Nabil EL BOUSAADI Selon les résultats annoncés, par le ministre de l'intérieur Abdolfazl Rahmani Fazli, au lendemain des élections présidentielles qui se sont tenues ce vendredi en Iran, c'est l'ultra-conservateur Ebrahim Raïssi, 60 ans, qui, sans surprise, va occuper le fauteuil présidentiel après avoir recueilli 61,95% des suffrages exprimés quand bien même le taux de participation n'a pas dépassé 48,8%. Ainsi, en dépit de la grande campagne de publicité entreprise par le pouvoir de Téhéran à l'effet d'inciter les iraniens à voter, la désaffection des urnes a été très importante puisque ce sont moins de la moitié des électeurs inscrits qui, ce vendredi, ont répondu à l'appel du gouvernement et pris la direction des bureaux de vote ; ce qui constitue la plus faible participation depuis l'instauration de la république islamique en 1979. Faisant suite à la proclamation officielle des résultats du scrutin de ce vendredi, le président sortant Hassan Rohani a félicité « le peuple pour son choix » même si, dans cette allocution télévisée, il n'a même pas pris la peine de citer le nom du vainqueur. La seconde place est revenue au général de division Mohsen Rezaï, un ancien commandant-en-chef des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique qui, en obtenant 11,80% des voix, a devancé l'ancien président de la Banque centrale Abdolnasser Hemmati (8,39%) et le député Amirhossein Ghazizadeh-Hachémi (3,45%). La particularité de ce scrutin réside dans le fait que, cette fois-ci, la République islamique a opté pour un verrouillage systématique en rompant avec cette ancienne tradition qui lui permettait d'offrir un semblant d'exercice démocratique, dans un face-à-face entre deux camps ; à savoir, celui des « réformateurs » favorables à une ouverture de la société iranienne sur le monde et celui des tenants d'une ligne dure, farouchement anti-occidentale, prônant une plus grande limitation des libertés dans le pays. C'est à ce titre que, pour la première fois, depuis l'élection du réformateur Mohammad Khatami, en 1997, le scrutin présidentiel s'est tenu sans véritable compétition dans la mesure où les candidatures des principales figures réformatrices avaient été invalidées par le Conseil des gardiens de la Constitution ; ceci dans le but évident d'assurer à l'ultra-conservateur Ebrahim Raïssi, une victoire claire et sans équivoque en ce moment où le Guide suprême, Ali Khamenei, qui a déjà 82 ans, pense à lui pour sa succession qu'il souhaiterait sans remous ni querelles intestines. Mais qui est ce personnage poussé à bout de bras par le régime pour occuper le fauteuil présidentiel et plus tard celui de Guide suprême alors même qu'en Iran, le président a des prérogatives limitées et que l'essentiel du pouvoir y est détenu par le guide suprême ? Qui est donc cet ancien chef de l'Autorité judiciaire qui, lors de sa campagne électorale s'est présenté comme étant le champion de la lutte anti-corruption et un ardent défenseur des classes populaires dont le pouvoir d'achat a été miné par l'inflation ? Qui est, enfin, ce dirigeant iranien prêt à former un « gouvernement du peuple pour un Iran puissant » et à exterminer tous les « foyers de la corruption » qui exhibe, avec fierté, son bilan au sein de l'Autorité Judiciaire quand les procès pour corruption visant de hauts dignitaires de l'Etat s'y étaient multipliés et avaient été largement médiatisés ? Si l'on pose cette question aux tenants du pouvoir en Iran, la réponse sera que M. Ebrahim Raïssi reste le garant et le meilleur défenseur des idéaux de la Révolution islamique mais si l'on interroge les opposants iraniens en exil ou les défenseurs des droits humains, il est incontestable qu'ils répondront que cet homme est l'incarnation même de la répression dès lors que son nom reste intimement lié aux exécutions massives des détenus de gauche en 1988 en sa qualité de procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran ; un passé qui lui a valu de figurer sur la « liste noire » des responsables iraniens sanctionnés, par Washington, pour leur complicité dans les « graves violations des droits humains ». La nouvelle administration américaine va-t-elle tourner la page afférente au passé du nouveau président iranien et lui tendre la main pour « construire ensemble » des relations apaisées ? Attendons pour voir...