% des intentions de vote alors que Sebastian Sichel, l'ancien président de la Banque d'Etat «Banco Estado» n'obtiendrait que 11% et que le score des autres candidats oscillerait de 7% à 1%. Mais qui est donc cet homme politique – d'origine étrangère et communiste, de surcroît – vers lequel tous les regards sont tournés au pays de Pinochet? Petit-fils de migrants palestiniens, Oscar Daniel Jadue, né le 28 Juin 1967 à Santiago, a fait ses premiers pas en politique lorsqu'en s'engageant dans le syndicalisme étudiant, il avait été président de l'Union générale des étudiants palestiniens et coordinateur de l'Organisation de la jeunesse palestinienne d'Amérique latine et des Caraïbes avant d'adhérer au Parti Communiste Chilien en 1993. Devenu membre du Comité Central du PCC, Daniel Jadue sera élu, en 2012, maire de Recoleta, une petite commune pauvre de la banlieue de Santiago qui abrite quelques 150.000 habitants. En prenant en main la gestion de cette commune, son nouveau maire Daniel Jadue y créera, en Octobre 2015, la première «pharmacie populaire» du pays où les médicaments sont de 30% à 50% moins chers que dans les autres officines. Plus de 150 municipalités du Chili ayant fini par adopter ce système, Daniel Jadue décide alors d'élargir progressivement l'initiative en créant, dans sa commune, une «Optique populaire» en Avril 2016, une «Immobilière populaire» en Janvier 2018, une «Université ouverte » en Novembre 2018, une «Librairie populaire» en Janvier 2019 et, enfin, un «magasin de disques populaire» en Avril 2019. Tout indique, enfin, qu'avec un tel palmarès et sauf «accident» de dernière minute, Oscar Daniel Jadue a toutes les cartes en main et toutes les chances de devenir le prochain président du Chili mais attendons pour voir... Nabil El Bousaadi