Par Alex Taraj* Dans un communiqué paru sur son site internet, le guide suprême Ali Khameneï a nommé, jeudi 7 mars 2019, Ebrahim Raïssi à la tête de l'appareil judiciaire Iranien. Un signal fort directement adressé aux au peuple iranien. Raïssi, candidat malheureux au second tour de la dernière élection présidentielle, est aussi l'un des membres les plus actifs de la célèbre commission de la mort, cellule chargée d'organiser l'exécution de plus de 30 000 opposants politiques alors incarcérés dans les prisons du régime. Nul doute, donc, que lorsque Ali Khameneï déclare vouloir procéder à « une transformation (du pouvoir judiciaire) en ligne avec (ses) besoins, avancées et défis »en nommant l'un des conservateurs les plus zélés de la république islamique à sa tête, il déclare directement la guerre aux forces de l'opposition, dont les forces luttent à l'intérieur du pays et agissent politiquement en nouant des amitiés dans le monde entier. Le message est clair, et suit une trajectoire somme toute logique. Mais c'est un message décevant pour les pays européens qui cherchaient à nouer des relations avec cette théocratie. De la frustration à la colère… Depuis 2017 une succession de fait permet de mieux comprendre la situation : décembre 2017 une vague de protestation touche le pays – la population réclame le départ du régime-, auparavant le régime se fait doubler par la communauté internationale en septembre 2017, les opposants Iraniens du camp Liberty pourchassés par les milices extrémistes de Téhéran, sont exfiltrés avec succès vers l'Albanie, les mouvements sociaux – grèves et manifestations- se poursuivent toute l'année 2018, les Etats-Unis annoncent mai 2018, le retrait de ce pays de l'accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien. Mais tout d'abord l'élection présidentielle de mai 2017 est entachée par le rappel des massacres des prisonniers politiques de l'été 1988. Chaque candidat s'accuse des crimes commis. Mais aucun ne s'en excuse ou ne cherche même à s'en repentir. Deux religieux, Rohani, le président sortant, fait face à… Ebrahim Raïssi, un proche du guide suprême. Enfin en France, la convention pour un Iran libre et démocratique accueillant chaque année jusqu'à 100 000 personnes, et de nombreuses personnalités politiques du monde entier, est un succès en juin 2018. Le sort des Iraniens commence enfin à intéresser l'Occident. Et l'image renvoyée par le pouvoir est des plus déplorables. Autant sur le plan économique qu'en matière de respect des droits les plus fondamentaux. En effet depuis le 27 décembre 2017, les Iraniens ont retrouvé le chemin des rues. Mais cette fois, ça ne se limite pas à une ville, ou à une corporation. Tous les corps de métier sont touchés. Toutes les provinces aussi. Et aujourd'hui, plus de 15 mois plus tard, la contestation se poursuit. Partout. Les slogans ne laissent aucune place au doute sur les murs des villes et des villages : « Khameneï dehors ! On ne veut plus des mollahs ! » « Vois comment naît une tragédie quand les fous sont aux prises avec des événements ordinaires.**» En plus de tout cela, la « communication » des mollahs a de plus en plus de mal à passer. Les mensonges délayés depuis 40 ans ne trompent (presque) plus personne. Pour les tenants du pouvoir, il devient urgent de réagir. D'abord, une vague de tentatives d'attentats, visant à chaque fois directement des responsables du CNRI et des Moudjahidines du peuple. En France, en Norvège, en Albanie, aux Etats-Unis, en Allemagne, les ambassades Iraniennes en Europe regorgent d'agents de renseignement. Mais l'opération est dévoilée et les chancelleries Européennes enjoignent fermement au gouvernement Iranien de ne même plus penser à ce genre de règlement de conflit intérieur sur le sol d'un pays Européen. Dès lors, il reste encore un échelon à franchir ; durcir le ton dans le pays pour pouvoir accuser allègrement les Moudjahidines du Peuple d'Iran (OMPI) et déclencher un prochain massacre. La nomination d'Ebrahim Raïssi est loin d'être une bonne nouvelle pour les défenseurs des droits humains. Mais elle indique également clairement deux choses ; la cible, c'est avant tout le Conseil National de la Résistance Iranienne, l'alternative politique. En agissant ainsi, le pouvoir espère mettre la pression sur le peuple pour l'éloigner de l'OMPI. La deuxième chose que nous apprend cette nomination, c'est que par son biais, le régime reconnaît l'implication et la responsabilité de l'OMPI dans les soulèvements en Iran. Autrefois minimisés et souvent ridiculisés à dessein par l'appareil propagandiste, et certains experts lobby du pouvoir à l'étranger, ces militants structurés dans le pays en « unités de résistance » sont mieux organisés que jamais, et capables d'entraîner avec eux la nation entière. De la colère à la folie ! Les mollahs en ont conscience et usent de leurs dernières cartouches sur le plan intérieur. La nomination d'Ebrahim Raïssi à la tête de l'appareil juridique, membre des principaux acteurs du massacre des prisons lors de l'été 1988 est le signe que le régime entre en guerre frontale avec son peuple. Et la chose serait ridicule si la vie de milliers de personnes n'était pas en jeu. Tant on sait combien ces mesures se révèleront contre-productives pour les mollahs. Depuis le premier ministre populaire Mohammad Mossadegh, déchu par un coup d'Etat de la CIA, cela fait 65 ans que les Iraniens luttent contre la tyrannie. Les vielles ruses ne prennent plus. Les années de tortures et d'exécutions ont-elles déjà produit un autre résultat que le sentiment d'injustice qui s'élève partout ? L'image de la terreur a-t-elle déjà fait fuir un quelconque combattant de la liberté ? Le mensonge ne sait-il jamais effacé devant la réalité des faits ? Plus on use de la force et du mensonge, plus c'est signe d'une autorité qui disparaît. * Alex Taraj est président de l'Association des Franco-Iraniens du Rhône ** Epictète : De l'attitude à prendre envers les tyrans et autres textes