Ce samedi 15 février, Santiago, la capitale chilienne a abrité deux manifestations totalement opposées. La première, à la Plaza Italia devenue depuis le 18 octobre dernier l'épicentre des manifestations dirigées contre le pouvoir de Sebastian Pinera, a réuni des milliers de chiliens réclamant des réformes sociales et l'adoption d'une nouvelle constitution. La seconde qui s'est tenue devant l'Ecole Militaire de la ville comptait près d'un millier de défenseurs de la Constitution en vigueur, promulguée le 11 septembre 1980 sous la dictature d'Augusto Pinochet (1973/1990). Ceux-ci scandaient des slogans hostiles à la gauche tout en brandissant des drapeaux chiliens et des banderoles portant la mention «rejet». Le Chili traverse une crise politico-sociale sans précédent depuis que, le 18 octobre dernier, le gouvernement avait décidé d'augmenter les prix des tickets de métro. Intervenue après une série d'augmentations dont la plus importante avait trait à la hausse de 10,5% ayant affecté les tarifs de l'électricité, l'augmentation du prix des transports publics a été la goutte qui avait fait déborder le vase ; un vase déjà plein du fait d'un régime de retraite qui en s'appuyant, depuis l'ère Pinochet, sur un système par capitalisation totalement individualisée pour les salariés obligeait ces derniers à verser 10% de leurs émoluments sur un compte individuel géré par des organismes financiers privés chargés de les faire fructifier. Tous ces faits font que la rue chilienne est en ébullition depuis octobre dernier. Evoquant la «démesure» de la répression policière et militaire qui s'est abattue sur les manifestants, la délégation du Haut Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme envoyée sur place a dénoncé un « usage excessif de la force», des actes de «torture», des actes de «violence sexuelle» ainsi que des « arrestations arbitraires». En condamnant l'usage excessif, par les forces de l'ordre, de gaz lacrymogènes, de canons à eau et de balles en caoutchouc, la délégation onusienne a déploré la mort d'au moins 29 personnes ainsi que des milliers de blessés dont plus de 200 souffriraient de blessures oculaires graves et dont certains auraient même été « éborgnés ». Aussi, pour faire taire la rue et donner suite aux revendications du mouvement de contestation portant notamment sur la mise en place de profondes réformes, le président Sebastian Pinera a promulgué, en décembre, une loi prévoyant la tenue, le 26 Avril prochain, d'un référendum sur le changement de la Constitution en vigueur promulguée sous Pinochet. Ce référendum portera sur deux questions; la première sera relative au remplacement ou non de la Constitution et la seconde aura trait à la méthode qui sera adoptée pour sa rédaction. Cette deuxième question déterminera l'organe qui sera chargé de la rédaction du texte constitutionnel, lequel pourrait être soit un «Congrès mixte» comme le souhaite la coalition gouvernementale, qui comprendrait, à égalité, des citoyens élus à cette fin et des parlementaires, soit une « Assemblée constituante» intégralement composée de personnes élues dans le seul but de rédiger le texte constitutionnel. Si donc le 26 Avril prochain, le principe d'une nouvelle constitution est retenue, l'élection de l'organe qui sera chargé de la rédaction du texte constitutionnel – Congrès mixte ou Assemblée constituante – aura lieu en Octobre 2020 et ce dernier disposera, pour cela, d'un délai de neuf mois qui pourrait être prolongé de trois mois supplémentaires en cas de nécessité. Enfin, si avec les premières manifestations de rues contre la hausse des prix des services publics, ce mouvement de révolte avait pris, en Octobre dernier, la forme d'une insurrection populaire contre le pouvoir chilien, force est de reconnaître qu'aujourd'hui l'intensité n'est plus la même. Qu'adviendra-t-il, alors, de ce mouvement de contestation dans l'attente de la tenue du référendum du 26 Avril prochain ? Attendons pour voir…